Smyet bak ?
Ahmed Hachkar.
Smyet mok ?
Khadija El Youssfi.
Nimirou d’la carte ?
Elle n’est plus valide depuis 2003. Je sais seulement qu’elle commençait par PH.
Vous avez déjà été dans un commissariat ?
Non, c’est mon premier interrogatoire. Je suis plutôt honnête comme garçon.
Comment le prof d’histoire que vous êtes est devenu cinéaste ?
En tout cas, ma formation m’a énormément aidé dans la mesure où je maîtrise mieux le sujet. Mais j’ai pratiquement tout appris en autodidacte. J’ai mis quatre ans à apprendre l’écriture cinématographique.
Alors, heureux d’avoir remporté un prix au Festival du film à Tanger ?
Et comment ! Je suis fier d’avoir obtenu la reconnaissance de la famille du cinéma marocain. Mais ce prix est surtout une sacrée claque adressée aux obscurantistes et aux censeurs, et un signe d’espoir pour les défenseurs de la liberté.
Ça veut dire que vous quittez l’enseignement pour le cinéma ?
C’est ce que je souhaite. J’espère trouver des sponsors pour m’aider à réaliser mes projets futurs. Le documentaire est une formidable arme intellectuelle et artistique contre ceux qui veulent nous rendre amnésiques.
Ça vous fait quoi de passer pour un agent sioniste ?
Ça me fait rire. J’ai juste envie d’inviter mes accusateurs à regarder mon film. Tinghir – Jérusalem n’est prisonnier d’aucune idéologie.
C’est le Mossad qui a financé votre film, n’est-ce pas ?
J’ai lu ça quelque part… Je suis désolé de décevoir ceux qui colportent ces bêtises et je rappelle que ce film est une production maroco-franco-espagnole, en plus de quelques amis qui m’ont aidé et soutenu à titre personnel.
On savait les islamistes susceptibles, mais certains partis de gauche, l’USFP notamment, ont appelé aussi au boycott. Cela vous étonne ?
Malheureusement non. En tant qu’homme de gauche, progressiste, tout cela me désole. Mais il faut croire que la gauche est morte sur le plan idéologique au Maroc… De toute façon je ne me fais plus d’illusion. Je tiens tout de même à signaler que Nabil Benabdallah et Driss Lachgar (les patrons du PPS et de l’USFP) m’ont soutenu.
Vous parlez hébreu ?
Apprendre une langue ne veut pas forcément dire qu’il faut la pratiquer tous les jours. L’hébreu est une belle langue, qui descend de l’araméen, tout comme l’arabe.
Parlez-nous du documentaire. Pourquoi Tinghir et pas une autre ville ?
Tinghir est la ville où je suis né. Si j’avais choisi une autre ville, je pense que j’aurais eu le même genre de témoignages. C’est mon père et mon grand-père qui m’ont raconté l’histoire des juifs de Tinghir, que je ne soupçonnais même pas d’ailleurs. À travers ce travail, j’ai souhaité m’approprier ma propre histoire, dans un film que je dédie à tous les “déracinés” de leur terre d’origine. Ce film est un message d’amour pour ma ville natale.
Comment avez-vous contacté vos hôtes en Israël ? N’ont-ils pas montré des signes de méfiance ?
Pas du tout. C’était d’ailleurs assez incroyable. Tout a été filmé dans une totale spontanéité, caméra à l’épaule. L’accueil a été chaleureux. Dès que vous leur dites les deux mots magiques, à savoir “Maroc” et “Tinghir”, les gens sont tout de suite submergés par l’émotion. Ils ont gardé un vrai attachement pour leur origine, leurs coutumes, leur langue et ils sont fiers d’être Marocains.
Vous avez déjà projeté le film à Tinghir ?
Non. C’est prévu pour juin prochain. C’est un projet que je partage avec le CNDH (Conseil national des droits de l’homme). Les habitants de Tinghir attendent la projection avec impatience. Et moi aussi.
Que pensez-vous du fait que la majorité des personnes qui critiquent votre film ne l’ont même pas vu ?
C’est dingue de pouvoir juger un film sans l’avoir vu. Sincèrement, je pense que derrière il y a des mouvements qui instrumentalisent les souffrances des Palestiniens. Pour certains, c’est un fond de commerce. Pourquoi ne font-ils pas pareil pour la Syrie, où un dictateur est en train de massacrer son peuple ?
Que répondez-vous à ceux, toujours, qui vous accusent de militer pour la normalisation avec l’Etat hébreu ?
De quelle normalisation parlent-ils ? Ce pays (Israël) existe depuis 60 ans. On ne peut pas être plus Palestinien que les Palestiniens lorsque l’on sait que certains d’entre eux reconnaissent Israël. Je suis allé à Ramallah et j’ai vu les horreurs de la colonisation, que je condamne vigoureusement. Mais j’ai vu aussi des Palestiniens et des Israéliens travailler ensemble pour la promotion de la paix.
La projection du film a fait salle comble. Rassuré ?
Je m’y attendais. Les Marocains sont plus intelligents que leurs dirigeants politiques. Il faudrait que les députés PJD s’intéressent aux véritables maux de la société, au lieu de jouer la carte de la démagogie.
À vous seul, vous avez réussi à empêcher les dirigeants du PJD d’assister au Festival de Tanger…
(Rires) Oui, c’est bien dommage que M. El Khalfi n’ait pas voulu venir à Tanger. Il n’a d’ailleurs même pas réagi à la polémique. Je pense que nous avons besoin d’un ministre de la Communication qui encourage la liberté de création. Mais j’ai finalement pris ma décision, je vais envoyer à tous les ministres PJD les DVD du film avec une mention “Casher et Halal”.
Sinon, vous êtes plutôt dafina ou pastilla ?
Plutôt Dafina.
Il paraît que vous êtes incollable en poésie hébraïque…
Pas seulement hébraïque. J’ai organisé en France des soirées afin de rendre hommage à des poètes juifs et musulmans, dont Mahmoud Darwich. Dans les deux littératures, il y a des œuvres importantes, qui peuvent encourager à réduire les tensions intercommunautaires.
Certains pensent que la liberté artistique est en danger. Vous partagez ce point de vue ?
Il faut rester vigilant. Il y a eu l’annulation d’un colloque à Ifrane, la déprogrammation du film Persépolis à Tanger, etc. Mais le plus dangereux est l’autocensure des programmateurs. Certains veulent nous faire retourner aux années de plomb, alors qu’il s’agit de construire un Maroc démocratique et progressiste.
A qui, à quoi dédiez-vous votre film ?
Aux identités plurielles. Le panarabisme et l’islam politique ont fait beaucoup de mal au pays. On ne peut effacer 3000 ans de notre histoire. Je tiens par ailleurs à dédier ce docu à mon grand-père qui vient de disparaître et qui fait une apparition dans le film. À travers lui, je rends hommage à ceux que l’on appelle les petites gens, juifs et musulmans, dont j’ai essayé de raconter l’histoire.
Antécédents
- 1977. Voit le jour à Tinghir, et quitte le Maroc six mois après sa naissance pour rejoindre son père en France
- 1995. Obtient son bac littéraire
- 1999. Obtient son diplôme d’histoire à la Sorbonne
- 2012. Diffuse son premier documentaire Tinghir-Jérusalem : les échos du Mellah sur 2M
- 2013. Reçoit le prix du meilleur premier film au Festival national du film de Tanger
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