En quelques années, les centres commerciaux géants sont devenus de véritables temples de la consommation de masse. Plongée dans un modèle économique qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
Au commencement était Alpha 55, un centre commercial de six étages situé en plein cœur de Casablanca. Ce précurseur du shopping-center, lancé dans les années 1980, s’est rapidement fait connaître dans tout le pays. Suite à ce succès, plusieurs galeries commerciales verront le jour, mais perdront rapidement de leur attrait et certaines d’entre elles finiront quasiment vides. Le marché n’était pas encore mûr apparemment. Depuis quelques années, le pouvoir d’achat aidant, une déferlante de malls va toucher le pays et installer le shopping XXL dans les mœurs. Des malls qui ressemblent à des paradis pour consommateurs, fournissant une myriade d’attractions allant des boutiques de grandes enseignes sur plusieurs étages aux parcs pour enfants. Que vous soyez acheteur compulsif ou averti, amateur de luxe ou chasseur de promotion, flambeur ou simple lèche-vitrine, ces temples de la consommation sont ouverts à toutes les bourses.
Fièvre acheteuse
C’est à Rabat qu’est né le premier mall du pays, en 2005 : le Mégamall. Une offre de 80 enseignes sur trois étages et une piste de patinage d’une superficie de 800 m2, de quoi attirer les fashionistas de la première heure. La ville ocre va lui emboîter le pas en 2010 grâce à Al Mazar, lancé par Best Real Estate, une société spécialisée dans l’immobilier commercial, appartenant au groupe Best Financière, propriétaire entre autres de l’enseigne de grande distribution Label’ Vie. Mais le grand tournant va se réaliser le 5 décembre 2011, avec l’ouverture du Morocco Mall à Casablanca, projet lancé par le Groupe Aksal de Salwa Akhannouch, et inauguré en grande pompe par la princesse Lalla Meryem et Jennifer Lopez, invitée à pousser la chansonnette lors du show d’ouverture. Le gigantisme est poussé à son extrême avec pas moins de 350 enseignes, de nombreux restaurants, un cinéma 3D… Le tout construit sur une surface de 10 hectares. D’autres projets sont dans le pipe : Best Real Estate lancera bientôt Borj Fès Mall dans la capitale spirituelle et le Socco Alto à Tanger. Cette explosion de centres commerciaux a déclenché une véritable surchauffe du marché du foncier dans les grandes villes, générant au passage une “sur-offre”, comme c’est le cas à Casablanca sur l’axe de la corniche, avec l’ouverture imminente du shopping-centre Anfaplace. “Chaque nouveau centre doit ajuster son modèle et porter une attention particulière à la structure de consommation et au pouvoir d’achat au Maroc. De ce fait, les autres villes du royaume ne sont pas concernées par cette course au foncier”, analyse Amine Megzari, responsable communication chez Best Real Estate Gestion. Conséquence, la rareté et la cherté du foncier poussent de plus en plus les développeurs de centres commerciaux vers les périphéries des villes. “Ce phénomène s’est produit bien avant l’apparition des malls. Nous ne pouvons donc pas imputer l’augmentation du prix du foncier aux seuls malls”, nuance ce responsable du Groupe Aksal.
