Plus de trois ans après la révolution du Jasmin, la Tunisie vient tout juste d’adopter sa propre constitution.
Il aura donc fallu trois années pour que toutes les composantes de la scène politique tunisienne puissent se mettre d’accord sur l’élaboration d’une constitution. En effet, la constitution tunisienne, fruit d’un large consensus, pose les bases d’une démocratie : la souveraineté du peuple, l’égalité homme-femme et la liberté de conscience et de croyance. Adoptée à une majorité écrasante de 200 votes, dépassant ainsi la majorité requise qui est de 145 votes, la constitution a finalement été approuvée par l’Assemblée Nationale Constituante tard la nuit, le dimanche 26 janvier.
Le moment était chargé d’émotions. Les élus de l’Assemblée ont chanté en chœur l’hymne national et scandé «fidèles, fidèles au sang des martyrs de la révolution». En reconnaissance à toutes les personnes qui ont payé de leur vie le prix de la liberté.
La Tunisie donne ainsi l’exemple à la région. Les forces politiques libérales, laïques et conservatrices sont parvenues à un consensus. Zoom sur les 6 dispositions qui font que cette constitution est la plus innovante et la plus progressiste des pays de la région.
- La constitution vient d’une Assemblée Constituante.
Cette assemblée a ceci de différent avec une commission ou un comité, qu’elle est élue par les citoyens tunisiens. En droit constitutionnel, ce procédé est considéré comme le plus démocratique. Dans la mesure où ce n’est pas un dirigeant qui choisit une commission d’experts et gardant de ce fait le pouvoir constituant qui pourrait lui donner la liberté de modifier le texte à sa guise.
- Liberté de croyance et de conscience.
La liberté de croyance, de conscience mais aussi le libre exercice du culte sont désormais des acquis constitutionnels. Dans son article 6, la constitution tunisienne garantit que c’est l’Etat qui est le gardien de la religion, mais est aussi le « garant de la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane ». Un garde-fou qui prémunit contre toute instrumentalisation de la religion de la part des forces politiques. Autre point important, l’engagement de l’Etat à proscrire l’accusation d’apostasie.
- Pas de contrôle préalable sur les libertés.
Quand des libertés sont énoncées, il arrive parfois que certaines dispositions viennent réduire ces mêmes libertés. Usage courant dans les régimes autoritaires. A titre d’exemple, la liberté d’information existe dans ces régimes. Mais elle est cependant limitée et ne peut être accordée que s’il n’y pas irrespect de certains principes. Sauf que dans le cas tunisien, ce n’est pas le cas. Dans un de ses articles, il est question de : « libertés qui ne sauraient être soumises à un contrôle préalable ». Ces libertés inconditionnelles sont : d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication. Elles ne sont donc plus limitées par des dispositions, comme le respect du président de la République ou de l’Islam.
- Constitutionnalisation de l’éradication de la violence contre la femme.
Les femmes tunisiennes n’auront pas attendre une loi pour que la violence à leur égard puisse être pénalisée ou interdite. En effet, un des articles de la constitution tunisienne établit que l’Etat devra « prendre les mesures à même d’éradiquer la violence contre la femme. »
- Situation d’exception.
Aucun Etat n’est à l’abri des situations d’exception. A savoir des situations où les institutions et la sécurité de la nation sont menacées ou encore quand il y a entrave au fonctionnement régulier des pouvoirs publics. C’est le cas notamment des grèves qui s’éternisent ou encore des révoltes, voire même des révolutions. Dans ce cas-là, le chef de l’Etat est en droit de proclamer l’Etat d’exception. Dans la constitution tunisienne, cette situation d’exception ne permet pas au président de dissoudre le parlement. Plus que cela, cette situation d’exception est limitée dans le temps. Si le président de la République dépasse les trente jours, alors la cour Constitutionnelle est saisie.
- Indépendance de la justice.
La constitutionnalisation de l’indépendance de la justice ne suffit pas toujours. Il faut des mécanismes nécessaires pour assurer cette indépendance. La constitution tunisienne justement en fait mention. L’article 103 dispose ainsi que les juges sont totalement indépendants du gouvernement, vu qu’ils ne sont pas nommés par le ministère de la justice mais plutôt par ordre du président de la République. Celui-ci reçoit un avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. Quid de l’indépendance du président de ce Conseil ? Selon l’article 109, c’est le Conseil supérieur de la magistrature qui l’élit.
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