USFP. Le congrès de la dernière chance

Le 9ème conclave des Ittihadis comporte de grands enjeux, mais surtout de nombreux risques pour la survie du parti de Omar Benjelloun et Abderrahim Bouabid. Décryptage.

 

Du 14 au 16 décembre, à Bouznika, 1700 congressistes se réuniront pour choisir un successeur à Abdelouahed Radi parmi cinq prétendants : Driss Lachgar, Fathallah Oualalou, Habib El Malki, Ahmed Zaïdi et Mohamed Talbi. Les enjeux de cette grand-messe ittihadie dépassent la simple élection d’un nouveau premier secrétaire et d’une nouvelle direction pour le parti de la rose. Tous les Usfpéistes parlent aujourd’hui de la survie de leur formation politique, affaiblie après près de 14 ans aux affaires, et qui s’enlise dans une crise qui dure depuis 10 ans. Le parti socialiste se retrouve aujourd’hui à la marge d’un échiquier politique qui a complètement changé de configuration depuis le Printemps arabe, avec l’arrivée des islamistes du PJD aux affaires. “Le peuple ittihadi doit se réveiller et l’USFP doit regagner sa place et ne plus avoir à subir le déroulement des événements au lieu d’agir sur eux comme au bon vieux temps”, explique un dirigeant socialiste. 

 

Naufrage en vue

“A défaut de se ressaisir lors de ce congrès et se donner les moyens d’un nouveau départ, l’USFP pourrait tout simplement chavirer”, affirme un autre dirigeant. Cette analyse se trouve aujourd’hui partagée par l’écrasante majorité des militants. “L’USFP semble dépassée par ce qui se passe dans le pays depuis le 20 février 2011 et les dernières élections”, enchérit Hassan Tariq, membre de la direction sortante. Pour ce jeune dirigeant, il est carrément urgent de poser les bases d’un nouveau parti pour accompagner la nouvelle conjoncture. Malade l’USFP, et à ce point ? “Les structures de notre parti au niveau local sont disloquées, les organisations parallèles comme la jeunesse et le secteur des femmes sont en hibernation. Non seulement nous avons perdu notre capacité de mobiliser, mais nous avons été victimes d’une grave hémorragie qu’il faut urgemment arrêter”, diagnostique un Ittihadi de longue date. Mais la plus sévère des critiques est venue du trio des mécontents au sein de la direction de l’USFP. Dans un document intitulé “L’USFP pour l’avenir”, Mohamed Achaâri, Larbi Ajjoul et Ali Bouabid ne prennent pas de gants pour faire un retour sur une décennie de crise, et pointer du doigt une direction façonnée pour répondre à des ambitions personnelles. Tout en brandissant la carte des “intérêts du pays” pour justifier ses actions, quitte à couper les ponts avec la société. Les candidats à la succession de Abdelouahed Radi ne disent pas le contraire. Chacun, à sa manière, fait le même diagnostic et propose des solutions. Et tout y est : l’aspect idéologique, le politique, le social et l’organisationnel pour redonner vie à l’USFP.

 

Un chef, un projet

“Ce qui est sûr, c’est que le prochain premier secrétaire n’aura pas de chèque en blanc. Il devra présenter un projet politique et rendre des comptes à la fin de son mandat”, affirme un député USFP. Sur le terrain, les choses sérieuses ont déjà commencé pour les quatre (sérieux) candidats au poste. Driss Lachgar table sur l’organisation et le renforcement des structures du parti. Pour lui, il s’agit d’abord de resserrer les rangs des Ittihadis. Il promet même un contingent de 50 000 adhérents supplémentaires à la fin de son mandat s’il est élu. Fathallah Oualalou promet à peu près la même chose, mais préfère tabler sur la modernisation de tout le parti. Cette modernisation, pour Ahmed Zaïdi, doit passer par l’instauration d’une démocratie interne à tous les étages. Habib El Malki, lui, propose l’élaboration d’une charte éthique pour guider l’action de l’USFP dans les années à venir. Et tous les quatre ne perdent pas de vue l’importance des échéances de 2013, et surtout des élections communales qui risquent de refaçonner la carte politique au niveau local.

