Réglementer la copie privée et transformer le BMDA en établissement public, c’est la stratégie du ministre de la Communication pour améliorer les revenus des artistes.
Mustapha El Khalfi a enfin expliqué sa stratégie pour régler la problématique des droits d’auteur. Il a d’abord présenté, début décembre, un nouveau projet de loi sur la copie privée, devant la commission de l’enseignement, de la culture et de la communication de la Chambre des représentants. Un texte qui complète en réalité la loi relative aux droits d’auteur et droits voisins déjà existante, critiquée depuis plusieurs années. Ensuite, le ministre PJD a déclaré qu’il comptait faire du Bureau marocain des droits d’auteur (BMDA) un « établissement public, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière », mettant fin à la polémique autour du statut hybride de cet organisme. Pour autant, plusieurs questions restent encore en suspens.
Taxe à l’import
Selon El Khalfi, le meilleur moyen pour que le BMDA génère des recettes est de faire payer une redevance aux grandes sociétés qui importent les CD et DVD au Maroc. Objectif : limiter l’impact financier du piratage des œuvres marocaines et renflouer les caisses du BMDA. D’après les chiffres du ministère de la communication, 72 millions de CD et DVD sont importés chaque année par une dizaine de grandes sociétés. Si le montant de cette taxe sur la copie privée n’a pas encore été fixé, elle pourrait s’élever à 72 millions de dirhams par an si l’Etat prélevait ne serait-ce qu’un dirham par support. Un très joli pactole sachant que le BMDA ne reverse aujourd’hui que 5 millions de dirhams par an aux ayants-droit. « C’est une bonne initiative, mais il faut savoir si cet argent, perçu par la douane, sera reversé au BMDA puis aux artistes en toute transparence », nuance Sarah Hajlblum, productrice du groupe Haoussa, qui milite depuis plusieurs années pour la réforme des droits d’auteur. Pour Aadel Essaâdani, le président de l’Association Racines, il faut se poser d’autres questions : « Pourquoi ce projet de loi exempte-t-il les opérateurs audiovisuels de cette redevance ? Et sur qui va-t-elle réellement se répercuter ? ».
Adieu la Sacem
D’après les déclarations d’El Khalfi, la réforme du BMDA sera bientôt chose faite. Sauf qu’il ne compte pas le transformer en société privée comme beaucoup de militants et acteurs culturels le réclamaient, mais en établissement public. « Ce n’est pas logique vu qu’il ne s’agit pas de gérer de l’argent public, mais celui des artistes. On aurait pu suivre l’exemple du Sénégal, qui a créé il y a quelques semaines une société civile de droits d’auteur », suggère Essaâdani.
Mustapha El Khalfi veut aller encore plus loin en cessant la collaboration avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). Cet organisme français, qui a signé une convention avec le Maroc en 1977, gère et protège le répertoire des artistes marocains qui ont déposé leurs œuvres au BMDA. Surtout, c’est la Sacem qui comptabilise et redistribue l’argent collecté au Maroc et en France aux artistes. « Je suis pour la marocanisation du BMDA, mais il faut bien préparer le terrain, et optimiser les ressources humaines et techniques », poursuit Essaâdani. Qu’en pensent les artistes ? « S’ils arrivent à mettre tout cela sur les rails, c’est très bien. Mais si ça fonctionne mal, je continuerai à travailler directement avec la Sacem », affirme pour sa part la chanteuse Oum.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer