Pris en otage par le duel fratricide que se livrent Hamid Chabat et Abdelouahed El Fassi pour le poste de secrétaire général, le plus vieux hizb du pays vit ses jours les plus sombres à la veille d’un conseil national décisif.
L’été a été chaud, très chaud pour les héritiers de Allal El Fassi ! Deux mois après la tenue de son 16ème congrès national, le parti de la balance continue de s’embourber dans le combat fratricide et sans concession que se livrent Hamid Chabat et Abdelouahed El Fassi, les deux candidats à la succession de Abbas El Fassi à la tête de l’Istiqlal (PI). Jamais l’élection du big boss du PI n’a été aussi médiatisée. Jamais elle n’a suscité autant de réactions, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de la formation. Est-ce l’exercice de la démocratie interne qui a secoué un parti trop habitué au culte du consensus ? Ou alors les candidats ont-ils trop fait dans la surenchère, tant et si bien que des voix s’élèvent au sein même de la formation pour stopper ce qu’ils n’hésitent plus à qualifier de pire erreur de l’histoire de l’Istiqlal ? À quelques jours de l’élection par le conseil national du futur numéro 1 du PI, la tension n’en finit pas de monter.
Dilemme cornélien
“J’affirme devant vous que je ne représente ni la troisième voie, ni la solution de rechange”, la phrase est de Mhammed El Khalifa, personnalité historique et respectée de l’Istiqlal, qui vient de balayer d’un trait les rumeurs le voyant comme alternative au duo Chabat-El Fassi. Lors d’une sortie pour le moins exceptionnelle, le Marrakchi, habituellement peu bavard, s’est insurgé contre ce qu’il a appelé “la plus grande tragédie de l’histoire de l’Istiqlal”. Les mots sont forts, et c’est visiblement ému que le membre du comité exécutif a exhorté les deux candidats à dépasser leur “égoïsme” en retirant leur candidature afin, selon lui, de sauver le parti (lire encadré). Pour un ancien ministre istiqlalien ayant requis l’anonymat, la sortie d’El Khalifa reste pour le moins une énigme. “Soit il prépare l’annonce de sa candidature par paliers, step by step. Soit il a tout simplement appelé à un réveil des consciences”, nous confie-t-il. Également consterné par la tournure qu’ont prise les événements, notre interlocuteur assure que ce n’est pas la démocratie qui lui fait peur, mais plutôt “ses résultats”. Il en veut pour preuve l’inconnu dans lequel se retrouverait le parti au lendemain de l’élection, arrêtée au 23 septembre. C’est que l’Istiqlal est en quelque sorte face à un dilemme cornélien. D’un côté, un Abdelouahed El Fassi représentant les intérêts du clan familial qui a la mainmise sur la formation ; de l’autre, un Hamid Chabat plus ambitieux que jamais connu pour ses dérapages. “Pour Chabat, c’est son plan de carrière qu’il met en jeu. Il ne l’a jamais caché, il a toujours voulu être le Lech Walesa ou le Lula du Maroc”, ironise l’ancien ministre.
Un parti, trois clans
Initialement prévue le 22 septembre, l’élection du nouveau leader de l’Istiqlal se fera finalement le lendemain, faute de salle disponible dit-on. Ce sera alors autour des quelque 996 membres du conseil national (“parlement” du parti) de choisir entre les deux prétendants. À en croire un membre casablancais de ce même conseil, l’assemblée serait divisée en trois clans, “un petit qui s’est déclaré du côté d’El Fassi, un autre tout aussi petit du côté de Chabat, et un troisième, qui regroupe 70% du conseil national. Ce 3ème clan est constitué de gens que la situation du parti chagrine et qui attendent les évolutions des derniers jours avant de faire leur choix”, prévenant que “le fait d’affirmer appartenir à un clan ou un autre ne signifie pas qu’on y restera”. C’est dire le suspense et le flou auxquels sont confrontés les militants. Pourtant, à un moment, les médias ont cru en Abdelouahed El Fassi, présenté comme le favori —notamment compte tenu de sa stature de fils de la légende Allal El Fassi— surtout après avoir convié quelque 300 membres du conseil national à un meeting-ftour à Casablanca. Seulement voilà, à trois semaines de la réunion décisive du conseil national, Hamid Chabat a frappé un grand coup : la Jeunesse istiqlalienne, forte de près de 150 membres au conseil national, s’est fendue d’un communiqué dans lequel elle a publiquement soutenu la candidature du maire de Fès. “Sans oublier que chacun de ces 150 jeunes a deux ou trois amis qu’il pourrait influencer”, ajoute ce membre du conseil national.
Une sale guerre
Face à tant de suspense, certains craignent pour l’après-élection. Un tel combat entre des ego aussi marqués ne peut être livré sans que l’un ou l’autre des deux candidats n’y laisse des plumes. Si Abdelouahed El Fassi a d’ores et déjà déclaré avoir l’intention de respecter le résultat des urnes, en promettant, dans le cas où il perdrait, de se retirer des instances dirigeantes du parti (tout en restant membre), le leader de l’UGTM n’est pas vraiment ce qu’on pourrait qualifier de bon “joueur”. “Si Abdelouahed El Fassi l’emporte, je peux vous assurer que Chabat et son clan seraient prêts à faire subir au parti 4 ans de calvaire”, craint notre interlocuteur qui considère que le “sultan de Fès ne serait pas prêt de s’avouer vaincu”. D’ailleurs, avant même le dénouement de l’élection, des fissures commencent à apparaître dans la maison Istiqlal. Une trentaine de membre de la Chabiba istiqlalienne, sympathisants de l’héritier El Fassi, ont déjà présenté leur démission en réaction au passage en force de la motion de soutien à Chabat. Au sommet de la hiérarchie de l’Istiqlal, la guerre des zaïms prend des allures de combat de coqs. Abbas El Fassi, le bientôt ex-secrétaire général, est sorti de son mutisme pour s’en prendre à El Khalifa en le traitant d’“obsédé du portefeuille”, insinuant que celui-ci aurait, à travers sa sortie médiatique, voulu se venger contre le fait qu’il n’ait pas pu intégrer la nouvelle équipe gouvernementale. Des propos qui ont été qualifiés de mensongers par le concerné qui, via un quotidien de la place, révèle avoir été le seul à s’être opposé à ce que l’ancien Premier ministre négocie seul avec Benkirane au lendemain des législatives du 25 novembre. Bref, le grand déballage ne fait que commencer…
Relève. Les roues de secours Si certains l’accusent d’avoir voulu mettre de l’huile sur le feu, d’autres semblent plus sensibles à la récente sortie médiatique de Mhammed El Khalifa. Surtout depuis que ce dernier a proposé une troisième voie pour sortir l’Istiqlal de l’impasse. L’ancien ministre a en effet proposé que Hamid Chabat et Abdelouahed El Fassi retirent leurs candidatures et se mettent ensuite mutuellement d’accord sur un ou deux candidats de leur choix. Cette solution de consensus en a séduit plus d’un, mais elle n’est pas la seule. D’autres cadres du parti préconisent une solution où le choix serait beaucoup plus ouvert, à savoir l’élection par référendum d’un dirigeant parmi la totalité des 24 membres du comité exécutif. Et ce en deux tours, pour assurer un minimum de légitimité au futur SG. Une troisième solution a également été mise sur la table, et qui suppose que les deux candidats puissent se mettre d’accord sur une charte éthique. A supposer que les concernés puissent tenir leurs engagements. |
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