L’artiste-peintre nous revient avec une abstraction lyrique tout en retenue, soutenue par sa remarquable maîtrise du métier.
Ascruter une à une les œuvres fraîchement accrochées aux cimaises de l’Atelier 21, on est peu à peu envahi par un sentiment de contentement, se transformant bientôt en sentiment de plénitude. A soixante-cinq ans, Saâd Hassani n’a non seulement pas perdu la main, mais il est en pleine possession de ses moyens. Cette dernière cuvée est d’une belle maturité. Hassani a toujours eu du métier. Autodidacte, il s’est, très jeune, consacré à temps plein à la pratique de la peinture. Ne cédant jamais à l’appel des sirènes de la mode – celle du tout-conceptuel –, il s’est obstinément attaché à produire de la « peinture-peinture », jusqu’à atteindre un haut degré de classicisme dans sa facture. On aime ces savants glacis, à l’extrême limite entre la transparence et l’opacité, qui ne sont pas sans rappeler les vernis de certaines œuvres de la Renaissance flamande. On craque pour cette mystérieuse matière poudreuse, mélange d’acrylique, de pigments naturels et autres touches de pastel, dont il recouvre ses travaux sur papier. Pour instinctive et physique qu’elle soit, la peinture de Saâd Hassani n’en est pas moins « cultivée », dans le sens où elle est truffée de références. Il y a du Tapiès et du Texier dans ces motifs-graffitis, qu’on devine appliqués avec les doigts. Il y a du Matisse et du Klein dans ces accords de couleurs aussi sourds que puissants, même si la palette de l’artiste s’est sensiblement adoucie avec, notamment, l’intrusion de ces grandes plages de gris. Enfin, il y a du Rothko dans ces aplats fauves, faussement monochromes. Après une première période consacrée à une certaine abstraction organique, Hassani a longtemps pratiqué une figuration plus ou moins suggestive (les séries Les Chaises, Le Corps, puis L’Echiquier) avant de passer à cette abstraction lyrique qu’il nous livre aujourd’hui. Une abstraction délicate, car tout en retenue. Avec juste ce qu’il faut d’inachevé et de suspendu dans le geste pour déjouer, efficacement, l’esthétique assumée du tableau-objet.
Saâd Hassani. Galerie L’Atelier 21, Casablanca. Jusqu’au 25 février.
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