Supermarchés et hypermarchés poussent comme des champignons au Maroc, mais le secteur reste maîtrisé par une poignée d’enseignes qui ne se livrent pas vraiment à une concurrence acharnée. Petit tour dans les arrière-boutiques des grandes surfaces.
Les grandes et moyennes surfaces (GMS), c’est plus de 15 milliards de dirhams de chiffre d’affaires, 13% de la consommation nationale, un taux de croissance de 600% en 10 ans et un objectif de 600 magasins d’ici 2020. Sept enseignes pour quatre opérateurs se partagent le secteur. Le groupe SNI, détenteur de Marjane et Acima, fait office de leader incontesté en s’octroyant à lui seul 65% de parts de marché. Son concurrent direct est Label’Vie, propriétaire des enseignes Carrefour, Carrefour Market et Carrefour Maxi, avec près de 28% des parts. Il est suivi de loin par Aswak Assalam, du groupe Ynna Holding (8%), et par le dernier-né du secteur, l’enseigne turque Bim. Ces chiffres émanent de la dernière étude réalisée pour le compte du Conseil de la concurrence en 2011 sur les grandes et moyennes surfaces. Premier constat : la répartition géographique de ces nouveaux temples de la consommation est loin d’être équilibrée. Ainsi, plus de 50% des magasins se trouvent dans les seules villes de Rabat et Casablanca, alors que le nombre de leurs habitants ne dépasse guère 20% de la population nationale. Ce déséquilibre s’explique par le pouvoir d’achat des consommateurs des deux capitales et, surtout, par les habitudes de consommation qui tendent à s’occidentaliser, selon les professionnels du secteur. D’après l’étude, cette répartition donne lieu à des “situations de monopoles ou de duopoles et génère un risque d’entente sur les localisations, surtout dans les petites agglomérations (…) Par exemple, lorsqu’Acima s’implante dans une petite ville, Label’Vie n’y ouvre pas de point de vente. Et inversement”. Alors, entente territoriale ou pas ? Le Conseil de la concurrence a préféré laisser la question en suspens…
Pression sur les fournisseurs
D’autre part, l’étude révèle que les grandes surfaces, dont la puissance de frappe est importante, mènent la vie dure à leurs fournisseurs. Ces derniers sont très solvables, de véritables poules aux œufs d’or, pour le GMS… En plus d’être soumis à des clauses contractuelles très contraignantes (garantie du prix le plus bas, délais de paiement allongés ou encore prise en charge des risques), les fournisseurs doivent payer moult autres “droits”. C’est simple, un fournisseur paie quand il rentre, il paie quand il vend et il paie quand il sort. Ces charges, appelées marges arrières, représentent une sorte de compensation versée au distributeur afin de couvrir les frais engagés pour assurer la vente des produits (dépenses marketing, force de vente, logistique, etc.). Elles sont généralement très lourdes à supporter, surtout pour les petites structures. Pour cet entrepreneur qui travaille avec Marjane notamment, “le jeu n’en vaut pas la chandelle pour les petits fournisseurs. Avoir ses produits en vente dans des grandes surfaces n’est qu’une vitrine, car on dégage une marge d’à peine 6 à 7%. Alors qu’on paie à l’enseigne jusqu’à 12% de notre chiffre d’affaires en ristourne annuelle et autres droits obligatoires”. Des conditions qui ne s’appliquent pas à tout le monde. D’après Tarik El Fekkak, consultant en charge de l’étude du Conseil de la concurrence, “il est plus facile de négocier avec les grandes surfaces (et donc de payer moins de marges arrières) lorsqu’on s’appelle Coca-Cola ou Danone que quand on est un petit fournisseur local dont le chiffre d’affaires dépend en grande partie des GMS”.
En attendant la réglementation…
Et si les patrons de grandes surfaces peuvent faire la pluie et le beau temps, c’est parce qu’aucun dispositif réglementaire spécifique n’est mis en place au Maroc. Les textes qui régissent ce secteur sont ceux appliqués aux commerces de détail comme les épiceries. Ils sont donc axés principalement sur le contrôle des prix, la qualité des produits et les normes de conservation et de transport. Certes, le plan Rawaj 2020 prévoit des mesures institutionnelles concernant la requalification des espaces commerciaux et l’élaboration des SRDC (Schémas régionaux de développement commercial). Mais les questions de la réglementation de la concurrence des GMS, la régulation de leur implantation, l’assainissement des relations avec leurs fournisseurs et la protection des petits commerçants face à leur développement n’ont pas été soulevés par le législateur. Pourtant, l’expérience des pays pionniers dans ce domaine (tels que la France) a démontré la nécessité de l’élaboration d’un cadre juridique dédié exclusivement à ce secteur. Sans quoi, les géants de la grande distribution resteront les maîtres absolus du commerce.
BIM. Un dernier venu très ambitieux L’étude du Conseil de la concurrence n’aborde pas le cas du “petit” dernier, Bim, faute de données. Pourtant, cette enseigne —qui appartient à 100 % au groupe éponyme—, n’est pas si petite que cela : en 4 ans d’existence au Maroc, le Turc a ouvert environ 80 magasins. Cependant, ses parts de marché restent précieusement gardées. Selon son directeur général, Mohamed Benmezouara, “le groupe n’a jamais cherché à les calculer car ce n’est pas un objectif en soi ; d’autant que Bim est loin d’être arrivé à sa phase de maturité au Maroc”. Toutefois, selon les professionnels du secteur, “ses parts ne dépasseraient pas les 2%”. Et pour cause, l’effort d’investissement de l’enseigne reste très modéré. Bim n’achète pas et ne construit pas de locaux, il préfère louer. Une stratégie qui permet au groupe turc de passer outre les barrières à l’entrée du marché et, en cas de problème, de plier bagage en deux temps trois mouvements, avec un minimum de pertes… Même si d’année en année cette hypothèse semble de moins en moins probable, puisque le géant turc affiche une progression des ventes à deux chiffres : 25% entre 2010 et 2011. Sans compter que 350 nouveaux magasins verront le jour d’ici à fin 2015. Ce qui risque de chambouler le paysage des GMS au Maroc… |
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