L’artiste, un des meilleurs représentants de la nouvelle figuration, nous avait habitués à des œuvres graphiques et métaphysiques. Il s’aventure dans le circonstanciel. Avec succès.
Selfati de son nom. Ilyas de son prénom. Pour les amateurs avertis, il est l’un des meilleurs représentants marocains de ce qu’il est convenu d’appeler la Nouvelle Figuration. On se souvient de ses toiles et autres papiers monochromes, aux motifs zoomorphes, d’une précision de trait, d’une élégance élancée et d’un définitif impressionnants.
Reprenons depuis le début. Ilyas Selfati est né à Tanger, en 1967. Il a fait l’école des Beaux-Arts de Tétouan avant d’obtenir une licence arts plastiques à la Faculté UCM, à Madrid, suivie d’une formation aux techniques de l’estampe et autres cours en sérigraphie.
Tout ça pourquoi ? Pour dire que Selfati nous avait habitués à un travail hyper-propre, hyper-graphique, calé, cadré. Ce qui n’empêchait pas, loin de là, une ambigüité certaine. En plus simple : la perversion de l’artiste torturé – excusez le pléonasme – était tout à fait perceptible sous le couvert de la maîtrise technique et esthétique.
Autant de raisons pour que l’amateur averti se sente désarçonné à la découverte du dernier travail proposé par Selfati à la Galerie Shart. Du gris partout. De la peinture plutôt que du trait. De la confusion plutôt que de la clarté.
« Sangrita » (de l’espagnol, relatif du sang) est une série troublante. Dans un savant négligé, à coups de pinceaux grossiers, Selfati peint de l’actualité, c’est-à-dire du politique. La référence aux printemps arabes – réussis ou avortés – est claire. Hormis les références revendiquées à quelques maîtres – Goya et le Picasso du Guernica –, il y a, assurément, une colère personnelle, profonde mais maîtrisée.
Ilyas Selfati n’est pas le premier artiste à s’offusquer de l’état de désordre, d’injustice et de guerre qu’offre le monde. Il le fait à sa manière : nonchalante, distanciée, surtout plastique.
En réalité, il ne s’agit que de cela. D’art. De peinture. On se moque du discours d’un Selfati. On aime, on salue l’excellent plasticien qu’il est.
Sangrita. Galerie Shart, Casablanca. Du 11 avril au 10 mai 2014.
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