Construire une villa invisible ou en forme de nuage, transformer un appartement en penthouse, créer une maison adaptée aux conditions extrêmes du désert : autant de défis architecturaux relevés par cette nouvelle génération de bâtisseurs marocains. Portraits.
Yasmine El Kasri, la lumière avant tout
Une villa conçue par Yasmine El Kasri sur un site de Taghazout, près d’Agadir.
Pour cette architecte casablancaise formée à l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris, la lumière est l’élément essentiel de la qualité de l’espace : “Une orientation sud n’est pas suffisante pour bien capter la lumière, je joue sur les volumes et l’épaisseur des murs pour capter au mieux les rayons du soleil”. Yasmine El Kasri privilégie les grandes ouvertures et les hauteurs. Elle revisite l’architecture classique en creusant des puits de lumière pour éclairer naturellement l’espace intérieur. “Les modèles architecturaux européens ne sont pas adaptés au climat local. Il faut plutôt chercher du côté de l’architecture traditionnelle et l’allier à des matériaux modernes et adaptés”. Yasmine ose inviter le patio à l’intérieur du salon, et réchauffer les pièces à vivre grâce à la lumière zénithale et à l’élément végétal. Pour protéger les façades du surensoleillement de l’après-midi, l’architecte préfère utiliser des persiennes en bois mobiles : “Les matériaux naturels adoucissent la vue et participent au confort visuel d’une maison”. Elle s’attache également à produire des volumes aérés en ventilant les espaces. Touche-à-tout, Yasmine crée aussi bien des villas originales que des immeubles de luxe. Elle a également conçu les plans de la gare d’Assilah et a participé au concours pour la conception du Musée de Dakhla.
Youssef Nejmi, le minimaliste
Façade en pierre noire des Zaers d’une villa réalisée par Youssef Nejmi à Rabat.
« Il y a dix ans, le salon marocain était obligatoire et la cuisine était construite au sous-sol. Aujourd’hui, les familles sont moins nombreuses, elles comptent moins de personnel et les grandes réunions familiales sont moins régulières”. Pour cet architecte de 42 ans formé à Marne La Vallée, la maison doit vivre avec son temps. Adieu zellige et sous-sol, Youssef Nejmi repense l’aménagement de l’habitation pour la rendre plus zen. “L’architecture disparaît si bien qu’on ne la remarque plus”. Youssef Nejmi évite le conformisme et privilégie la sobriété. Installé depuis 2001 à Casablanca, il y a notamment réalisé l’aménagement des stations de tramway. L’architecte privilégie le confort : “Je ne compte pas sur la technologie, je préfère écouter le client pour lui apporter la meilleure qualité de vie en répondant correctement à une problématique unique”. Privilégiant le minimalisme chaleureux, Youssef utilise des matériaux fonctionnels : “Construire une maison en bois coûte cher pour rien : il vaut mieux investir dans un beau tableau”.
Ismail Akajni, le cubiste
La villa B à Meknès, une maison individuelle réalisée en 2011 par Kubik Studio.
Meknès a son artiste de la géométrie : ce jeune architecte de 32 ans, formé en France en architecture et en urbanisme, crée l’agence Kubic Studio à son retour en 2008, dans sa ville natale. “La philosophie de l’agence repose sur une permanente contemporanéité dans l’acte de bâtir”. Pour Ismail Akajni, allier modernité et ancrage spatio temporel marocain constitue le fil rouge indissociable du processus de création. Il réfléchit à des concepts architecturaux avant-gardistes au lieu de répondre de manière littérale à un programme soumis aux seules exigences technico-financières. Depuis 2004, Ismail Akajni présente des projets originaux aux différents concours auxquels il participe, en France et au Maroc. Il a notamment travaillé sur la conception d’un projet pilote d’écovillage ainsi que celui d’une “Touareg city”, pour laquelle il crée une architecture moderne et durable en conditions désertiques extrêmes. Ses créations sont minimalistes, les angles purs y épousent l’environnement naturel.
