L’adoption du projet de loi sur le droit d’accès à l’information a été ajournée en conseil de gouvernement. De nombreuses ONG craignent que ce report soit un prétexte pour vider le texte de sa substance.
Comme pour le projet de loi relatif aux violences contre les femmes ou le projet de code numérique, le gouvernement vient d’ajourner un autre texte tout aussi important : celui sur l’accès à l’information. Dans l’absolu, cette loi devrait accorder le droit de demander des informations (décrets, lois, marchés publics, organigrammes…), sauf en ce qui concerne quelques domaines comme la défense, la sécurité intérieure et extérieure du pays et des données pouvant attenter à la vie privée des personnes, entre autres. Le projet de loi définit même les modalités d’accès, les délais et les voies de recours en cas de refus de l’administration concernée.
Un texte sensible
Le gouvernement a décidé de se donner un mois supplémentaire pour étudier le projet de loi. Mieux, à cette fin, Abdelilah Benkirane a mis en place une commission interministérielle, qu’il préside lui-même. « Le texte définitif a été soumis aux membres du gouvernement 24 heures avant la tenue du conseil et ce n’était pas assez », explique Mohamed Moubdiî, ministre de la Fonction publique, qui affirme que cette dernière mouture « a été allégée ». C’est que ce projet de loi ne date pas d’hier. Elaboré sous l’égide de Abdelaâdim El Guerrouj, il attendait d’être adopté depuis août 2013. Sachant qu’avant cela, les groupes parlementaires MP et USFP avaient soumis deux propositions de loi sur le même sujet, qui n’ont jamais été discutées.
La version définitive répond-elle aux réserves émises par les ONG à l’encontre de la première mouture, qui ne cadrait pas avec les standards internationaux en la matière ? « Nous avons débarrassé ce projet de loi d’une dizaine d’articles de manière à nous conformer aux normes internationales et pour tenir compte des observations de la société civile », soutient Mohamed Moubdiî. Mais, d’ici moins d’un mois, d’autres amendements pourraient y être apportés par les ministères concernés. Car, il ne faut pas l’oublier, comme dans tout texte « sensible », plusieurs départements ont contribué à l’élaboration de ce projet de loi : l’Intérieur, la Justice et la Défense nationale.
La Constitution détournée
Les acteurs associatifs qui suivent le processus d’adoption de cette loi sont d’avis diamétralement opposé à celui du gouvernement. « L’Exécutif s’est donné beaucoup de temps et se donne encore un mois pour vider ce texte de toute substance », accuse Azeddine Akesbi, économiste et militant au sein de Transparency Maroc. Et ce ne sont pas les arguments qui manquent à notre interlocuteur, qui affirme que le gouvernement est en train de détourner l’esprit de l’article 27 de la Constitution sur le droit d’accès à l’information. « Les formulations sont très vagues quand on parle de sécurité du pays ou encore de secret professionnel », poursuit Azeddine Akesbi. Les critiques visent également l’organisme qui supervisera ce droit et qui servira de voie de recours. Dans sa configuration définitive, l’écrasante majorité des 12 membres de cette instance sont nommés par le gouvernement. La seule place réservée aux ONG revient au représentant de la fédération de la société civile. « Or, tout le monde sait qu’on n’a pas une fédération pareille et que l’instance sera seule à trancher. C’est aberrant », conclut Akesbi. Lorsque le texte aura passé le cap du Conseil de gouvernement, on peut espérer que le parlement rectifiera le tir. Ce sera le dernier rempart.
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