Passé le cap de la première chambre, le projet de Loi de Finances a subi des retouches. Certaines vont améliorer votre quotidien, d’autres vont le rendre plus difficile. Florilège.
C’est la fin du premier round pour le projet de Loi de Finances 2014. Voté à la majorité à la première chambre après plus de trois semaines de discussions, de lobbying et de réunions marathoniennes, le projet présenté par le gouvernement n’a pas subi de grands changements. Sa structure est restée la même, sauf que les députés de la commission des finances ont pu arracher certaines mesures qui vont impacter pour toute une année la vie de beaucoup de citoyens et d’entreprises. Et ce sont encore une fois les recettes de l’Etat qui ont cristallisé les débats, avec pas moins de 222 amendements proposés, dont 31 adoptés. La partie dépenses n’a subi en revanche aucune retouche. “La majorité n’a pas présenté d’amendements sur les dépenses. Et tous les projets proposés par l’opposition ont été rejetés”, signale ce membre de la commission des finances. En attendant la deuxième mi-temps, qui se jouera désormais à la deuxième chambre, voici les principaux changements apportés au projet de Loi de Finances.
Billets d’avion. La taxe surprise
C’est une mesure qui en a surpris plus d’un. Présenté par le gouvernement, sur proposition du ministre du Tourisme, Lahcen Haddad, cette nouvelle taxe sur les billets d’avion ne fait pas l’unanimité. Concrètement, pour chaque billet émis à partir du Maroc, les voyageurs devront payer 100 dirhams de plus pour la classe économique, et 400 pour la classe affaires. Devant rapporter entre 700 millions et 1 milliard de dirhams, cette nouvelle taxe devra boucher deux trous dans le budget public : la promotion touristique, qui a vu son budget fondre de plus de 25%, et le Fonds de la cohésion sociale, dont le budget a été doté de 3 milliards contre 2,5 milliards en 2013.
Voiture de luxe. Le prix de la solidarité
Après deux augmentations successives dans les tarifs de la vignette, les automobilistes devront encore une fois passer à la caisse. Le parlement vient en effet de voter une mesure qui ne devrait pas beaucoup plaire aux amateurs de belles voitures. Pour tout achat d’un véhicule neuf d’une valeur comprise entre 400 et 600 000 dirhams, l’acheteur devra payer 5% à l’Etat. Ce taux monte à 10% pour les voitures de moins de 800 000 dirhams, à 15% entre 800 et un million de dirhams. Au-delà, le taux passe carrément à 20% ! Voilà qui irritera certainement les importateurs de Ferrari, Maserati et autres super-bolides. Mais cela reste une belle manière pour l’Etat de prendre d’une main ce qu’il donne de l’autre, en subventions aux hydrocarbures.
Délais de paiements. Les pénalités allégées
En attendant que le gouvernement et le patronat se mettent d’accord sur une nouvelle mouture de la loi concernant les délais de paiements, le gouvernement vient de faire une petite fleur aux entreprises. Ainsi, les pénalités de retard payées par une société à son fournisseur seront considérées à partir de 2014 comme des charges déductibles de l’impôt. “Cela sonne comme une incitation aux mauvais payeurs, mais la mesure reste logique, vu les difficultés que connaissent aujourd’hui les trésoreries des entreprises”, commente ce membre de la CGEM.
TVA. Intouchables, les sardines
Comme pour se donner bonne conscience, les groupes de la majorité ont fait capoter le projet du gouvernement consistant à relever la TVA sur certains produits et services de base, comme les sardines, le riz, le sel, les bougies, les fours traditionnels ou encore le hammam. Voté à l’unanimité, cet amendement met ainsi fin à la polémique, alimentée par une opposition féroce, qui fait désormais du pouvoir d’achat des ménages son cheval de bataille. Il la prive surtout d’une belle occasion pour discréditer l’action du gouvernement Benkirane vis-à-vis du petit peuple.
