Mémoire. Au-delà de l’exposition qui réunit ses travaux et les dessins inédits de son père, Touda Bouanani œuvre pour la préservation du legs de l’écrivain-cinéaste.

L’exposition que Touda Bouanani a présentée à la Galerie Fatma Jellal est troublante. L’artiste contemporaine nous pardonnera de ne pas nous apesantir sur ses vidéos-installations mêlant, avec savoir et émotion, images et poésie, et ce pour mieux nous focaliser sur l’œuvre graphique inédite de son père, qu’elle a intégrée dans son projet intitulé « Il était une fois ». Ahmed Bouanani (1938-2011) est l’auteur, entre autres, de trois œuvres majeures de la culture marocaine postcoloniale : Mirage, long-métrage sorti en 1979, Les Persiennes, recueil de poèmes publié en 1980, et L’Hôpital, récit paru en 1990. Le même onirisme frisant le surréalisme, le même stylisme relevant de l’orfèvrerie, le même pessimisme existentialiste se retrouvent dans les trois.

Sauvés des flammes

Mais qui savait que Bouanani dessinait si bien ? L’homme, réputé misanthrope, était secret. Ses dessins – certains originaux, d’autres tirés en sérigraphie – trahissent un curieux mélange d’influences, allant de la miniature persane au dessin cubisant d’un Fernand Léger, en passant par la pureté du trait d’un Cocteau.

Sur une grande table, est disposé tout ce que Touda a sauvé d’un incendie survenu dans l’antre du père, peu de temps après sa disparition : des story-boards, une histoire du cinéma marocain du protectorat aux années 1980, des dessins, des poèmes et autres nouvelles inédites. L’ensemble constitue un précieux fonds que l’héritière entend préserver et valoriser dans le cadre d’une association qu’elle a créée. Pour l’aider dans cette vaste tâche, Fatma Jellal a invité des étudiants en licence de cinéma de l’Université Ben M’sik 
de Casablanca à lire, retranscrire, inventorier et numériser les documents en question. Un projet qui se poursuivra bien au-delà de la durée de l’exposition.