Smyet bak ?
Larbi.
Smyet mok ?
Shems Doha.
Nimirou d’la carte ?
D199759.
On ne vous a pas vu au Festival du cinéma de Marrakech…
Non. Je n’avais rien à vendre, ni de documentaire à montrer au public. De toutes les façons, ce genre cinématographique ne fait pas encore partie de la programmation, contrairement à tous les grands festivals du monde.
Dommage, il y avait moyen de rencontrer les mondains et de boire à l’œil…
ça ira, merci. Je suis trop occupé ces temps-ci pour écumer les soirées mondaines.
Vous travaillez sur quoi en ce moment ?
J’apporte les dernières retouches à un nouveau documentaire intitulé Le chant des tortues, qui raconte le Maroc pendant et après le 20 février.
Ah oui ?
Oui monsieur ! Et les effets du 20 février continuent à se faire ressentir dans la rue et sur la culture en général.
Etant donné le faible volume de créations qui en ont résulté, cela ne vous a pas donné l’impression que c’était un non-événement ?
Au contraire, dans mon docu, nous avons filmé les marches de contestation dans la rue, juste après le discours du roi et la façon dont les modes d’expression se sont multipliés, notamment lors d’événements culturels aux Abattoirs…
D’après vous, nous sommes des tortues légèrement lentes à la détente ?
Les Marocains sont des tortues par opposition aux Tunisiens et aux Egyptiens, qui ont été de vrais lièvres. Eux, ils voulaient tout casser, tout renverser, et voyez aujourd’hui leurs situations respectives. Ces deux peuples se sont retrouvés avec une relève incertaine au pouvoir et des problèmes qui risquent de les bloquer pendant des années.
En fait, vous êtes un peu réac’ sur les bords ?
Je ne sais pas, mais je pense qu’au Maroc les choses se font tranquillement. Il y a une certaine conscience, surtout chez les jeunes. Ils s’installent doucement pour changer les choses pacifiquement. C’est-à-dire à travers le débat et l’échange d’idées.
Mais qu’est-ce qui a changé concrètement ?
Avant, les gens manifestaient et les autorités tapaient. Depuis 2011, les gens manifestent et parfois encore ils se font taper dessus. Mais il y a désormais des caméras qui les montrent et une presse qui en parle. C’est déjà un bon début sur le dur chemin de la démocratie.
Vous avez toujours défendu la veuve et l’orphelin dans vos documentaires. C’est une seconde nature chez vous ?
Oui, j’ai toujours essayé de placer l’homme et la nature au cœur de mes projets. Ils sont souvent sacrifiés au nom du profit et de la rentabilité. Au final, tout le monde est perdant.
Les forces de l’ordre vous ont-elles violenté lors du tournage ?
Parfois, des policiers ont essayé de nous arracher les caméras au cours des manifestations. D’autres nous ont demandé des autorisations de tournage afin de nous faire perdre du temps. Mais, globalement, on n’a pas eu plus d’embrouilles que ça.
Vous dénoncez le rêve européen. Pourtant, vous habitez en Belgique depuis des années…
En fait, c’est surtout dans mon docu El Ejido, la loi du profit que je dénonce l’illusion de l’eldorado européen. J’ai essayé de démontrer comment, à cause de ce mythe, des milliers de clandestins finissent par servir de chair à canon pour le mondialisme.
Vous êtes installé à Bruxelles. Pourquoi avoir quitté le Maroc ?
Lorsque j’ai terminé mes études en Belgique, je suis rentré au pays pour travailler dans l’audiovisuel. J’ai participé au lancement de l’émission “Entreprendre”, puis j’ai lancé mon propre programme, “Ecologia”. Mon premier sujet traitait du gaspillage de l’eau dans le terrain de golf de Tanger alors que la ville en manquait. Mon projet a été mis au placard pendant un an. Enfin… (soupir) C’est une longue suite de déceptions qui m’ont poussé à plier bagage.
Vous avez réalisé un documentaire sur Evo Morales, intitulé Au nom de la coca. Vous l’avez rencontré en vrai ?
Avant qu’il ne devienne président de la Bolivie, il était recherché dans son pays par les autorités locales mais aussi par les Américains. Mon équipe et moi-même sommes partis à sa recherche. Il se cachait dans une région isolée qu’on a pu atteindre grâce à l’aide de l’ONU. Un jour, j’étais en train de pisser sur la route et un gars est arrivé pour faire la même chose, juste à côté de moi. Subitement, mon chauffeur est devenu tout pâle et m’a dit que c’était Evo Morales.
Il était défoncé à la coca ?
(Rire) Je lui ai expliqué le concept de mon film et j’ai appris qu’il avait déjà été briefé. Après quelques jours, on a pu le filmer. A la sortie du documentaire, il était devenu assez connu pour faire un discours au siège de l’ONU sans avoir à craindre de représailles. Ensuite, on connaît son parcours.
Vous semblez apprécier les refuzniks de l’hégémonie américaine… Un docu sur Hugo Chavez ou Ahmadinejad ne vous tente pas ?
Par les temps qui courent et avec toutes ces tensions politiques, je ne pense pas que ce soit possible. Pourtant, j’aimerais bien…
Que pensez-vous de l’état du documentaire au Maroc ?
Pour l’instant, le documentaire a une place très réduite dans le paysage audiovisuel. J’ai l’impression qu’on fait les choses trop rapidement, avec des budgets limités. Alors qu’un bon documentaire ne coûte pas moins d’un million d’euros et demande presque trois ans de travail.
Comment faites-vous pour financer vos projets ?
Cette année, le CCM m’a octroyé 2,5 millions de DH pour produire une fiction intitulée L’insoumise. Mes documentaires, eux, sont financés principalement par la télévision belge et Arte.
Lors du Festival international de Monte-Carlo, où vous avez été primé pour El Ejido, vous avez demandé aux chaînes de télévision de programmer les docus à des heures raisonnables. Pensez-vous que la culture soit en déclin sur le petit écran ?
En Europe, les programmes culturels commencent après 23h, au Maroc ils n’existent quasiment pas. Pendant le règne de Hassan II, on avait le choix entre les activités royales, le feuilleton Dallas et les émissions religieuses. Maintenant, on a le choix entre le football, les séries turques et les programmes de téléréalité…
Vos documentaires ont été visionnés dans les salles de cinéma en Europe et sur les chaînes européennes. Pourquoi pas sur les chaînes marocaines ?
Pour Les damnés de la mer, alors que 2M était coproductrice du docu, le film n’a jamais pu être diffusé. On imagine bien pourquoi : il comporte des images filmées à l’intérieur d’un chalutier suédois, où le capitaine du bateau explique comment la pêche intensive a ravagé les côtes marocaines et ruiné des ports entiers.
Antécédents
1965. Naissance à Meknès
1982. S’installe en Belgique
1990. Obtient un diplôme en journalisme et écriture de scénario
1992. Naissance de son fils Mehdi et retour au Maroc
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1995. Lance le magazine Ecologia sur la RTM
1997. S’installe en Belgique
2006. Réalise El Ejido, la loi du profit
2012. Signe un nouveau docu, Le chant des tortues.
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