Younes Diouri, le pro des matériaux
La villa “nuage cubiste”(500 m2) à Rabat, conçue par Younes Diouri et Timothée Boitouzet.
« Concevoir une belle villa ou aménager un loft n’est pas seulement une question d’esthétique, aujourd’hui le vrai défi est dans la performance matérielle”. Ce jeune architecte r’bati donne la priorité aux paramètres invisibles des espaces : il utilise des matériaux adaptés pour réguler l’apport en lumière, contrôler la ventilation et l’humidité ou encore garantir le confort thermique et sonore. A 27 ans, Younes Diouri est un jeune prodige qui pilote des projets au Maroc tout en travaillant dans un grand bureau d’architectes parisien. Formé en France et au Brésil, Younes Diouri conçoit des maisons où il fait bon vivre pour tous les membres de la famille. Surtout, il sait répondre aux attentes de l’habitant tout en réussissant à le surprendre : “La maison marocaine classique est devenue inadaptée aux habitudes et à la structure des foyers : plus personne n’utilise le grand salon marocain par exemple. Pour augmenter le confort et la qualité des espaces de vie, on peut s’adonner à de nouvelles expériences spatiales qui installent un écosystème sain dans la maison”. Tout en préparant son retour au Maroc, ce passionné est également directeur de publication de aMush, plateforme en ligne de référence dédiée à l’architecture contemporaine au Maroc.
Omar Kadiri, l’avant-gardiste
La villa paysage, conçue par Omar Kadiri près de Marrakech./AOK.
A 28 ans, ce jeune architecte formé à Paris, Rio et Beyrouth est un véritable génie de l’architecture contemporaine. De son atelier sis à Casablanca, il conçoit des maisons uniques pour une clientèle à la recherche de la villa idéale. Omar Kadiri ne réduit pas l’architecture à un bâtiment, mais focalise plutôt sur la conception d’une qualité de vie sur mesure. Un architecte expérimental, plutôt radical qui refuse le travail alimentaire et préfère produire des habitations originales. L’architecture de ce laborantin est délibérément différente, conçue pour apporter le meilleur à l’habitant et répondre efficacement aux exigences de son quotidien. “Les vrais matériaux sont la lumière, l’air et l’espace”. Il donne la priorité au calme, à la sérénité et au confort visuel pour améliorer la qualité de vie d’une maison. Son premier projet au Maroc, illustré ci-contre, révèle déjà son talent : il crée pour un particulier une villa au coeur des montagnes, à quelques kilomètres de Marrakech, sur un terrain en pente. Une maison avec vue spectaculaire et intimité garantie, qui devient presque invisible sous l’horizon.
Yachar Bouhaya, l’archi-urbain
Salon d’un penthouse de 330 m2 à Casablanca réaménagé par Yachar Bouhaya.
« Je ne suis pas pour parachuter une architecture étrangère, je préfère utiliser les ressources locales en sublimant l’artisanat et le savoir-faire marocains”. Résolument urbain, cet architecte de 36 ans maîtrise l’art du rétrodesign et réalise des projets contemporains pour des particuliers allergiques à l’ostentatoire. Yachar Bouhaya revisite l’architecture marocaine classique en apportant une réponse très actuelle aux besoins de l’habitant. Diplômé en 2005 de l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris, ce fils d’architecte a travaillé pour plusieurs agences spécialisées dans l’immobilier de luxe avant de créer sa propre structure à Casablanca. Pour lui, le luxe c’est avant tout une question d’espace. Spécialiste du réaménagement d’intérieur et de la grande échelle, il transforme de grands appartements en somptueux lofts où l’espace est conçu pour répondre parfaitement aux besoins de l’habitant. Il aménage aussi des boutiques de luxe. Plutôt branché sobre chic, ce jeune architecte identifie davantage son travail à un processus de fabrication plutôt qu’à un style prédéfini. Très attentif au confort thermique, il conçoit des habitations totalement intégrées et sait apporter une touche de green dans un environnement bétonné.
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