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Exception démocratique

“La démocratie du consensus” ! Voici un concept qui fait partie de notre curieuse exception marocaine. Il marque là son retour avec l’échec du congrès de l’Istiqlal : la direction du parti a annulé le vote censé départager deux candidats déclarés au poste de secrétaire général. En gros, elle a préféré repousser l’échéance le temps de trouver un consensus. Comprenez, un candidat unique qui sera bien évidemment désigné démocratiquement… Cette approche de candidature unique consensuelle est si courante chez nous qu’elle en devient presque la règle démocratique. On l’a vu par exemple dans les récentes élections de la CGEM, dans la désignation des présidents de fédérations sportives, des dirigeants de plusieurs autres formations politiques ou syndicales. Pourtant, cette démocratie de consensus est un concept abscons. A la limite, démocratie consensuelle est un oxymore. Avoir des idées et des positions différentes, c’est ce qui permet de faire avancer une société, surtout quand ses composantes sont suffisamment civilisées pour accepter la différence, de respecter la volonté de la majorité sans pour autant négliger le poids de la minorité. Et puis, reconnaître une démocratie de consensus ne revient-il pas à admettre tacitement d’autres sortes de démocratie ? Genre “une démocratie de l’usure”, “une démocratie de la dissuasion”, “une démocratie des rapports de force du moment”, “une démocratie du bluff”… A une époque que l’on veut révolue, on aurait pu appeler l’ensemble “la démocratie hassanienne”… Non, la démocratie n’a pas besoin d’épithète, elle se pratique tout court, se suffit à elle-même… Le mode d’emploi : des idées portées par des camps qui se confrontent et des électeurs qui tranchent librement en exprimant leur opinion par la voie des urnes. Au Maroc, on a malheureusement cette fâcheuse habitude d’essayer d’éviter autant qu’on peut la case vote. Peut-être parce que notre culture de débat reste au stade binaire : m’3ana w’la m’3ahoum, littéralement “avec nous ou avec eux”…

La caravane passe…

Mais bien sûr que Aâmara n’a pas commandé deux bouteilles de champagne lors de son déplacement en Afrique. D’abord, il n’a aucune raison valable de sabler le champagne : il est au Burkina Faso, ce n’est pas la joie. Comme on dit, Ouagadougou, ce n’est pas le Pérou. Cette caravane de l’export qu’il a dû rattraper au dernier moment a été, selon des habitués, la plus pourrie des éditions de ce type de déplacement de prospection dans le continent. Mais, surtout, Aâmara n’a pas carburé au champ, tout simplement parce qu’il ne picole pas. D’ailleurs, certains de ses collègues ont choisi cet argument comme ligne de défense, pour démonter toute cette accusation. Soit ! Amen… Mais s’il s’agissait d’un autre ministre qui, lui, n’a rien contre les boissons alcoolisées, pourrait-il se permettre un dîner bien arrosé à 10 000 dirhams ? Est-ce trop ? Quelle serait donc la norme ? Peut-être bien que c’est l’alcool qui pose en réalité problème. Doit-on comprendre qu’il ne faut pas se payer un verre avec l’argent du contribuable, du moment qu’il est par défaut musulman ? Peut-on à la limite offrir à boire à des invités étrangers, histoire de traiter des affaires autour d’une bonne bouteille ? Quelle est la règle au juste ? Qu’on nous explique, au lieu de nous saouler avec cette tempête dans un verre de champ.

Un surdoué passe le bac

Il s’appelle Anouar Abbadi. Son bac, il l’a décroché à l’âge de 17 ans avec une moyenne de 19,28. Tbarkallah, 5hemsa w’5hmiss, félicitations, et caetera… Question : quelqu’un avec autant de génie n’aurait-il pas pu avoir son bac bien avant ? Car il est clair qu’il s’agit là d’un surdoué. Et les surdoués, sous d’autres cieux, on les repère assez tôt, on leur fait sauter des classes, on les accompagne dans leurs orientations, on leur ouvre les portes des meilleures formations… Chez nous, il faut croire qu’on les traite comme n’importe quel cancre que produit notre système éducatif national. D’ailleurs, Anouar a eu droit aux félicitations de toute la Toile marocaine, mais pas le moindre petit mot gentil de la part du ministère de l’Education nationale. C’est peut-être mieux ainsi. Car notre système ne semble pas trop aimer les petits génies. Prenez l’exemple de ce mineur de Berrechid. Lui n’a pas eu 19 au bac, mais en jouant au bricoleur du dimanche, il a fabriqué chez lui une fusée et un radar. Au lieu de l’accompagner pour déposer un brevet d’invention ou monter un labo de recherches, les autorités ont préféré le mettre en prison. C’est sûr, il est dans son élément : dans l’univers carcéral, il faut maîtriser les math(on)s et être balaise en physique… Question de survie.

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