Le Maroc a rappelé son ambassadeur en Algérie, puis l’a renvoyé à son poste quatre jours après. Un discours du président Bouteflika sur les droits de l’homme au Sahara est à l’origine de la crise.
Le coup est parti sans prévenir, lors de la Conférence africaine de solidarité avec le peuple sahraoui, le 28 octobre à Abuja, la capitale du Nigéria. Le ministre algérien de la Justice, Tayeb Louh, monte à la tribune pour lire un discours au nom du président Bouteflika. Après le rappel du “soutien constant au peuple sahraoui”, son allocution vire à l’attaque frontale contre le Maroc sur le volet des droits de l’homme au Sahara. Abdelaziz Bouteflika demande l’élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l’homme dans les villes du sud. La même proposition que les Etats-Unis voulaient soumettre au Conseil de sécurité en avril dernier, et qui a assombri les relations entre le Maroc et l’Oncle Sam avant de passer à la trappe. A Rabat, c’est le branle-bas de combat.
Réactions en chaîne
Le 30 octobre, Abdellah Belkziz, ambassadeur du Maroc à Alger depuis 2006, est rappelé “pour consultation”. Selon une source informée à Rabat, cette décision a été prise par Mohammed VI en personne. Le Maroc estime que le régime algérien a franchi le Rubicon. “Nous ne tolérons et ne tolérerons jamais ce genre d’atteinte à notre intégrité territoriale”, nous a déclaré Mustapha El Khalfi. Entre-temps, un sit-in de protestation devant l’ambassade d’Algérie à Rabat, le 30 octobre, se déroule sans heurts. Mais le lendemain, à Casablanca, un jeune homme s’introduit au consulat général d’Algérie et met en berne le drapeau du pays voisin sous les acclamations de manifestants excités. Arrêté, son procès démarrera le 21 novembre courant.
En réaction, le ministère algérien des Affaires étrangères convoque le chargé d’affaires de l’ambassade marocaine. Pour Salaheddine Mezouar, le nouveau chef de la diplomatie, c’est le baptême du feu. Il commence par rencontrer les ambassadeurs européens et africains accrédités à Rabat pour expliquer la position du Maroc. Le 31 octobre, il organise une réunion élargie avec les chefs des partis politiques marocains qui condamnent à l’unanimité le discours de Abdelaziz Bouteflika. L’Algérie, pour sa part, a jugé la réaction marocaine “excessive”, expliquant que le rappel de l’ambassadeur du Maroc est une “escalade malheureuse” et “une décision injustifiée qui s’appuie sur des motifs fallacieux”, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères algérien. Mais ne désirant pas envenimer outre mesure la situation, Alger a précisé qu’il ne rappellerait pas ses diplomates au Maroc.
Guerre médiatique
Le 1er novembre, les médias des deux pays se lâchent : les commentaires frisent l’insulte à l’égard des deux chefs d’Etat. Du côté de la MAP, on a accusé Bouteflika de s’être “adonné à son exercice favori de dénigrement du Maroc” en présentant le royaume “sous les pires traits d’un Etat spoliateur, diabolisé à merci”. Les médias algériens, pas en reste, ont accusé le Maroc de persister dans son attitude d’hostilité envers l’Algérie. Ils ont relayé comme un seul homme le communiqué des autorités algériennes, parlant d’une “campagne ininterrompue de dénigrement de l’Algérie, menée avec acharnement par une partie de la classe politique marocaine”. En marge de cette guerre de propagande par presse interposée, des observateurs à Rabat tablent sur une “accalmie” dans les jours à venir. L’ambassadeur marocain est retourné le dimanche 3 novembre en Algérie, selon le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi. “Notre objectif était de marquer notre désapprobation du discours du président algérien et le message est arrivé à destination”, conclut une autre source gouvernementale. Aux dernières nouvelles, une influente personnalité du Golfe serait intervenue pour calmer les esprits des deux côtés. À Bamako, en début de semaine, Salaheddine Mezouar et son homologue algérien se sont donnés l’accolade, sans trop s’attarder sur le sujet.
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