Lingerie. Les dessous d’un business

Soutiens-gorge, strings, caleçons… aujourd’hui, les sous-vêtements tiennent une place de choix dans le budget shopping des Marocaines. Mise à nu d’un secteur au succès grandissant.

La Perla, Etam Lingerie, Soleil Sucré, Women’Secret, Dim… en l’espace d’une décennie, on ne compte plus les enseignes de sous-vêtements qui ont investi le Triangle d’Or ou les galeries marchandes type Morocco Mall. Au Maroc, les franchises de l’habillement et de la lingerie représentent près de 30% du total des franchises. Ce marché pèse d’ailleurs près de 20 millions de dirhams (d’après une étude marketing réalisée en 2011). Un business qui roule donc et qui se vérifie sur le terrain. Que ce soit les boutiques ou les étals de marchands indépendants, tous deux ne désemplissent jamais. Et cela peu importe les saisons.

 

Boom en dentelle

Dans le monde arabe, les femmes marocaines arrivent à la seconde place en matière d’achats de lingerie, juste après les Libanaises. Et pour cause, elles consacrent aux sous-vêtements environ 20% de leur budget “habillement”. Au Maroc, les filles dépensent en moyenne entre 2000 et 3000 dirhams annuellement pour s’offrir des petites culottes et autres joyeusetés. Un chiffre qui reste à nuancer. Si le penchant de ces dames pour les jolis dessous est un fait, il faut aussi garder à l’esprit que la lingerie coûte relativement cher. Pour que toutes les bourses trouvent leur bonheur, il existe plusieurs gammes de magasins. Les enseignes Etam Lingerie et Soleil Sucré proposent une fourchette de prix (à peu près) raisonnable, qui varie entre 60 et 600 DH. Quant à Dim, Triumph ou La Perla, enseignes réputées pour l’excellente finition de leurs modèles,  les prix grimpent en flèche et passent de 500 à 2000 DH. La facture peut donc, très vite, devenir salée. Pourtant, selon plusieurs études marketing, les plus grandes consommatrices de sous-vêtements sont les femmes âgées de 15 à 25 ans ; une cible au pouvoir d’achat assez faible et pas toujours très fidèle : “Il y a tellement d’offres qu’il devient difficile de fidéliser le client. D’autant que l’achat d’une pièce de lingerie se fait sur un coup de cœur plutôt qu’un réel besoin”, explique Sarah, gérante du magasin Soleil Sucré.  Côté business, il n’est pas évident de tirer les vers du nez aux commerçants. En fait, c’est carrément l’omerta : ces derniers ne laissent rien filtrer quant aux chiffres d’affaires ou aux marges bénéficiaires.

En cas de mini-budget, les slip-addict peuvent toujours se tourner vers les vendeurs indépendants (vendeurs de rue, kissariat). Chez eux, les articles coûtent beaucoup moins cher, entre 15 et 200 DH. Culottes en coton, ensemble string porte-jarretelles ou encore fausses fesses en mousse pour se la jouer Kim Kardashian, les marchands possèdent tous les genres de modèles avec, tout de même, le risque que la qualité soit moindre. Accessible à toutes les bourses, ce type de commerce a sans conteste contribué à la démocratisation de la lingerie fine et peut-être même à décoincer les mœurs. Même s’il faut parfois une bonne dose de courage pour acheter son ensemble coquin à un vendeur de genre masculin, en pleine rue, entre un étal de DVD pirates et celui d’un vendeur d’escargots.

 

What string’s color ?

Dentelles, soie, lycra… couleurs pastel, nude ou flashy, difficile de savoir où donner de la tête dans les rayons des magasins de lingerie. Il n’en reste pas moins que trois produits sont plus présents que les autres : le fameux soutien-gorge push-up, le tanga et le string. “Ce sont des pièces qui marchent très bien, surtout auprès des 15-20 ans”, affirme Samira, vendeuse. En revanche, du côté des femmes un peu plus âgées (20-30 ans), la ficelle est largement moins tendance. Ces dernières préfèrent allier confort, maintien et esthétique. Leurs choix s’orientent alors vers le boxer (shorty), qui laisse deviner plutôt que tout montrer, la culotte (pas celle de grand-mère) et parfois le slip brésilien, une variante qui recouvre un peu plus les fesses que les strings. “Les femmes veulent se sentir à l’aise tout en étant glamour. D’ailleurs, nombreuses sont celles qui sont aussi séduites par des ensembles plus mignons et fleur bleu que véritablement sexy”, affirme Samira.

