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L’amendement Filali

Il a fallu à nos élus près d’un an pour se décider enfin à enclencher le processus d’amendement d’une de ces lois qui nous font honte. Et c’est une bonne nouvelle. Car c’est un bon chrono pour notre machine législative qui nous a plus habitués à broyer les débats de société plutôt que d’y apporter des réponses en produisant du texte juridique. Alors on ne va pas bouder notre plaisir à se féliciter du projet d’amendement de l’article 475. Rappelez-vous, il a fallu qu’une gamine de 16 ans, Amina Filali, se donne la mort pour que l’opinion publique découvre avec stupeur ce fameux passage du Code pénal : “Lorsqu’une mineure (….) enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été prononcée”. En gros, il y avait une option laissée à d’odieux criminels : les violeurs pouvaient choisir entre le juge ou l’adoul, la cage dorée du mariage ou les cellules sombres de Oukacha. Et les familles des victimes, souvent, consentaient à jeter leurs fillettes dans les bras de leurs ravisseurs pour effacer le 3ar, la 7chouma… Désormais, ce n’est plus possible. Du moment qu’il y a viol, il y a poursuites. Et l’obsédé de sa race en prend plein la gueule : de 1 à 5 ans si le ravisseur a séduit une mineure, de 2 à 10 ans s’il passe à l’acte… et jusqu’à 30 ans au cas où il y a défloration. C’est donc un progrès que d’amender cette loi. Mais il en reste tellement encore à accomplir. Le législateur peut par exemple enchaîner de lui-même par la reconnaissance et la pénalisation du viol conjugal. C’est mieux que d’attendre qu’un nouveau drame à la Amina Filali ne se produise pour faire bouger les choses.

 

Match choc

Hamid Chabat invite Abdelilah Benkirane à l’affronter dans un stade de foot ! Voici une belle affiche qui nous change de ces matchs pourris du premier tour de la Coupe d’Afrique. Les deux bêtes politiques, plus voraces que nos fameux Lions de l’Atlas (une espèce en voie de disparition… en tout cas de la CAN), vont à coup sûr nous régaler. Rien qu’en les sapant en short-bretelles, maillot parachute et paires de godasses Boutaj édition limitée des seventies, il y a de quoi engranger plus de droits télé que ce que rapporte notre Botola Pro…létaire. Au moins, il y aura du public sur les gradins : Chabat remplira une flotte d’autocars de ses partisans fassis et Benkirane réquisitionnera des trains pour ses supporters slaouis. C’est la politique du tout fabour… Le complexe Mohammed V sera ainsi plein à craquer, des écrans géants seront installés dans les places publiques des grandes villes, tout le Maroc aura les yeux rivés sur ce duel de choc. C’est que les deux zaïms se taclent déjà à la carotide, mieux que ce que faisait un Mustapha El Biaz des grands jours. Car l’enjeu n’est pas anodin : Chabat veut compléter son palmarès politique en chipant le titre de Chef de gouvernement à un Abdelilah Benkirane, prêt à tout pour le conserver. Néanmoins, les joutes verbales entre les deux patrons de parti, par médias interposés, dépassent de loin les saillies d’un Mourinho. Elles sont plutôt dignes des mises en scène d’un Cassius Clay à la pesée. Ce n’est pas donc sur une pelouse que le face-à-face Chabat-Benkirane devrait se jouer… Mais plutôt sur un ring. Et tant qu’on y est, mettez-nous si possible un Driss Lachgar comme arbitre.

 

Santé Monsieur le conseiller

Le parlementaire Mohamed Daidâa ne portera probablement pas de toast à la récente décision de Brasseries du Maroc (BDM) de hausse des prix sur la bière et le vin, effective à partir de février 2013. Le président du groupe parlementaire de la Fédération démocratique du travail (FDT) à la Chambre des conseillers vient en effet de tenir des propos aussi sobres que lucides à la radio, commentant l’augmentation de la taxe sur les boisons alcoolisées adoptée il y a quelques mois par le gouvernement : “L’augmentation de la taxe qu’a imposée le gouvernement de Abdelilah Benkirane sur les boissons alcoolisées est une grave entame du pouvoir d’achat du simple citoyen”. Pour notre parlementaire, ce sont au final les Marocains qui trinquent : “Un Marocain moyen avec un petit salaire devait déjà payer sa bière 17 DH (…) qu’adviendra-t-il de lui quand il devra la payer encore plus cher”. Monsieur Mohamed Daidâa a probablement jeté une bouteille à la mer, mais on a quand même envie de lui dire “Cheers !”.

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