L’article 19 de la Constitution, qui garantit, entre autres, l’égalité entre hommes et femmes, fait l’objet d’une lutte associative serrée. Citoyens et militants sont sortis pour qu’il soit enfin appliqué.
Rabat, dimanche 13 avril. A 10h, quelques petits groupes s’agglutinent déjà à Bab El Had. Des curieux, ravis de casser la routine de leur sortie dominicale, rejoignent la place, mais se tiennent à l’écart de la foule. L’un des badauds, informé de la tenue d’une marche pour la défense de la cause féminine, demande, étonné : « Waily ? Mais pourquoi y a-t-il autant d’hommes ? ». Il a vu juste : une forte présence masculine caractérise la manifestation.
PJDisme et féminisme
Première remarque, le nombre de participants ne dépasse pas la barre du millier. « Je m’attendais à une participation plus importante. Mais, hélas, le mouvement féministe est tellement fragmenté que ses actions ne peuvent être efficaces », estime Mounir Kejji, un militant amazigh. Fouzia Assouli, présidente de la Coalition civile pour l’application de l’article 19, nous dira plus tard que « le but n’est pas de fédérer des milliers de manifestants, car nous ne sommes pas dans la logique du chiffre. Nous ne sommes là ni pour le rapport de forces, ni pour créer l’instabilité. Nous souhaitions, avant tout, avoir des femmes de différents secteurs ». Journalistes, syndicalistes, artistes, intellectuels et Soulaliyate ont répondu à l’appel de la coalition. « Grâce à leur présence, nous avons atteint notre objectif : que cette marche regroupe des personnes représentatives de différents secteurs », estime pour sa part Ahmed Assid, qui était aussi présent. Le cortège d’environ 800 personnes quitte la place Bab El Had et se dirige promptement vers le parlement.
Parmi les absences remarquées figure celle des féministes islamistes. « Aucun signe de leur part. Pourtant, les principes et les valeurs que nous défendons sont universels », se désole Fouzia Assouli. La sphère politique ne fait pas mieux : outre quelques figures phares, à l’instar de Khadija Rouissi, nos hommes politiques semblent avoir préféré la grasse matinée. Pourtant, rappelle Assouli, « l’article 19 est un projet de société. Et son blocage a des conséquences sur celle-ci toute entière. »
Parlement : venez couvertes
Après plus d’une heure de marche, la manifestation arrive au parlement. S’ensuit une valse de slogans, dont l’un fait référence à Lahbib Choubani. Et pour cause, le ministre chargé des Relations avec le parlement et la société civile s’est improvisé gardien des mœurs de l’hémicycle, le 11 avril, en refoulant une journaliste sous motif de tenue inappropriée. Le syndicat des journalistes, des parlementaires ainsi que la société civile se sont vivement indignés contre le comportement du ministre, qui n’en est pas à sa première bourde. « Il faut que le PJD comprenne que son rôle est de gouverner, pas de faire dans la morale, ni de dénigrer tous ceux qui ne pensent pas comme lui », s’indigne un manifestant. Ahmed Assid, lui, note avec regret, que « Bassima Hakkaoui, ministre de la Femme et de la famille, ne communique qu’avec des associations et des organisations qui sont idéologiquement proches du PJD ».
Réussie ou non, la marche n’était qu’un moyen parmi d’autres pour faire entendre la voix de la coalition. Et elle ne s’arrêtera pas là. « Nous avons créé cette coalition car tout était bloqué. Le gouvernement prône la pensée unique, alors que nous voulons une société qui se base sur les valeurs d’ouverture, de dialogue et d’égalité. Nous avons longtemps lutté pour en arriver là, et nous n’accepterons pas que ce soit démoli », conclut Fouzia Assouli.
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