Les artistes africains sont de plus en plus nombreux à venir tenter leur chance au Maroc. Zoom sur les groupes musicaux qui ont réussi à percer.
Un mercredi soir à 23h, au Cotton Club de Rabat. L’établissement dédié à la musique live est blindé en ce soir de semaine. Sur scène, le groupe ivoirien ForOne est déchaîné. Les cinq musiciens font danser et chanter tous les clients présents, grâce à un répertoire très diversifié. Eh oui, le groupe ne fait pas que dans la musique africaine, bien au contraire. Les cinq musiciens enchaînent tubes soul, reggae, funk ou encore raï ! Ils sont plusieurs groupes, comme les ForOne, à se produire dans différents pubs et hôtels dans les grandes villes du royaume. Ils s’appellent Jaguars, Greenlight ou encore Africa United, et sur leur passage ils séduisent rapidement le public et les gérants d’établissements.
Parcours croisés
Qu’ils viennent de Côte d’Ivoire, du Congo, ou des Iles Comores, ces musiciens ont tous un point commun : leur passion pour la musique, qui leur a fait quitter leur pays d’origine pour venir s’installer au Maroc. Si certains connaissaient le pays, d’autres n’y avaient encore jamais mis les pieds avant de prendre la décision d’y tenter leur chance. C’est le cas de Léon Komenan, le très sympathique chanteur de ForOne. “Il y a un peu plus d’un an, j’ai été contacté par un ami qui était au Maroc depuis quelques mois, et qui voulait que je le rejoigne pour former un groupe”, explique-t-il. Musicien professionnel dans son pays, il fait alors ses valises et rejoint son ami, avec trois autres artistes. “Je savais depuis un bout de temps qu’au Maroc il y a avait plus d’endroits pour jouer, plus de concerts et plus de festivals”, poursuit-il. Le parcours des Jaguars est quant à lui légèrement différent. “On s’est rencontrés au Maroc, dans le cadre d’un festival où nous faisions tous partie de groupes différents. Après avoir discuté entre nous, nous avons décidé de former un groupe et de rester ici”, affirme Hermann Doh, bassiste du groupe, qui se produit régulièrement à Rabat, Fès et Marrakech. Aujourd’hui, Léon et Hermann sont loin d’être déçus. Leurs groupes cartonnent, et se produisent sur scène entre 4 et 6 fois par semaine. Ils jouent dans des pubs, des hôtels, des soirées privées d’anniversaire, mais également des mariages marocains et européens. Tous les membres de leurs groupes ainsi que leurs managers vivent exclusivement de leur musique, et ne regrettent absolument pas d’avoir choisi le Maroc comme point de chute.
Secret de réussite
Ce qui fait la force des groupes africains qui cartonnent actuellement ? Leur répertoire musical très varié, adapté au public marocain, aux goûts très divers. “Ce qui nous a frappés chez le public ici, c’est qu’il écoute de tout. De la musique africaine, mais également orientale, occidentale et marocaine. C’est pour cela que nous avons très vite commencé à travailler sur la musique chaâbi, gnaouie ou encore raï, des styles que nous ne connaissions pas avant”, explique Léon. Même son de cloche du coté des Africa United, qui ont intégré des musiciens marocains dans leurs rangs. “Ce qui est super, c’est que les rythmes africains ne sont pas très différents des marocains, du coup le public y adhère très rapidement, même lorsqu’ils sont mélangés à d’autres styles”, affirme Fahad Bastos, chanteur du groupe qui a remporté le concours Génération Mawazine en catégorie fusion en 2010. Résultat, sur scène, ces musiciens peuvent enchaîner des morceaux de Bob Marley à Lionel Richie en passant par Khaled avec une facilité déconcertante. Les ForOne, les Jaguars et les Africa United veulent aller encore plus loin dans leur carrière, en enregistrant des albums avec leurs propres compositions. “En 2013, nous allons entrer en studio pour enregistrer notre premier opus. Nous avons déjà plusieurs compositions que nous testons en live sur le public, pendant nos concerts”, confie Hermann des Jaguars.
Music united
Et la réaction des groupes marocains par rapport à la concurrence de ces groupes africains ? “Nous avons de très bonnes relations avec les musiciens locaux. Nous jouons très souvent ensemble pendant des jam sessions, et nous partageons beaucoup de connaissances musicales. Ils sont très ouverts et nous aident pour la musique orientale et marocaine, et nous leur apprenons les bases de la musique africaine”, affirme Léon. Du côté d’Africa United, l’entente est encore meilleure, puisque le groupe est composé de Comoriens, Djiboutiens, Congolais, Ivoiriens et Marocains. “Nous nous sommes rencontrés au Conservatoire de musique de Rabat, et très vite nous nous sommes retrouvés à jouer ensemble”, se remémore Fahad Bastos. Pas de fausses notes à signaler donc. Mais ces artistes voient-ils leur futur au Maroc ? Pensent-ils retourner dans leurs pays ou tenter leur chance en Europe ? “Pour le moment, nous n’avons aucune raison de quitter le Maroc. Financièrement, on s’en sort bien, le public nous apprécie et le milieu musical marocain également”, explique Léon. Pour Hermann par contre, il ne faut jamais dire jamais : “Etre musicien, ça veut dire voyager, aller à la rencontre de différentes cultures, du coup peut-être qu’un jour on voudra découvrir autre chose. Pour le moment, ce n’est pas d’actualité”. Bref, la saga Africa a de beaux jours devant elle.
Papiers. Situation compliquée “Si nous savions comment entamer une procédure pour avoir le statut légal d’artiste au Maroc, nous le ferions sans attendre”, explique Léon Komenan, du groupe ForOne. Il est vrai que la situation légale des artistes d’origine africaine au Maroc est délicate. Beaucoup sont obligés de quitter le royaume tous les trois mois et revenir après quelques jours, pour éviter d’être en situation irrégulière. Les destinations préférées ? Leur pays d’origine lorsque les moyens le permettent (les billets d’avion étant très chers), ou alors la Tunisie, abordable et proche. “Nous essayons de faire en sorte que les dates coïncident avec des concerts”, poursuit Léon. Dans d’autres cas, les musiciens sont obligés d’étudier en même temps, leurs inscriptions leur permettant d’avoir une carte de séjour, évitant ainsi d’avoir à rentrer et sortir du Maroc plusieurs fois par an. On se débrouille comme on peut. |
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