Père fouettard

Ceux qui admirent le style Benkirane devraient faire abstraction de son côté 7laiki pour se concentrer sur son discours. Prenez sa dernière représentation devant les députés. Le Chef du gouvernement, fidèle à lui-même, n’a pas tenu plus d’une minute avant de sortir de son speech préparé. Donc sur la forme, il faut le remercier de nous épargner le phrasé ronronnant des officiels. Mais sur le fond, il ne fait que nous servir sa soupe populiste. Il fustige une administration dont il est aujourd’hui le premier responsable : “Ce qui est destiné aux pauvres n’arrive pas jusqu’à eux à cause de l’administration”. Il décrédibilise les chiffres officiels censés lui servir de base de travail : “Le taux de pauvreté national est de 8,8%, mais je pense qu’en réalité il est bien supérieur”. D’ailleurs, côté statistiques, Benkirane devrait éviter le freestyle et s’en tenir à ses fiches. Jugez-en par vous-mêmes : “La population vulnérable est celle qui vit avec moins de 1,5 dollar, c’est-à-dire que 10 personnes ont 1500 dirhams par mois” (sic)… C’est digne d’un écolier qui a oublié son anti-sèche de la table de multiplication dans le 9imatr. Enfin, il y a cette réplique qui tue, le must du must du Benky show : “Il vaut mieux disperser violemment des manifestants que de les poursuivre en justice”. Sérieux, il faut que ça cesse : on n’a pas besoin d’un père fouettard, mais d’un vrai Chef de gouvernement…

Tout va bien Mme la Marquise !

C’est la clope de oulad cha3b. Elle accompagne le Marocain moyen de ses premières taffes –qui coïncident généralement avec ses premiers baisers et poussées d’acné- jusqu’à son dernier souffle, quand il rend l’âme des suites d’une tumeur pulmonaire ou d’un accident de la circulation. C’est Marquise bien sûr. Qui ne la connaît pas ? La clope à un dirham, avec ses Pour et ses Par qui, un temps, ont divisé les vendeurs de cigarettes au détail du royaume. C’est un des rares produits made in Morocco des eighties à avoir survécu à la libéralisation économique. Privatisation de la Régie des tabacs, changements de propriétaire, invention du paquet low-cost, arrivée de nouvelles marques, banalisation des patchs à nicotine, changement d’emballage… la Marquise n’a jamais été ébranlée. Elle fait toujours un tabac : 65% de parts de marché, plus de 10 milliards de dirhams de chiffre d’affaires… Pfff !!! Et ça ne risque pas de changer de sitôt. Nos politiques veillent au grain : ils viennent d’amender la nouvelle taxe sur les cigarettes pour réserver à Marquise un régime particulier. Et ils font passer ça en douce, à 3h du matin la nuit de vote du budget par les députés. Mais c’est vrai que ce n’est pas le truc à passer par le filtre législatif en plein jour. Il n’y a pas un seul argument qui tienne pour justifier ce cadeau fiscal. Même pas la préférence nationale, puisque la rente du domaine de la Marquise tombe dans les coffres d’Imperial Tobacco.

Cheikh Yassine et Docteur Abdeslam

On le prenait pour un chtarbé. Tout juste bon à envoyer des missives au vitriol à qui de droit, à prétendre traverser des murs ou encore à faire des songes prédisant une 9awma… Mais voilà qu’on nous rappelle que c’est un théologien de classe mondiale. Cheikh Yassine a eu droit à un hommage jamais organisé pour un f9ih marocain des temps modernes. Une centaine d’universitaires et de chercheurs venus de tout le monde musulman se sont réunis en Turquie pour un colloque scientifique dédié à l’étude de “la place du Coran dans la pensée de Abdeslam Yassine”. Si, si y a des gens que ça intéresse… Car l’auteur de “L’islam ou le déluge” a écrit par ailleurs une trentaine d’ouvrages, dont certains sont des best-sellers à la FNAC Téhéran. Respects, le cheikh ! Mais s’il est si doué que ça, pourquoi Yassine ne parle quasiment jamais aux médias ? Les vidéos que ses disciples mettent sur le site de leur jama3 servent plus à démontrer que le cheikh est toujours en vie qu’à diffuser la vision politique d’Al Adl Wal Ihsane. Pourquoi le grand mourchid ne se prête-t-il pas au jeu des questions-réponses pour approfondir son modèle de gouvernance, basé sur la khilafa ? Redouterait-il de se laisser convaincre que son idéologie est intraduisible en programme politique qui réponde aux contraintes socio-économiques du 15ème siècle après l’Hégire ?