Smyet bak ?
Mohamed.
Smyet mok ?
Fatima.
Nimirou d’la carte ?
A3003224.
Vous êtes devenu historien, pourquoi un tel choix ?
Après la rédaction de mon ouvrage concernant la Kahina, princesse berbère, j’ai voulu continuer à étudier l’histoire et, aussi, assurer mes arrières pour ne pas être cloué au pilori par des historiens panarabistes. Et dans mon cas, je ne suis pas peu fier de dire que j’ai obtenu la mention très bien lorsque j’ai passé mon DEA à quarante-cinq ans.
Sur quoi portait votre DEA ?
J’ai travaillé sur l’islamisme, la monarchie et le judaïsme. Des sujets très intéressants. Surtout le passé juif et chrétien du Maroc. Les gens qui nient ou minorent ces racines sont simplement des négationnistes.
Justement, votre dernier ouvrage parle d’intégrisme…
Oui, j’essaie de faire une synthèse sur l’islamisme. Je montre comment l’islam a connu son âge d’or durant ce qu’on appelle le Moyen-âge et comment aujourd’hui, au XXIème siècle, il vit un véritable Moyen-âge. Et je rappelle ceci : l’islamisme est une idéologie fascisante, dangereuse.
Vous savez que Boudnib, la ville de votre père, connaît des manifestations ces temps-ci ?
Vous me l’apprenez. Les revendications sociales, quand elles sont portées sans violence, doivent être écoutées. Cela fait très longtemps que je ne suis pas retourné à Boudnib. Sous l’ère Basri, il y avait interdiction d’approcher la tombe de mon père.
Vous en voulez à des personnes en particulier ?
Je n’en veux à personne parce que, quels que soient vos bourreaux, ils ont gagné s’ils vous transmettent leur haine. Enfin, car les acteurs de mon martyre sont les acteurs de mon destin, un destin écrit.
Un destin plutôt agité…
Je suis né au cœur du pouvoir. Cette vie dorée, que j’ai perdue, je ne la regrette pas, car j’ai gagné autre chose. Je préfère celui que je suis aujourd’hui, plutôt que celui qu’aurait pu devenir cet enfant pourri gâté. Sans certains évènements, je ne serais pas devenu historien.
C’est un passage obligé d’écrire ou de chanter, après l’expérience que vous avez vécue ?
Nous sommes six frères et sœurs, et deux seulement ont choisi un itinéraire artistique ou intellectuel, ma sœur Soukaïna, qui s’est tournée vers la chanson, et moi. Le reste de la famille se fait plutôt discret. Myriam se bat contre la maladie, mon petit frère ne se remet pas de ce qu’il a subi… Je préfère ne pas rentrer dans les détails.
Vous avez récemment déclaré être “monarchiste par défaut”. Qu’est-ce que ça signifie ?
La phrase a été mal comprise. J’ai eu l’honneur de fréquenter des rois et je connais bien l’histoire de mon pays. Ceux qui me disent que ce pays est parfaitement uni se trompent et je ne vois pas qui pourrait faire l’unanimité en-dehors du roi. “Par défaut”, cela sous entend qu’il n’y a pas d’autres solutions. Hassan II, interrogé à propos de la chute du Shah d’Iran, avait dit que lorsqu’une monarchie s’effondre, c’est qu’elle l’a mérité. Donc, si la monarchie marocaine existe encore, c’est qu’elle a su évoluer.
Vous avez récemment repris Jeannette Bougrab sur un plateau français…
En toute correction, bien sûr ! Une ancienne secrétaire d’Etat française qui fait des compliments au régime algérien, c’est le comble. Je ne pouvais pas laisser passer ça.
Selon vous, on est mieux lotis au Maroc qu’en Algérie ?
Je ne peux pas, seul, juger de deux Etats. Mais du point de vue du bien-être, je crois bien que les Marocains vivent mieux. Ouvrez les frontières et vous verrez des milliers d’Algériens venir s’installer au Maroc.
Pensez-vous avoir été victime d’une logique politique ou d’une vengeance irrationnelle ?
Je ne peux expliquer les raisons qui poussent à s’en prendre à des enfants. C’est inexplicable.
Vous réclamez l’ouverture des archives concernant les années de plomb. Vous n’avez pas peur d’y découvrir certaines choses ?
Je réclame l’ouverture des archives en tant qu’historien. Quant au rôle de mon père, je n’ai pas envie de me prononcer plus que ça, on m’accuserait aussitôt de vouloir le blanchir parce que je suis son fils. Mais il est certain qu’il y a des soucis. Par exemple, j’ai déjà montré à Gilles Perrault une photo du procès de Moumen Diouri. Ce dernier sourit et l’on voit qu’il a toutes ses dents alors qu’il avait assuré à Perrault ne pas en avoir à cette époque, car mon père les lui avait arrachées. Je connais mon père, je sais de quoi il était capable, mais certaines accusations sont une insulte à son intelligence.
Et l’affaire Ben Barka ?
A propos de la mort de Ben Barka aussi, je me pose de sérieuses questions. Si l’on tient le coupable, pourquoi l’instruction reste-t-elle ouverte ? Pourquoi cinq présidents français ont-ils refusé de lever le secret défense ? Pourquoi la Suisse a-t-elle décidé de bloquer une simple fiche jusqu’en 2070 ? Pourquoi la CIA se refuse à tout commentaire et pourquoi, en Israël, le livre de deux agents du Mossad à ce propos a été saisi ?
Vous avez déjà rencontré Bachir Ben Barka, le fils de Mehdi ?
J’ai déjà rencontré Bachir et son frère, dont j’admire la grande dignité. J’ai aussi eu le plaisir de rencontrer l’avocat de la famille Ben Barka. Ce dernier pense d’ailleurs que mon père n’est pas l’assassin, qu’il n’est arrivé qu’après, pour faire le ménage. Mais je préfère m’arrêter là, je ne veux pas mettre le doigt dans l’engrenage. C’est à la justice de mener ce travail. De toute manière, ça ne me concerne pas vraiment. Que puis-je dire ? Si mon père s’avérait coupable de monstruosité, eh bien, je ne demanderais qu’à porter ses fautes devant Dieu.
Vous aimeriez écrire la biographie de votre père ?
Pour le moment, je ne préfère pas, par pudeur et retenue. D’autant que ce serait forcément un livre sentimental. A l’heure qu’il est, je ne veux pas mettre le destin d’une famille en balance avec ce qu’a vécu un peuple entier.
Vous pensez qu’il y a aujourd’hui des généraux de la stature de votre père ?
Sincèrement, non. En même temps, je ne le souhaite à personne.
Vous étiez proche de la princesse Lalla Amina ?
Le décès de Lalla Amina a été un choc. Je pensais qu’après ce que j’avais vécu, le destin ne me frapperait pas de nouveau. Le simple fait de l’évoquer me bouleverse. Nous avons grandi ensemble, elle nous chouchoutait, nous adorait. Elle était comme une grande sœur. Certaines personnes ne pourraient pas comprendre, mais lui en vouloir, cela aurait été agir comme ceux qui m’en veulent à cause de mon père. Je vais vous dire : il y a des choses qui ne s’oublient pas. Et à la mort de Hassan II, j’ai pleuré, parce que j’ai pensé aux bons moments, pas aux mauvais.
Antécédents
1958. Naissance à Rabat
1972. Est emprisonné avec sa fratrie suite à la tentative de putsch de son père
1987. S’évade de prison
2003. S’inscrit en fac d’histoire à Paris
2008. Se marie
2012. Publie son quatrième ouvrage Pourquoi l’intégrisme nous menace ?
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