Utopie. J. M. Coetzee revient au roman avec une belle fable philosophique, qui interroge la filiation, l’amour et l’histoire.
Ils sont arrivés par bateau dans un camp. L’enfant, on l’a appelé David. L’homme qui a pris soin de lui quand il a perdu les papiers qui lui auraient permis de retrouver sa mère, on l’a appelé Simón. On leur a donné aussi les âges qu’ils avaient l’air d’avoir : cinq ans pour le garçon, quarante-cinq ans pour l’homme. « On leur a donné comme date de naissance la date de leur arrivée ensemble, de leur entrée ensemble dans une nouvelle vie ». On leur a fait apprendre l’espagnol, la langue du pays. Puis on leur a donné un logement, on a aidé Simón à trouver un travail. Et là, « lavés à grande eau du passé », on les a laissé vivre. Mais dans ce monde lisse de Novilla, où tous les besoins des habitants sont anticipés et satisfaits, il n’y a pas de place pour les questionnements intérieurs. Novilla est une utopie froide, bureaucratique, aseptisée jusqu’à l’absurde, sans passion et sans recul critique. Simón, lui, conserve des bribes de la vie d’avant, et surtout s’est donné pour mission de retrouver la mère de David… quitte à lui en choisir une.
Dix ans après son Prix Nobel de littérature, John Maxwell Coetzee fait un retour saisissant au roman. La force de son récit tient à la fois au mystère qui entoure les personnages – on ne saura jamais d’où ils viennent ni pourquoi ils se sont trouvés contraints à l’exil – et à la fraîcheur de la relation entre Simón et David. Par fines touches, l’auteur de Disgrâce amène le lecteur à se demander qu’est-ce qu’un père, une mère ? Qu’est-ce qu’élever un enfant ? Une enfance de Jésus raconte une magnifique histoire d’amour entre un homme qui se choisit un fils et un fils qui se choisit un père, alors que rien, ni la loi ni la biologie, ne les y contraignent.
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