Depuis plusieurs années, artistes, producteurs et acteurs culturels militent pour résoudre la question des droits d’auteur, en vain. Désormais, ils veulent passer à l’action et lancer une véritable réforme du Bureau marocain des droits d’auteur (BMDA). Zoom sur les six solutions qu’ils souhaitent mettre en place.
Changer les responsables du BMDA
Depuis très longtemps, le Bureau marocain des droits d’auteur (BMDA) est dans la ligne de mire de tous les professionnels du domaine de la culture. La raison ? Le fait que son directeur, Abdellah Oudghiri, fait depuis plusieurs années des promesses qu’il ne tient jamais. En 2009, le BMDA a signé un contrat-programme avec le ministère de la Communication qui touche à sa fin en décembre 2012. Le but ? Permettre sa restructuration, grâce à un budget de 13 millions de dirhams mis à sa disposition par le ministère. Mais trois ans plus tard, les choses n’ont pas bougé d’un iota. Les artistes ont toujours autant de difficultés à déposer leurs œuvres et, sur les 1600 inscrits, ils sont une poignée à être rémunérés pour la diffusion de leur musique. “Il ne faut pas se leurrer, il y a une réelle volonté politique pour ne pas régler la situation. Et si la direction du BMDA ne change pas, il ne faut pas s’attendre à une révolution”, affirme Sarah Hajblum, productrice du groupe Haoussa, qui a sorti son premier album en mai dernier.
Mieux former les employés
“L’un des principaux soucis du BMDA, ce sont ses ressources humaines. Les employés ne sont pas bien formés, ils fonctionnent de manière archaïque. Beaucoup ne savent même pas allumer un ordinateur. Ils sont clairement incapables de faire leur travail”, s’indigne Aadel Essaadani, président de l’association Racines. La preuve, depuis 1977, c’est la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), basée en France, qui gère l’aspect informatique de calcul des passages radio et télé des artistes marocains, dans le cadre d’une convention signée entre les deux organismes. Les artistes sont les premiers à pâtir du manque de formation et de professionnalisme de l’équipe de Abdellah Oudghiri. “Il n’y a même pas de coordination entre le siège basé à Rabat et le bureau de Casablanca : personne n’est capable de vous donner les bonnes informations. Sans parler de leur lenteur : j’ai déposé mes œuvres en 2006 et je n’ai reçu ma carte d’adhérent que 3 ans plus tard !”, précise le chanteur Barry.
Sensibiliser tous les artistes
Ce n’est qu’avec la libéralisation des ondes en 2006 que la nouvelle génération d’artistes marocains réalise l’importance des droits d’auteur et des droits voisins. Lorsque leurs titres commencent à passer en boucle sur les radios, ils comprennent que c’est leur droit le plus légitime d’être rémunérés pour leur musique. Sauf que la majorité a vite baissé les bras devant le processus compliqué d’inscription au BMDA. “C’est normal qu’ils soient découragés, mais ils doivent comprendre que s’ils veulent véritablement que la culture se structure au Maroc, ils doivent absolument passer par là”, affirme Hicham Bahou, cofondateur du festival l’Boulevard. Pour Aadel Essaadani, “le seul moyen de mettre la pression sur le BMDA, c’est que les artistes s’inscrivent en masse, pour avoir plus de poids”. Certains artistes ont choisi une autre solution : s’inscrire directement auprès de la SACEM, en France, à travers le site Internet de l’organisme. Cela leur permet d’être rémunérés au moins sur leurs prestations et leurs passages radio et télé en dehors du Maroc.
Clarifier la situation légale du BMDA
Autre problème majeur de l’organisme géré par Abdellah Oudghiri : son statut juridique plus que flou. Fondé en 1965, le BMDA est en réalité une sorte d’organisme hybride, dont les statuts n’ont jamais été rendus publics. “Actuellement, personne ne sait légalement si le BMDA est une administration, une association ou un syndicat”, explique Sarah Hajblum. Pour Abdessaïd Cherkaoui, expert judiciaire agréé en droit de propriété intellectuelle et auteur de l’ouvrage Droits sans auteurs et auteurs sans droits, la situation est encore pire : “Le BMDA existe de manière illégale. Il exerce en toute illégalité des prérogatives qui ne sont fixées par aucun décret d’application”. En février dernier, l’association Racines a lancé une pétition pour demander l’audit du BMDA, signée par plus de 600 internautes. Mais personne ne sait à qui il faut l’adresser. Au tribunal administratif ? Au tribunal de commerce ? A la Cour des comptes ? “Pour avoir la réponse à cette question, il faut avoir accès aux statuts. Oudghiri avait promis de les mettre en ligne en février, mais huit mois plus tard, rien n’a été fait”, explique Aadel Essaadani.
Obtenir plus de transparence
Comment les artistes peuvent-ils inscrire leurs œuvres ? Quels sont les barèmes de redistribution des droits d’auteur ? Quels sont le budget et le bilan financier du BMDA ? Des questions que se posent les acteurs culturels depuis plusieurs années, et auxquelles ils n’ont jamais eu de réponse. “Ce n’est pas normal, toutes ces informations doivent être en principe disponibles sur leur site Internet et accessibles à tous les internautes. En France, la SACEM met en ligne chaque année un rapport annuel d’activité. Le BMDA aurait dû faire la même chose depuis très longtemps”, analyse Sarah Hajblum. Ce que les artistes demandent également ? Qu’ils puissent avoir accès facilement et régulièrement aux informations les concernant. “Nous avons absolument besoin d’un accès sécurisé sur le site du BMDA, qui nous permettrait de contrôler, par exemple, le nombre de passages de nos morceaux sur les radios”, propose Barry, qui n’a touché aucun dirham depuis son inscription à l’organisme.
Entamer des actions en justice
Chaque année, plusieurs millions de dirhams sont censés arriver dans les caisses du BMDA, mais presque rien n’en ressort. A chaque fois qu’il est questionné sur le sujet, Abdellah Oudghiri explique que c’est “parce qu’ils ont du mal à récupérer l’argent des télévisions, radios, festivals, etc.”. Pour les militants culturels et les spécialistes, l’argument ne tient pas la route. “La loi relative au droit d’auteur et au droit voisin datant de 2000 permet au BMDA d’agir, et de saisir la justice pour porter plainte contre les organismes qui refuseraient de les payer”, affirme Abdessaïd Cherkaoui. Cela veut dire que le BMDA a la loi de son côté pour obliger les chaînes publiques, les radios privées (à part Hit Radio et Atlantic, qui ont toujours reversé une partie de leurs recettes publicitaires au BMDA), les hôtels, boîtes de nuit, restaurants ou encore les festivals qui ne les paient pas à le faire. Mais en réalité, le BMDA est très loin d’exercer sur eux une quelconque pression. Jusqu’à présent, aucun procès n’a été intenté par le BMDA à un “mauvais payeur”, alors qu’en France par exemple, la SACEM le fait régulièrement, pour défendre les intérêts de ses artistes.
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