J’ai très peur du PJD

 

Smyet bak ?

Taleb Brahim.

 

Smyet mok ?

Atef Malika.

 

Nimirou d’la carte ?

Je ne l’ai pas sur moi et je ne connais pas le numéro.

 

Tu n’aurais pas un petit casier judiciaire sous le bras pour faire plus “street life” ?

Non désolé, j’ai eu quelques pépins mais je m’en suis toujours sorti…

 

Pourquoi avoir choisi un blase de baleine ?

C’est un ego trip. L’histoire de Moby Dick me parle car c’est un animal infaillible, effrayant, un mythe qui terrorise.

 

Et ton autre surnom, L’Moutchou, quel sens a-t-il ?

C’est pour que les gens qui kiffent ma musique ne voient plus du même œil les petits moutchous qui écoutent mes morceaux. Je veux valoriser ces gens.  

 

Ca s’écrit à quelle heure du jour ou de la nuit un morceau de rap ?

ça se commence vers deux heures du mat et ça se termine… ça dépend en fait. ça peut finir à cinq heures du matin ou durer jusqu’à midi.

 

Tu es déjà allé à New York ?

En vrai, non. Mais dans ma tête, oui. Je connais par cœur le plan de la ville, tous les quartiers, les endroits où il se passe des trucs, des évènements hip-hop…

 

Les rappeurs ont deux paires de pompes fétiches, les Samba d’Adidas et les Jordan de Nike. Une préférence ?

Les Jordan, sans hésiter. Quand j’en vois, je pleure tellement je les aime. Mais c’est galère d’en trouver au Maroc.

 

Les rappeurs ont tous un personnage de Star Wars préféré. Et toi?

Je suis plutôt comics. Gamin, je me nourrissais de Marvel et de DC Comics, des bandes dessinées américaines. Leurs supers héros ressemblent aux rappeurs. D’un côté, ce sont des fils bien élevés et aimants, de l’autre des mecs gores qui insultent tout ce qui bouge.

 

Tu as un groupe préféré ?

Le Wu Tang Clan. J’adore leur délire, leurs rythmes, leur esthétique, leurs thèmes et leur identité.

 

Tu joues pas un peu trop à l’Américain ?

Je suis très influencé par la culture, la musique made in USA. Donc oui, je suis très “cainri”. Je porte souvent des casquettes de baseball pour montrer aux gens que le hip-hop, c’est aussi un style vestimentaire. Mais je rêve un jour de me planter devant un Américain, avec une belle casquette aux couleurs d’une équipe sportive marocaine de qualité, et de lui lancer : “ça, ça vient de chez moi mec.”

 

Pas de rap sans clashs… Tu peux nous dire une méchanceté sur un de tes confrères ?

Bigg. Sérieux, avant j’adorais ce qu’il faisait, mais c’est trop décevant de le voir poser en djellaba dans des magazines féminins.

 

Un petit mot pour L7a9ed ?

Il a vraiment des c… ce type, même si je n’adhère pas à son propos. Le jour viendra où, grâce à des gens courageux comme lui, il y aura une vraie liberté d’expression.

 

T’écoutes de la musique sur vinyle ou sur MP3 ?

Autant que possible, sur vinyle. Je suis fou de ça : j’écoute le diamant du lecteur passer sur le disque et faire des petites imperfections.

 

Dans le rap, il y a les pro et les anti-voice coder (appareil pour déformer le son de la voix). Et toi ?

Je suis contre. Je travaille avec le moins d’effets possible. J’utilise simplement deux platines Technics, une MPC et mes cordes vocales.

 

Rappeur, c’est un bon plan avec les filles ?

Malheureusement, oui. J’essaie d’éviter celles qui veulent sortir avec moi juste parce que je suis connu et qui attendent de moi que je joue ce rôle de mec populaire.

 

Tu penses vraiment être populaire ?

Ben oui, quand je monte sur scène, le public entonne mes chansons avant même que je me mette à chanter.

 

Avec d’autres rappeurs, tu avais protesté contre la censure à la radio en 2009. Et aujourd’hui ?

Les choses ont changé. C’est moi qui ne veux plus passer à la radio, à côté de tous ces bouffons. C’est un problème d’ego, je ne veux plus me mélanger. Et puis les radios maintenant, elles essaient toujours de t’embrigader dans des trucs politiques…

 

Quel genre de trucs ?

Par exemple, on m’a demandé de chanter pour inciter les jeunes à aller voter. J’ai refusé. En France, les rappeurs “clashent” le Front national et disent de voter pour la gauche, ça a du sens. Le jour où un parti me plaira, je dirais “Allez voter pour ce parti”, mais je ne vais pas me bouger juste pour dire “Allez voter”. Le pire c’est qu’après, les artistes qui participent à ce genre de démarches se font “disliker” sur Youtube.

 

Et tu n’as pas envie de “clasher” un parti en particulier ?

Je veux tous les clasher. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, j’ai très peur du PJD. Les islamistes risquent de nous étouffer en mettant la religion à toutes les sauces.

 

Tu vis de ta musique ?

Oui, mais pas complètement. En fait, je vis aussi des activités liées au rap comme la vente de tee-shirts avec le logo du groupe. ça se vend comme des petits pains.

 

Tu commences aussi à produire, n’est-ce pas ?

Oui. Je viens de monter une société de production pour les jeunes rappeurs. Pour dénicher les jeunes talents, les aider à réaliser des clips, etc. Je veux professionnaliser le mouvement hip-hop car les jeunes ont du mal à se faire entendre.

 

Ces temps-ci, on entend beaucoup parler de culture propre. Y a-t-il un rap propre ?

Si on entend par ça un rap sans insultes, une musique qu’on peut écouter en famille, alors non. Aujourd’hui, on doit y aller, ne pas hésiter à être macho, vulgaire… Surtout que la scène est naissante. Il faut choquer pour se faire entendre.

 

Ton rap, tu déconseilles de l’écouter en famille ?

Oui. Il ne faut surtout pas dire aux parents qu’on achète mes skeuds.

 

Qu’est-ce que tu penses du piratage ?

J’aime bien acheter des originaux, par respect pour l’œuvre que j’apprécie. J’ai moi-même été vendeur de disques piratés, mais j’ai arrêté quand j’ai fait ma première scène et que j’ai commencé à être connu, car ça n’était plus compatible.

 

Des projets pour le futur proche ?

J’ai une mixtape qui doit sortir très bientôt, avec un morceau que j’ai enregistré avec Sefyu, une grosse pointure du rap français. Et puis j’attends la diffusion d’émissions auxquelles j’ai participé comme Korsa, etc. Bref, ça va bouger.

 

Tu nous fais une petite punchline spécialement pour les lecteurs de TelQuel ?

“Ils croient que c’est une musique de gamins, du coup ils ne savent ni ce qui se passe, ni ce qu’ils ratent. Voilà pourquoi je me vois comme Galilée quand il disait que la Terre n’est pas plate.”

 

  • 1978. Naissance à Rabat
  • 1989. Découvre le hip hop en écoutant Vanilla Ice
  • 2006. Monte sur scène pour la première fois au Tremplin
  • 2010. Sort son album L’Moutchou Family
  • 2011. Crée une société de production pour les jeunes rappeurs

 

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer