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Sacré budget

On ne badine pas avec le fric du Makhzen. La dispersion à coups de matraque d’un happening du M20 pour réclamer la réduction du budget de la cour royale en est une nouvelle illustration. Effet boomerang, le Makhzen, en choisissant de frapper plutôt que de s’expliquer sur ses notes de frais, a juste réussi à donner plus d’ampleur à un débat qui s’est invité furtivement au parlement. Pour la première fois, un député a osé aborder le sujet tabou au sein de l’hémicycle. Il s’agit de Abdelaziz Aftati, trublion en chef des députés PJD, qui a demandé des comptes sur le train de vie du sérail au cours d’une séance de la commission des finances. “Il est curieux que le budget du Palais soit présenté de manière aussi sommaire”, a-t-il déclaré en substance à nos confrères de goud.ma pour expliquer sa démarche. Sommaire, un doux euphémisme. Les élus de la nation n’ont droit qu’à trois ou quatre feuillets vagues pour valider des dépenses qui flirtent avec les 2,5 milliards de dirhams. Et là, plus aucune rivalité gauche-droite, opposition-majorité, tout le monde devient d’une politesse exquise et valide la note, salée soit-elle : elle représente deux fois plus que les budgets des deux chambres du parlement et du Chef de gouvernement réunis. Les Marocains payent par ailleurs chaque année, neuf fois plus pour le budget du Palais (76 dirhams par citoyen) qu’un sujet d’Elisabeth II. Le tout avec un revenu national brut par habitant treize fois inférieur à celui des Britanniques. Comment expliquer une telle hérésie mathématique ? Certainement pas par l’algèbre. Plutôt par les sciences politiques. Dans les monarchies constitutionnelles 1+1=2. Dans les autres, c’est au bon plaisir…

 

Ecran de fumée

La patronne des patrons, Meriem Bensalah, tente de convaincre le gouvernement d’abandonner la taxe sur les gros salaires. La CGEM préconise en remplacement une augmentation du taux de “l’impôt de solidarité” pour les entreprises réalisant plus de 100 millions de dirhams de bénéfices. Le patronat explique qu’il a “conscience des contraintes budgétaires de l’Etat” et a le “souci de jouer un rôle d’institution citoyenne”…Et bla bla bla. Le “foutage de gueule est gros comme le bide d’un capitaliste”, aurait dit Jean-Luc Mélenchon. Ben oui, même dernier de sa promo, un fiscaliste pourra vous démontrer qu’une entreprise gagnant 100 millions de dirhams a une panoplie d’astuces pour éviter le couperet. Une marge de manœuvre d’optimisation fiscale qu’elle n’a pas tellement avec le bulletin de paie du personnel. Les cadres négociant leurs émoluments nets d’impôts, c’est l’employeur qui sera donc condamné à payer cette taxe pour ses gros salariés. “C’est l’équivalent d’un paquet de Gauloises par jour”, comparait le ministre des Finances, Nizar Baraka. Les boss y ont vu une pléthore de havanes en moins. D’où la proposition si généreuse de Meriem Bensalah.

 

Boucle-la comme Benky !

Il nous manque le Benky. Celui du début de son mandat, fringant dans sa cravate de Chef de gouvernement, confiant le plus petit détail d’un coup de fil échangé avec Mohammed VI. On avait l’impression d’être une souris dans le sérail, d’avoir un pote pour nous raconter des potins. C’était l’époque où il était une bonne source people. Un temps révolu. Benky a tiré le rideau pour devenir un Premier ministre faisant des cachotteries. Il n’a rien laissé filtrer de sa dernière rencontre avec Mohammed VI pour obtenir son feu vert à la réforme de la Caisse de compensation. Frustrant quand on a connu Benky dans ses grandes heures, du temps où il était dans l’opposition. Audacieux, percutant, il aurait été capable d’expliquer au monarque, qu’en période de disette, le Palais gagnerait à contribuer au fonds de solidarité en renonçant à une partie de son budget de fonctionnement. Le Benkirane, version 2012, avait déclaré que lors de ses premiers entretiens avec Mohammed VI, il s’était retenu de lui raconter une blague hamda. Maintenant qu’il le connaît bien, on aurait écouté avec plaisir celle de l’argent de poche du roi.

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