IS. Le double pour la cotisation minimale
Une société qui accusait un déficit dans son compte de résultat payait jusque-là une cotisation minimale de 1500 dirhams. Ce montant, qui n’a pas changé depuis 1987, passe désormais à 3000 dirhams, sur proposition du gouvernement bien sûr. Les contribuables soumis à l’IR professionnel ne sont pas en reste. Non soumis au principe de la cotisation minimale, ces derniers devront désormais payer 1500 dirhams, même si leur résultat net réel ou simplifié est dans le rouge. Voilà qui devra rapporter à l’Etat quelques millions de dirhams, en attendant de trouver une vraie solution aux sous-déclarations et à l’évasion fiscale.
Logement. Plus d’espace pour le même prix
Après avoir concédé aux promoteurs immobiliers le relèvement du prix du logement pour la classe moyenne, passé de 6000 à 7200 dirhams le mètre carré, la majorité vient de se rattraper en acceptant une proposition d’amendement venant pourtant de son ennemi juré, l’Istiqlal. Les représentants du parti de Hamid Chabat à la commission des finances ont ainsi pu arracher l’augmentation de la superficie habitable, qui passe d’un maximum de 120 à 150 m2. Cela va neutraliser quelque peu l’effet des 1200 dirhams ajoutés au prix du mètre carré, mais encore faut-il que les nababs de l’immobilier suivent la tendance.
Contrôle. fiscal Enfin un délai
C’est l’une des rares propositions de la CGEM qui a eu écho auprès des membres de la commission des finances. Il s’agit d’une simple mesure administrative, mais qui risque de changer le quotidien de plusieurs hommes d’affaires. Dès 2014, exit les attentes interminables, les contrôleurs du fisc auront désormais un délai de six mois pour communiquer leur rapport d’inspection aux patrons. “Il y a des patrons aujourd’hui qui attendent toujours le rapport de contrôle de l’année 2012. Ils sont comme dans une sorte de couloir de la mort…”, confie ce membre de la CGEM.
TPI. On arrête les subterfuges
Pour échapper au taux de 30% appliqué sur la première cession d’un terrain non bâti en périmètre urbain, certains contribuables passaient jusque-là par un subterfuge pour le moins ingénieux : ils cédaient leur terrain à un proche, en mode “hiba”, sans contrepartie financière. Et c’est ce dernier qui s’occupait de la deuxième cession du bien, pour ne payer finalement que le taux normal de 20%. Ce détournement de la TPI est aujourd’hui fini. Les députés de la commission des finances ont ainsi voté à l’unanimité l’application d’une TPI de 30% sur la première cession qui génère une contrepartie financière. Reste à en fixer les modalités techniques, qui devront faire l’objet, avant mars 2014, d’une circulaire d’application de la direction générale des impôts.
Agriculture. Les éleveurs dans le collimateur
Les exploitants agricoles, qui espéraient obtenir une révision du système de taxation entrant en vigueur à partir de 2014, n’ont pas eu gain de cause. Seule mesure passée, l’exonération totale du transfert du patrimoine financier soumis à l’IR au profit de sociétés nouvellement créées ou ayant déjà pignon sur rue. Une manière d’encourager les agriculteurs à basculer du statut de “professionnel” à celui d’entrepreneur, pour une meilleure organisation et un meilleur contrôle fiscal. Autre mesure : le dispositif de l’impôt tel que présenté par le gouvernement ne parlait que d’exploitations agricoles, sans donner de détails. Les groupes de la majorité ont rattrapé cette lacune, en incluant toutes les activités liées à la terre, mais aussi à l’élevage et à l’engraissage. On ratisse large.
TVA. Petit cadeau de bienvenue
Actée, la fin du décalage dans la déclaration de la TVA vient de subir un petit changement. Dans la première mouture du projet de Loi de Finances, le gouvernement proposait que les montants des taxes du mois de décembre 2013, déductibles en janvier 2014, soient étalés sur cinq ans, histoire de diluer l’effet de cette transition sur le budget public, évalué à plus de 3 milliards de dirhams. Le principe de base ne change pas, sauf que l’Etat accepte désormais la déduction de la TVA du mois de décembre si celle-ci ne dépasse pas les 30 000 dirhams. “Ces sont les PME et les petites entreprises qui vont en bénéficier le plus, et c’est tant mieux”, se réjouit ce membre de la CGEM.
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