Mais si les jeunes femmes sont celles qui achètent le plus de lingerie, les gérants de magasins s’accordent sur le fait qu’aujourd’hui tous les profils défilent dans les rayons : ados, matures voilées ou non, elles craquent toutes ! A noter que, depuis quelque temps, les hommes s’y mettent aussi. “Ils viennent seuls ou accompagnés. Parfois pour offrir un cadeau à leur bien-aimée ou juste pour conseiller leur conjoint”, souligne Samira. C’est le cas de Mounir, 25 ans, communicant : “J’achète régulièrement de la lingerie pour ma fiancée. Des trucs plus ou moins osés, plus ou moins ‘coquins’ et d’autres choses, plus classiques”. C’est vrai, de plus en plus de couples se rendent ensemble dans les magasins de lingerie féminine et les vendeuses ne s’en étonnent plus, au contraire, puisqu’elles n’hésitent pas à aider les hommes dans leurs prises de décision. Un site de vente en ligne dédié aux sous-vêtements pour femme, nommé anousdeux.com, s’appuie justement sur le concept du shopping en couple. Plusieurs sites proposent également une rubrique dédiée aux dessous “spécial mariage” ou encore aux costumes type soubrette ou catwoman. Des accoutrements qui sont du domaine de l’érotisme. “Pudique en public mais sexy à la maison”, une phrase qui trouve tout son sens…

 

Victime de la mode

Quelles sont les tendances de 2013 ? Amina Allam, mannequin et fondatrice d’une agence de conseil en image, estime que le modèle qui vit son grand come-back n’est autre que le body. Rassurez-vous, pas le jaune fluo en lycra des années 1980, la société d’aujourd’hui a heureusement dépassé ce stade. Il possède deux avantages : il évite les courants d’air et peut servir de vêtement. “C’est justement là son petit plus, puisqu’il brouille les codes vestimentaires. Le sous-vêtement devient alors vêtement et peut être porté avec une chemise ou une veste”, analyse Amina Allam. Encore plus branché que le body, le body “Shapewear”. Confectionné avec des matières dites intelligentes, il galbe les fesses, aplatit le ventre et fait pigeonner la poitrine. Côté style, Amina Allam assure (tout comme les magazines féminins) que ce sont les dessous rétro et romantiques qui reviennent sur le devant de la scène : frou-frou, transparence, matières fluides et épurées, couleurs pastel, rose poudré, grises ou blanches, petits pois et nœuds sont au rendez-vous. Enfin, un autre modèle à ne pas bouder, les culottes montantes pour un effet très années 1950/60. à vos dessous !

 

Zoom. Au royaume de la lingerie

Le Maroc confectionne la lingerie qui fait rêver le monde entier. Même s’il n’atteint pas le niveau de production du Bangladesh ou celui de la Chine, il n’en reste pas moins un important fabriquant et exportateur de textile, et donc de petits dessous. Depuis la crise de 2008, ce secteur a connu une baisse de production. Pourtant, le royaume continue de fabriquer 15,4 millions de pièces par an (chiffre 2011), toutes destinées à ses clients étrangers, le plus souvent français. Triumph ou encore le groupe Chantelle ont tous délocalisé leurs sites de production pour installer leurs usines au Maroc, là où la main d’œuvre coûte moins cher, beaucoup moins cher. Et il faut avouer que l’affaire tourne plutôt bien. A Fès, Triumph emploie 2200 personnes et peut produire jusqu’à 13 millions de pièces par an. Son chiffre d’affaires atteint les 650 millions de DH (chiffres 2012). De son côté, Chantelle, dont deux usines du groupe, Famaco et Chantma, sont installées à Had Soualem, à 20 kilomètres de Casablanca, fabriquent 500 000 pièces annuellement pour des investissements dépassant les 30 millions de DH.

 

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