Jazz. Son cinquième album est une vraie leçon d’éclectisme. Avec Illusions, le jeune trompettiste prouve qu’il a plus d’un tour dans son sac…

Ce n’est pas du jazz », s’épouvantent les puristes à l’écoute d’Illusions, le cinquième opus d’Ibrahim Maalouf. Qu’à cela ne tienne, le multi-instrumentiste et compositeur franco-libanais n’est pas en quête de  reconnaissance. Les trompettes de la renommée sont déjà bien embouchées pour le neveu d’Amin Maalouf, sacré artiste de l’année aux dernières Victoires du jazz. Après la trilogie Dia (Diaspora en 2007, Diachronism en 2009, Diagnostic en 2011) et Wind en 2012,  Illusions sonne comme une renaissance. Un album grand public, très visuel, presque cinématographique, pensé et enregistré pour la scène. Là où les bien-pensants de la jazzosphère s’étouffent à cause des arrangements et structures pop, de la guitare, omniprésente et électrique, des mélodies ciselées et répétitives, la magie Maalouf opère pourtant. Si ce n’est du jazz, c’est peut-être du rock, de la funk, ou simplement tout cela à la fois. D’un morceau à l’autre, l’auteur de Beirut brouille les pistes, souffle la tourmente et la colère, s’autorise des boucles lancinantes puis des rythmes effrénés, et s’offre une section de trompettes arabes qui font écho à la sienne.

Une leçon d’humilité

En neuf chansons, Illusions est une leçon d’humilité et de talent. L’album joue sur le clair-obscur, évoque la tombée du jour comme les premières lueurs de l’aurore. Pudique, Maalouf ne fait pas de son Liban et de la guerre civile qui l’a vu naître son fonds de commerce, ne se vautre pas dans la souffrance et l’orientalisme plaintif. A peine s’en inspire-t-il dans Busy, qu’il compose en temps de guerre, construisant son thème autour de l’interminable  sonnerie du téléphone, du coup de fil quotidien de son père à la famille sous les bombes. Ibrahim s’amuse, aussi, dans la très africaine If you wanna be a woman, et n’hésite pas à donner du relief à la pop de Rihanna, reprenant avec brio et énergie son tube Unfaithful. Délicieuses illusions.