Smyet bak ?
Ahmed Lamrabet. Un gauchiste.
Smyet mok ?
Fanida Louchi. Elle est décédée lorsque j’étais encore enfant.
Nimirou d’la carte ?
A16037
L’islam, vous êtes tombée dedans quand vous étiez petite ?
Sous Hassan II, l’engagement de mon père nous a forcés à quitter le Maroc et j’ai donc vécu ma jeunesse à l’étranger, en Syrie, en France et en Algérie. C’est d’ailleurs en Algérie, dans une école dirigée par des sœurs, que j’ai vraiment découvert la foi.
Et vous êtes devenue dès lors pratiquante ?
Non, j’ai ressenti, plus tard, à la fin de mes études, un besoin : celui de la quête de sens. Musulmane de culture, je le suis devenue de pratique, tout en continuant à me poser de nombreuses questions.
De votre père, vous n’avez pas hérité l’engagement en politique ?
Je n’ai jamais intégré aucun parti mais je dois avouer que j’apprécie souvent les idées subversives. Je crois que ce sont elles qui font avancer les sociétés.
Y compris en matière de religion ?
J’ai vécu un moment en Amérique Latine et j’ai beaucoup lu à propos de la théologie de la libération, courant important chez certains catholiques là-bas. Et en islam, on trouve des personnes qui, à l’instar de l’Iranien Ali Shariati ou de l’Algérien Malek Bennani, esquissent des pistes pour un islam de gauche, un islam progressiste.
Vous remettez le juridisme supposé de l’islam en question ?
Si on prend le Coran, on remarque qu’à peine 3% des versets peuvent être interprétés pour donner des lois. Et la lecture juridique se fait aussi aux dépens de la spiritualité et de la mystique.
Y a-t-il un problème de formation de nos autorités religieuses ?
L’enseignement dans les filières dites islamiques est une véritable catastrophe. On y pratique un art : le taqlid, c’est-à-dire le suivisme. Et on n’y étudie presque que des auteurs de la décadence, d’après le Xème siècle. Al Farabi, Ibn Rochd et Arrazi sont absents des programmes.
Récemment, la question de la virginité est revenue dans le débat. Qu’en pensez-vous ?
Dans les textes sacrés, la virginité n’est globalement jamais abordée ! J’ai l’impression que cette question est très culturelle, d’ailleurs on la retrouve dans tout le bassin méditerranéen.
Que pensez-vous de l’action de Aliaa, cette jeune Egyptienne qui s’est dénudée pour protester contre la situation dans son pays ?
Je critique cette forme de protestation pour une raison bien simple : elle participe de la chosification du corps de la femme. Comme si le corps était ce qui définit une femme. La femme est déjà, partout, réduite à cela : dans la publicité pour vendre de la lessive, par les islamistes qui voient dans ce corps la source de toute fitna. C’est contre cela que je me bats.
Vous n’êtes pas fatiguée que l’on parle de votre voile ?
Oh que si ! Un certain discours islamique s’est focalisé sur cette question, réduisant la foi d’une femme à son voile. Alors que le Coran, lui, consacre l’égalité spirituelle entre les hommes et les femmes, qui sont jugés sur leurs seuls actes. Et à côté de ce discours, un autre s’est développé faisant de la femme voilée une femme opprimée. Il s’agit d’en revenir au respect de l’altérité, de l’autre et de ses choix.
On parle beaucoup, notamment en Tunisie, de complémentarité des sexes. Est-ce une voie acceptable pour les femmes ?
Parler de complémentarité sous-entend qu’il y a un subalterne, ce qui ne me convient pas. Pour la petite histoire, le mot est employé depuis le 19ème siècle par des penseurs musulmans, qui l’ont repris à l’Occident, au Code Napoléon pour être précise.
De nombreuses musulmanes avouent leur désarroi à propos du mariage du prophète Mohammed avec Aïcha, qui était encore très jeune au moment de leur union. Pas vous ?
Cela m’a longtemps choquée, j’ai du mal à accepter cette idée. Je sais que, depuis très récemment, des chercheurs et des historiens remettent en question l’âge de Aïcha lors de son mariage. Il se pourrait qu’elle ait été en fait bien plus âgée.
Douter, est-ce compatible avec le fait de croire ?
La spiritualité pousse à la critique. Et la foi plus encore : lorsqu’on est convaincu, on n’a pas peur de partir en quête de vérité.
L’interdiction de l’avortement a-t-elle des origines religieuses ?
Pour l’avortement, l’islam offre des “latitudes” importantes. Chez la majorité des savants musulmans classiques, la tendance était à une certaine permissivité. La loi pourrait s’inspirer de cette tradition et faire preuve de réalisme pour permettre aux femmes, sur cette question éthique très sensible, d’avoir le droit de décider selon ce que leur dicte leur conscience.
Que pensez-vous de l’institution des mourchidate ?
La symbolique était très forte : cela revalorisait l’image de la femme, mais l’expérience s’est arrêtée là et, sur le fond, ces femmes véhiculent un message patriarcal concocté par des hommes.
êtes-vous pour les mosquées mixtes ?
Oui, les mosquées devraient être mixtes. Du temps du prophète, on trouvait des mosquées mixtes. Le lieu, de toute manière, n’est pas sacré, c’est la prière qui l’est. Malheureusement, si demain on proposait cette idée, les femmes seraient les premières à s’y opposer.
Vous sous-entendez que les femmes sont aliénées ?
Je dirais que l’opprimé sent rarement l’oppression. La culture de l’égalité devrait commencer dès l’enfance et, aujourd’hui, il est très difficile de revenir sur une éducation qui nous a fait accepter l’inégalité.
Vous côtoyez des ouléma. Le courant passe ?
Le secrétaire général de la Rabita des ouléma, M. Abbadi m’a proposé, il y a trois ans de diriger le Centre d’études et de recherches féminines en islam. Une première. ça n’a pas fait que des heureux, surtout que les ouléma sont très jaloux de leurs diplômes en religion, alors que moi je n’en ai pas. Tous ne partagent pas ma vision, mais ils restent ouverts au dialogue et ça se passe plutôt bien.
Les révolutions arabes ont-elles aidé la cause des femmes ?
Ces révolutions sont un évènement extraordinaire. Malheureusement, l’histoire se répète. Comme à l’époque des luttes d’indépendance, on exige des sacrifices de la part des femmes : de lutter pour tous mais de se faire silencieuses quant à leurs droits.
La laïcité protégerait-elle le droit des femmes ?
La laïcité permettrait d’aller vers plus d’égalité et de protéger la foi de l’instrumentalisation politique.
Antécédents
1959. Naissance à Rabat
1962. Suit son père en exil
1992. Devient médecin biologiste
2000. Ecrit son premier ouvrage Musulmane tout simplement
2009. Devient la première directrice du CERFI
2012. Ecrit son cinquième livre Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ?
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