L'armée du salut. Le cœur de Taïa à l’écran

Homosexualité. C’est la première aventure cinématographique pour l’écrivain marocain. L’armée du salut est un film sur la difficulté d’être soi-même dans notre société.

Il est courant que des livres soient adaptés au cinéma. Il est fréquent aussi de préférer le livre à la version filmée. Pour L’armée du salut, de Abdellah Taïa, il est difficile de trancher. Dans la version long-métrage, contrairement au livre, il n’y a pas de mots crus, ni de dialogues explicites. Le film n’est pas prolixe et c’est tant mieux. Abdellah (campé par Saïd Mrini) est un adolescent qui a toujours la tête baissée. Il évolue dans une famille où il est compliqué de se dire « je t’aime » et où les larmes d’un jeune homme confirment sa faiblesse ou sa féminité. Il est aussi la cible des gamins du quartier populaire dans lequel il vit, qui ont bien compris que Abdellah n’est pas comme les autres, qu’il aime les garçons. La force du film est la sobriété de la réalisation et donc l’émotion qu’elle arrive à transmettre. A regarder ces images défiler, le spectateur peut sentir du bout des doigts le cœur meurtri d’un enfant différent qui grandit dans une société sclérosée par les tabous.

Ça sonne faux !

Le réalisateur a les références qu’il faut. Abdellah Taïa, amoureux du cinéaste indien Satyajit Ray, filme une adolescence marocaine comme le maître indien s’intéressait aux petits riens (dans la trilogie d’Apu) pour dépeindre l’Inde. La faiblesse de L’armée du salut est dans certains dialogues, maladroits et qui sonnent faux. Comme lorsque Slimane, grand frère de Abdellah, drague une serveuse dans un restaurant. Slimane lui lance (en français) : « Je peux avoir un sourire ». Réplique à laquelle la convoitée répond avec vigueur (toujours en français): « Pour le sourire il faudra passer demain ». L’échange entre les deux n’est absolument pas crédible et imaginable dans un restaurant populaire au Maroc. Il faut donc pardonner certaines maladresses au film, car sur le fond, Abdellah Taïa offre son cœur à l’écran et il est dur d’y rester indifférent.    

 

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