Le mall de vivre
Traditionnellement, l’“immobilier commercial” au Maroc était destiné à la vente. Mais depuis quelques années, et après le flop de plusieurs projets comme les Twin de Casa, les acteurs du secteur se sont alignés sur les standards internationaux, qui consistent en la gestion locative à travers des sociétés de gestion. “La majorité des galeries commerciales qui ont sombré avaient opté pour la vente des magasins. Si l’affaire ne marche pas, il est difficile de trouver un acquéreur à son magasin et récupérer le lourd investissement de départ”, souligne un ancien gérant d’une galerie commerciale à Casablanca. C’est le cas de Best Real Estate, dont les revenus dépendent exclusivement des loyers perçus et d’un portefeuille d’enseignes leaders comme Carrefour, Virgin Megastore, Kiabi ou Burger King. Le Groupe Aksal, qui gère le Morocco Mall, va opter pour un modèle mixte, qui allie location des locaux et commercialisation directe via son portefeuille d’enseignes locomotives comme Zara ou les Galeries Lafayette. “Nous sommes opposés aux modèles mixtes. Selon nous, le métier d’immobilier commercial doit être appréhendé comme un métier indépendant et totalement à part”, affirme-t-on du côté de Best Real Estate. Ainsi, les loyers varient entre 280 et 350 DH le m2, auxquels s’ajoutent les charges de location comme l’électricité, le nettoyage, la sécurité et la maintenance des équipements. Mais la location à une enseigne ne garantit pas son succès immédiat. En effet, une marque qui ne rencontre pas le succès espéré s’éclipsera, cédant sa place à une autre. De ce fait, ce cycle de vie et de mort des marques génère un ratio “renouvellement de l’offre” dont les taux varient en fonction du succès du mall.
Mass market
Pour rentabiliser au maximum ces gigantesques édifices commerciaux, les malls tirent des revenus conséquents de la commercialisation des espaces publicitaires (publicité sur les lieux de vente ou PLV) ainsi que des locations d’espaces temporaires et de stands. Etant de puissants générateurs de trafic, ces espaces offrent un canal de communication très impactant qui attire de gros annonceurs comme les opérateurs télécoms. L’autre source pour booster les revenus d’un mall réside dans l’installation d’une “locomotive” alimentaire, de préférence un hypermarché genre Label’Vie ou Marjane, qui génère un flux important de visiteurs, ce qui bénéficie à l’ensemble des commerçants du mall. Pour pousser la logique commerciale encore plus loin, Morocco Mall n’hésitera pas à intégrer des Food Courts où l’on peut apprécier les cuisines du monde, un Fun Park (espaces de jeux) et un cinéma IMAX de 400 places. Cependant, pour anticiper la saturation de l’offre de ces gigantesques temples de la consommation, ce sont les projets multifonctionnels qui ont le vent en poupe. C’est le cas du projet Anfaplace à Casablanca ou du futur Socco Alto et Tingis Mall de Tanger qui allient une offre de shopping aux modules résidentiels et hôteliers. Enfin, pour cibler la clientèle étrangère, les autorités ont annoncé en 2011 le lancement d’une mesure fiscale concernant 890 marques, pour permettre aux touristes et aux Marocains résidant à l’étranger de récupérer la TVA sur les achats effectués dans les centres commerciaux du pays. Une façon d’encourager un business qui ne représente encore que 2% de la surface totale du commerce au Maroc. “Le Maroc se situe encore à un stade de développement embryonnaire et en deçà des potentialités du pays et des niveaux de pays comparables en matière de développement de centres commerciaux”, conclut Amine Megzari.
Succès. Veni, vedi, vici Depuis leur apparition, le succès des malls ne s’est jamais démenti. Ainsi, Al Mazar, le mall de Marrakech, a accueilli 4,5 millions de visiteurs en 2011, avec un trafic quotidien de 15 000 personnes, enregistrant ainsi une progression de 28% par rapport à 2010, avec un panier de shopping moyen (hors hypermarché) de 580 DH. Quant au Morocco Mall de Casablanca, il est déjà en passe de franchir le cap prévu de 13 millions de visiteurs avant même de souffler sa première bougie. “La multiplication des marques, grâce au développement des franchises, a induit de nouveaux comportements d’achat, et de nouvelles façons d’appréhender le produit et le service plus exigeantes en qualité”, souligne ce responsable du Groupe Aksal. C’est le cas du marché du luxe qui enregistre une évolution annuelle de 20 % malgré une conjoncture morose, où les enseignes installées au Maroc ont réalisé les succès escomptés. Désormais, inutile de voyager à Paris ou Milan pour acheter des marques prestigieuses, c’est le luxe qui est venu vers le client ! |
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