La conjoncture internationale a mis à genoux plusieurs pans de l’économie marocaine. Pourtant, certains secteurs font mieux que résister, ils surfent carrément sur la crise. En voici quelques-uns.
Qu’on ne s’y trompe pas : la crise continue de faire des dégâts. Hier encore, le Haut commissariat au plan d’Ahmed Lahlimi révisait, sans grande surprise, sa prévision de croissance de l’économie marocaine à moins de 3%, soit le plus bas niveau accusé depuis plus de 8 ans. On sait aussi qu’il ne fait pas bon du tout évoluer dans le secteur du textile, dans le tourisme ou encore dans le transport aérien. Et aujourd’hui, il est très difficile d’échapper à cette destinée quand on est exportateur par exemple et que l’on doit faire face à un effondrement des carnets de commande en l’espace de quelques mois. Même les prétendues stars du capitalisme marocain n’échappent pas à cette spirale infernale. Dans une note de recherche, la banque d’affaires BMCE Capital assurait que les profits des sociétés cotées en Bourse étaient tombés de 11% sur les six premiers mois de l’année. Bref, ça va mal. Pourtant, dans ce paysage désolé, des secteurs et des entreprises font mieux que résister. Et continuent de se développer, presque comme si de rien n’était. Certaines n’ont pas beaucoup de mérite. Ce n’est pas demain, par exemple, qu’un client de la Lydec va résilier son contrat de fourniture d’électricité. Ni un client de Maroc Telecom ou de Méditel mettre fin à son abonnement. La crise n’empêchera pas non plus les Marocains de se nourrir, de s’habiller ou de se loger… Bref, de consommer et d’investir dans un toit. Mais tous ces secteurs, réputés être “défensifs” selon la terminologie consacrée des cols blancs, ne pèsent rien devant d’autres business, qui non seulement ne connaissent pas de azma, mais surfent même dessus.
Métiers mondiaux au sommet
Exemples : l’industrie automobile, ou encore l’aéronautique. Ces deux nouveaux “métiers mondiaux du Maroc”, MMM pour les intimes, n’ont jamais été aussi florissants que ces deux dernières années. La raison est toute simple : quand on est frappé par la crise dans son pays, le premier réflexe est de chasser, tuer les coûts, aller là où la main d’œuvre est attrayante, où la fiscalité est avantageuse, et où on est reçu comme des rois. Le Maroc l’a compris il y a longtemps et a conçu une véritable “offre pays” pour séduire ces cost killers qui fuient leurs contrées pour gagner plus. Une politique qui donne aujourd’hui ses premiers fruits. Ainsi, en 2011, les investissements directs étrangers dans ces deux branches industrielles ont atteint 6,2 milliards de dirhams, soit 1,37 milliard de plus qu’en 2010. Dans le sillage de Renault, qui a ouvert début 2012 son usine de Tanger, la plus grande jamais construite par la marque au losange, Bombardier, troisième constructeur mondial d’avions, vient de confirmer son implantation à Nouaceur, près de Casablanca. Un investissement de 200 millions de dollars qui doit générer jusqu’à 4000 emplois indirects d’ici à 2020. Autres chiffres : l’automobile marocaine exportera cette année pour plus de 2 milliards de dollars de pièces, contre à peine 200 millions de dollars il y a dix ans. Et quand le Maroc avait commencé à mettre en place une stratégie pour l’aéronautique à partir de 2005, il n’y avait que six entreprises qui opéraient dans le secteur. Aujourd’hui, elles sont plus de cent ! Leur chiffre d’affaires croît de 15% en moyenne depuis 2010 et dépasse aujourd’hui le milliard de dollars… Comme quoi, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Et c’est tant mieux.