Quel que soit le leader qui sera porté à la tête du parti, les enjeux restent donc les mêmes. “L’USFP n’est plus dans l’échiquier politique et nous aurons entre 5 à 10 ans pour revenir dans la course ou totalement chavirer, résume Soufiane Khaïrate, ancien secrétaire général de la Chabiba Ittihadia. Les faits sont têtus : premier parti lors des législatives de 1997, puis en 2002, l’USFP a été relégué au 5ème rang en 2007, puis en 2011. Pire encore, son passage à l’opposition ne risque pas d’arranger les choses, mais les Ittihadis comptent en profiter pour entamer une reconstruction qui n’a jamais abouti depuis dix ans.

 

L’opposition, la Koutla et la gauche

L’USFP a rallié l’opposition au gouvernement Benkirane. Si cela constitue pour la majorité des socialistes le “bon choix” à faire pour rester fidèle à l’idéal d’un parti progressiste, cela ne lui facilite pas pour autant la tâche. “Nous nous opposons à un gouvernement constitué du PJD, mais aussi de deux de nos partenaires dans la Koutla”, explique un député socialiste en référence au PPS et à l’Istiqlal. La solution serait-elle de déclarer ce bloc historique mort et enterré ? Le 9ème congrès prendra, sûrement, une décision dans ce sens. Reste toutefois que l’USFP “milite” aujourd’hui à l’opposition aux côtés du RNI, de l’UC et surtout du PAM, parti qu’il a longuement décrié. “Cela pose effectivement problème et il faudra que nous tranchions la question lors du congrès”, explique Hassan Tariq. “Il faut clarifier les choses et préciser quelle opposition nous allons faire, avec qui et avec quels moyens ?”, affirme encore le jeune député USFP, qui remet sur le tapis le sujet des alliances. “Il est prématuré de parler d’alliances, mais l’idéal serait de retenter un rassemblement des forces de gauche sans forcément jouer au grand frère”, nous déclare un autre élu de l’USFP. En attendant, les Ittihadis ne veulent surtout par répéter l’amère expérience du 8ème congrès quand, en raison de graves divergences, cet événement a dû se tenir en deux rounds : juin puis novembre 2008. “Personne n’a intérêt à ce que le parti implose et même le pays a besoin de l’USFP dans la conjoncture actuelle”, affirme un membre de la commission préparatoire du 9ème congrès. Et de préciser justement que le choix d’une élection, à deux tours, du premier secrétaire a été décidée pour éviter tout risque d’implosion.

 

Zoom. Qui à la place de Radi ?

 

Docteur Oualalou

Fathallah Oualalou, l’ancien argentier du royaume, est donné favori. Le maire de Rabat, 70 ans, pourra compter sur les voix des “indécis” : ceux qui n’entrent pas dans les clivages et les clans. Mais certains le trouvent trop académique, porté sur les consensus. D’autres estiment qu’il faut rompre avec l’ère des “dinosaures”.

 

Le Chabat de l’USFP

Driss Lachgar, lui aussi ancien ministre, a toutes les chances de son côté. Entré à l’USFP à 16 ans, c’est un homme d’appareil qui maîtrise l’organisation. A 58 ans, il est doté d’un caractère de fonceur…et d’une moustache qu’il a promis de garder “jusqu’à l’issue du congrès”. 

 

L’homme des médias

Ahmed Zaïdi est un homme de réseaux. A 59 ans, cet ancien journaliste de la TVM, fort de 4 mandats de député, compte sur les voix des parlementaires socialistes et sur le soutien de la région de Fès grâce à ses amis fidèles : Mohamed Ameur et Ahmed Réda Chami.

 

Le Habib de tous ?

Habib El Malki, plusieurs fois ministre depuis 1998, est l’une des figures les plus en vue de l’USFP. Et parfois des plus décriées aussi. On lui reproche son excès de diplomatie qui le pousse à éviter toute forme de confrontation. Ce natif de Bejaâd en 1946 peut créer la surprise grâce au réseau qu’il a su tisser dans sa région natale, mais aussi à Béni Mellal et Azilal.

 

Le trouble-fête

Il s’appelle Mohamed Talbi et c’est un quadra, journaliste à Al Ittihad Al Ichtiraki et membre du conseil national du parti. Il s’est porté candidat par “militantisme”, conscient que ses chances sont quasi nulles.

 

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