Avocats et magistrats grognent contre leur ministre de tutelle. qu’ils accusent d’avoir agi sans les consulter. Son projet de réforme menacerait leur indépendance
Pour une démonstration de force, c’en était une. Le 29 novembre, des milliers d’avocats ont manifesté devant le parlement contre la charte de la réforme de la justice. « Nous ne nous considérons pas concernés par cette charte et demandons un cadre moderne et démocratique pour l’exercice de notre métier », explique Hassan Ouahbi, président de l’Association des barreaux du Maroc (ABM), qui s’était retirée de l’instance chargée du dialogue sur la réforme de la justice. Les revendications des avocats portent principalement sur l’organisation des barreaux, l’assistance judiciaire et la protection des professionnels. Tous les autres corps des métiers judiciaires sont concernés : les magistrats, les notaires, les adouls et les greffiers. Tous accusent le ministre d’imposer sa volonté. «Ramid a tout monopolisé, mais avec qui va-t-il mener la réforme promise ? », réagit Me Hassan Ouahbi.
La bataille des textes
Avocats et magistrats redoutent notamment un manque d’indépendance. Les juges réclament que tous les postes à responsabilité au sein de la Haute instance du pouvoir judiciaire, appelée à supplanter le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), fassent l’objet d’élections. « C’est la démocratie et nous nous mettons dans l’esprit post-Constitution de 2011 », affirme Yassine Moukhli, président du Club des magistrats. Une autre bataille tournera autour de la loi portant statut de base des magistrats. « Nous n’avons pas déserté le terrain pour autant. Nous avons adressé nos mémorandums au ministère depuis près d’un an et il se devait d’en tenir compte », enchérit Yassine Moukhli. Contacté à maintes reprises, le ministre de la Justice n’a pas répondu à nos appels. Invité au « Forum de la MAP », le 3 décembre, il a déclaré que chacun devait payer sa part de la facture de la réforme qui, en fin de compte, bénéficiera à tout le monde.
Le parlement à la rescousse
Face à ce blocage, les professionnels de la justice comptent sur le parlement pour rectifier le tir. Selon nos sources, en plus des greffiers, l’Association des avocats est entrée en contact avec plusieurs groupes parlementaires. Les robes noires comptent surtout sur l’opposition pour rectifier le tir lors de l’examen des textes en commissions au parlement : « C’est l’espace idoine pour instaurer une réelle approche participative et mettre en chantier les textes capables de cadrer et accompagner la réforme », commente Yassine Moukhli. En cas d’échec, les professionnels n’auront plus qu’à recourir à la Cour constitutionnelle (actuel Conseil constitutionnel). D’ailleurs, l’un des premiers tests auxquels sera soumis Mustafa Ramid est l’examen de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle. Le texte vient d’atterrir à la commission de la Justice, présidée depuis peu par Abdellatif Ouahbi, avocat et député PAM. Le débat promet d’être houleux.
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