Le premier secrétaire de l’USFP a suscité la polémique en plaidant pour l’égalité face à l’héritage, l’interdiction de la polygamie et la criminalisation du mariage des mineures.
La querelle autour de la darija se calme à peine que le camp conservateur s’est déjà trouvé un nouveau punching-ball. Après Noureddine Ayouch, c’est au tour de Driss Lachgar de s’attirer les foudres des islamistes, suite à un discours prononcé en ouverture du 7e congrès national des femmes ittihadies, le 20 décembre. Contexte oblige, le premier secrétaire de l’USFP a axé son allocution sur la nécessité de réviser l’arsenal législatif relatif aux droits des femmes. Il a notamment appelé à ouvrir le débat sur toutes les lois discriminatoires à leur égard. Dans la foulée, il a plaidé pour l’égalité face à l’héritage, l’interdiction de la polygamie et la criminalisation du mariage des mineures. Rien de vraiment surprenant de la part du chef d’un parti qui se veut moderniste et progressiste. « C’est le discours qui doit être celui des socialistes, surtout dans la conjoncture actuelle où l’on assiste à un retour en force des conservateurs », affirme un jeune dirigeant ittihadi.
Le MUR sort l’artillerie
Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. La riposte, cinglante et sans appel, est évidemment venue du Mouvement unicité et réforme (MUR), base arrière du PJD. « C’est une vile tentative de recherche d’un leadership de façade en surfant sur des sujets qui font l’unanimité auprès des Marocains », réagit Mohamed Hamdaoui, président du MUR, dans les colonnes d’Attajdid daté du 23 décembre. Son prédécesseur, Ahmed Raïssouni, va encore plus loin en affirmant qu’il ne sert à rien de polémiquer avec quelqu’un qui n’a pas « un minimum de sérieux et de crédibilité ». Le 24 décembre, l’éditorialiste d’Attajdid crie carrément au complot en titrant : « Que se cache-t-il derrière les attaques contres les constantes de la Oumma ? ». Mettant dans le même sac les récents appels à enseigner en darija, à abroger la peine de mort et à légaliser l’avortement, il conclut que toutes ces initiatives font partie d’une seule et même campagne de déstabilisation. Abdelbari Zemzmi, le célèbre auteur de fatwas à la pelle, va jusqu’à excommunier Driss Lachgar. Mais ce n’est pas seulement le discours du patron de l’USFP qui dérange les conservateurs. Ils n’ont guère apprécié de voir les femmes ittihadies rendre hommage, lors de leur congrès, à certaines de leurs bêtes noires comme Saïd Saâdi, l’ancien ministre PPS qui avait initié le Plan d’intégration de la femme, mais aussi Ahmed Assid, le tout en présence de Hamid Chabat, invité d’honneur.
Tempête dans un verre d’eau ?
Driss Lachgar étant injoignable, c’est Hasna Abouzid, membre de la direction et secrétaire générale adjointe des femmes ittihadies, qui nous dévoile les dessous de son discours. « Tout ce qu’il a dit est inscrit noir sur blanc dans notre plateforme de travail », affirme la jeune députée sahraouie. « Nous allons ouvrir le débat, mais avec des gens responsables et non avec une frange qui n’a que l’insulte et l’anathème pour réponse », poursuit-elle. Et, comme dans tout débat où s’invitent les conservateurs, ces derniers ont pris soin de passer sous silence certains points tout aussi importants que la polygamie et l’héritage. La section féminine de l’USFP a en effet eu le mérite d’évoquer aussi le travail non rémunéré des femmes au foyer et la nécessité de penser à une indemnisation. Mais aussi la possibilité pour les ayant droits de bénéficier d’une partie de la retraite après le décès d’une femme salariée. « C’est là le vrai débat quand on sait que les femmes subviennent aux besoins de 20% des familles marocaines », commente Hasna Abouzid. Reste à espérer que les revendications des militantes ittahadies puissent se matérialiser par des propositions de loi concrètes…
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