Une loi spécifique aux coopératives d’habitat sera bientôt lancée dans le circuit législatif. Elle comblera un vide juridique concernant ce modèle de groupements qui séduit de plus en plus de Marocains.
Des particuliers qui unissent leurs moyens pour construire eux-mêmes leurs maisons, c’est le principe des coopératives d’habitat qui semble avoir le vent en poupe. Ils sont actuellement près de 50 000 Marocains à avoir adhéré à 1092 coopératives et investi quelque 5 milliards de dirhams, selon les statistiques officielles. Le concept séduit car il permet d’accéder à des logements d’un niveau de qualité élevé pour un prix moindre par rapport à l’offre des promoteurs immobiliers, surtout que le dispositif profite de plusieurs avantages fiscaux (voir encadré). Il n’empêche que, dans la pratique, les coopératives d’habitat ont donné lieu à bien des abus.
Adhérents spoliés
« De nombreux dossiers portés chaque année devant la justice concernent des cas de détournements de parts d’adhérents, de faux et usage de faux ainsi que de spoliation de terrains », énumère un juriste.
L’exemple le plus connu remonte au début des années 2000 quand une association de 500 particuliers acquiert un terrain d’une dizaine d’hectares pour y construire des immeubles. La vente et l’enregistrement du foncier sont finalisés en quelques mois. Les travaux démarrent juste après mais, dans la foulée, un membre du conseil d’administration de la coopérative opère un changement de forme juridique de l’entité pour en faire une société civile immobilière (SCI). Le patrimoine de la coopérative est intégralement transmis à cette nouvelle structure. Tous les adhérents de la coopérative sont bien informés de la transformation par courrier. Mais celui-ci ne précise pas le plus important : les anciens adhérents ne sont pas intégrés dans l’actionnariat de la nouvelle entité. Ils se retrouvent donc dépouillés de toutes leurs cotisations du jour au lendemain.
Ce n’est qu’au prix d’une bataille judiciaire d’une dizaine d’années que les torts ont pu être redressés. Sauf que, entre-temps l’adhérent véreux a pu constituer une autre coopérative en s’appuyant sur le patrimoine de sa SCI. Rebelote avec une transformation juridique et des adhérents mis hors-jeu. Et la même manœuvre a encore été utilisée pour mettre sur pied une troisième coopérative. Bilan des dégâts : des milliers d’adhérents arnaqués.
Une réglementation dédiée
Pour couper court à ces pratiques, le ministère de l’Habitat veut faire adopter une nouvelle loi sur les coopératives immobilières. La consultation publique lancée par le secrétariat général du gouvernement vient d’être achevée. A l’heure actuelle, les coopératives d’habitat ne font l’objet d’aucune réglementation dédiée. Elles sont régies par la loi 24-83 qui régule tous les types de coopératives, qu’elles soient agricoles, artisanales ou encore de commerçants détaillants.
Pour remédier aux malversations, le projet de loi instaure des pratiques de bonne gouvernance. Par exemple, un auditeur devra être désigné pour garder un œil sur la gestion de la coopérative, avec pour obligation d’exposer un rapport à l’assemblée générale. Aussi, pour empêcher l’éjection abusive des adhérents du tour de table, la transmission et la cession de leurs parts sont rigoureusement encadrées. Plus encore, le projet de loi prévoit de nombreuses possibilités de contrôle de la gestion des coopératives par le ministère de l’Habitat. Ce dernier est désigné comme nouvelle autorité de tutelle de ces entités, alors que cette responsabilité relevait jusqu’à présent de l’Office de développement de la coopération (ODCO).
Concrètement, les coopératives seront par exemple tenues de présenter toutes les données attestant qu’elles sont gérées conformément à la réglementation, à la demande du ministère de l’Habitat ou de toute autre administration qui l’exige. Si des violations sont constatées, l’organisme de tutelle peut user de sanctions allant jusqu’au retrait de l’autorisation de l’entité en infraction.
Procédures simplifiées
En plus de muscler la gouvernance des coopératives d’habitat, le nouveau cadre ambitionne de renforcer leur professionnalisme. « De nombreux projets sont gérés de manière amateure, ce qui compromet leur parachèvement. De nombreuses coopératives ne maîtrisent pas, par exemple, la procédure d’apurement du foncier. Aussi, de nombreuses entités non averties se retrouvent avec des terrains localisés dans des zones non constructibles », confie-t-on au ministère de l’Habitat. C’est pourquoi la nouvelle loi impose que les coopératives d’habitat n’acquièrent que des terrains immatriculés ou en voie de l’être, avec dans ce dernier cas l’obligation que le délai de la procédure d’opposition soit écoulé. Le texte impose également de s’assurer que le foncier soit localisé dans des zones résidentielles selon les documents d’urbanisme en vigueur.
Mais le projet de loi ne se limite pas à serrer la vis aux coopératives d’habitat, loin de là. Il vise également à assouplir les procédures entourant ces entités afin d’encourager leur développement. Le département de Nabil Benabdallah ne peut faire l’économie d’aucun levier pour parvenir à son objectif de production de 170 000 logements par an. Ainsi, la procédure pour la création de coopératives d’habitat devrait être facilitée, car « la marche à suivre en l’état actuel des choses est assez compliquée vu l’enchevêtrement des pièces à fournir et des intervenants », concède-t-on au ministère de l’Habitat.
Le projet de loi désigne le ministère de l’Habitat comme interlocuteur unique pour les formalités à accomplir, l’ODCO étant, quant à lui, appelé à jouer un rôle de partenaire. La tutelle devra se prononcer dans un délai de deux mois au plus. Autre assouplissement notable, le minimum de membres pour constituer une coopérative est abaissé à 5 contre 7 actuellement, avec un maximum de 60 membres. En revanche, le capital minimum lors de la constitution est porté de 20 000 à 25 000 DH. Le projet de loi devra être examiné dès la prochaine session parlementaire.
Fiscalité. Facture allégée Au prix qu’atteint actuellement le mètre carré livré par les promoteurs immobiliers, la promesse d’économie des coopératives d’habitat ne peut que séduire les acquéreurs. « Ces associations mettent sur pied des logements moins chers du fait qu’elles font justement l’économie des coûts d’intermédiation des professionnels de l’immobilier », explique un spécialiste. A cela s’ajoutent des dizaines de milliers de dirhams d’économies grappillées grâce à un régime fiscal avantageux. D’abord, il faut savoir que les parts des coopératives d’habitat sont exonérées de tous les impôts et taxes, expliquent les fiscalistes. Ensuite, les livraisons à soi-même de construction de logement dans le cadre des coopératives d’habitat, au même titre que toute autre auto-construction, sont exonérées de TVA. La condition est toutefois que la superficie n’excède pas 300 m2 par adhérent, avec l’obligation d’en faire son logement principal pendant une durée d’au moins quatre ans. La liste des cadeaux fiscaux comprend encore une ristourne sur les frais d’enregistrement, établis à 2,5% de la valeur des terrains contre 5% en temps normal. Citons encore l’exonération de frais des actes de cautionnement bancaire ou d’hypothèque. |
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