Coffre au trésor
Loin des usines, des process industriels et de la chasse aux coûts, le sentiment d’insécurité généré par la crise a profité à d’autres business au potentiel jusque-là insoupçonnable. Les coffres-forts par exemple. “Depuis que la crise est là, les ventes du secteur au Maroc ont bondi de 20 à 25%”, assure un professionnel du secteur. Effet psychologique ? Retour à la logique du bon vieux bas de laine ? Peut-être. Une chose est toutefois sûre : la crise fait les bonnes affaires des vendeurs de coffres-forts destinés aux particuliers. C’est logique et légitime : quand la Bourse déprime, et que les banques vacillent, on a bien envie de garder ses billes, près de soi, bien au chaud. Et ceci, plusieurs entreprises de distribution l’ont compris et essayent de faire du coffre-fort un produit de grande consommation, le vendant entre 1500 et 70 000 DH pour une clientèle jusque-là inhabituelle. Une enseigne de grande distribution avait même lancé il y a un an une campagne d’affichage centrée autour d’un modèle de coffre qu’elle commercialisait. Car ces produits, il s’en vend aujourd’hui presque partout. Dans la grande distribution, donc, qu’elle soit grand public ou spécialisée en bricolage ou en ameublement. Dans les marchés informels aussi, à l’exemple de Derb Ghallef à Casablanca.
In gold we trust
Ressenti à l’échelle mondiale, ce sentiment d’insécurité a également fait les bonnes affaires des entreprises minières. C’est presque une règle : quand la finance et ses produits dérivés, exotiques et virtuels tombent, toutes les salles de marché du monde se retournent vers l’économie réelle, les matières premières en prime : le fer, l’argent, le cuivre, le zinc, mais surtout l’or, valeur refuge par excellence. Depuis la faillite du géant Lehman Brothers et le déclenchement de la crise des subprimes durant l’été 2008 aux Etats-Unis, la valeur de ces minerais a carrément explosé. Au Maroc, deux entreprises en particulier en ont profité. Et il s’agit, sans grande surprise, du couple royal Managem-SMI. Ces deux minières, appartenant au holding royal SNI et qui exploitent des gisements de métaux précieux aussi bien au Maroc qu’en Afrique subsaharienne, ont vu leur bénéfices exploser depuis 2009, et leurs cours boursiers sont passés du simple au double, si ce n’est le triple, au moment où toutes les valeurs de la cote dégringolaient. Une tendance qui n’est pas près de s’estomper, puisque tous les analystes de la place les recommandent massivement à l’achat. Cette frénésie a aussi profité à des milliers de particuliers, notamment sur l’or. Les femmes qui ont acheté leur mddama à 100 dirhams le gramme il y a dix ans, détiennent aujourd’hui un bon petit trésor, la valeur du métal jaune ayant été multipliée par 3, voire 4 entre 2007 et aujourd’hui. Et ça ne fait que commencer… Malins, les ingénieurs financiers d’Upline et de Wafa Gestion ont vite senti l’air du temps en créant des véhicules d’épargne indexés sur la valeur de l’or sur les marchés internationaux. Une manière de convaincre les derniers rétifs de sortir leur cash des coffres-forts et autre jallija…
Finances publiques. La vraie crise Au Maroc, la crise, on la vit d’une autre manière. Si la zone Euro est entrée dans un cycle de récession, le Maroc, lui, résiste toujours. La croissance du PIB sera certes faible cette année, mais elle navigue toujours entre 2 et 3%, et on prévoit du 4,5% pour 2013, si le ciel continue d’être clément. Des taux à faire rêver les Rajoy, Hollande et autres chefs d’Etat du Vieux continent. Chez nous, c’est plutôt du côté des finances publiques et de la balance commerciale que les choses vont mal, poussant les décideurs de Maroc S.A. à s’endetter à tour de bras auprès des institutions financières. Le déficit budgétaire s’aggrave de jour en jour sous le poids d’un ogre nommé “compensation”. Les dernières estimations l’évaluent à plus de 52 milliards de dirhams à fin novembre. Pire encore, il y a plus d’argent qui sort du pays qu’il n’en rentre. Résultat, nos réserves en devises permettent aujourd’hui de couvrir à peine 3 mois et 20 jours de nos achats à l’international, niveau d’alerte rouge. |
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