En retirant sa confiance à l’envoyé spécial du SG de l’ONU au Sahara, le Maroc choisit de marquer une pause dans le processus de négociations avec le Polisario. Le point en quatre questions.
Qui remplacera Christopher Ross ?
Les cadres du ministère marocain des Affaires étrangères en sont convaincus : le secrétaire général des Nations Unies finira par nommer un nouvel émissaire pour remplacer Christopher Ross. Certains sont même prêts à parier que l’envoyé spécial du SG de l’ONU pour le Sahara présentera sa démission avant cette échéance. “La gestion du dossier est essentiellement basée sur le consensus et les négociations politiques. On ne peut rien imposer à personne”, lâche un diplomate marocain. Soit, mais comment expliquer dans ce cas le silence qu’observent aussi bien l’ONU que les grandes puissances du Conseil de sécurité depuis plusieurs semaines ? “La position marocaine n’a pas plu à l’administration américaine. Il ne faut pas oublier qu’avant d’être un émissaire onusien, Ross est d’abord un ambassadeur américain. L’ONU n’a pas dû apprécier non plus puisque le retrait de confiance marocain remet le compteur à zéro”, explique cet observateur. Le timing de la décision marocaine compte également. En effet, aujourd’hui plus que jamais, la situation au Sahara ne figure pas dans les priorités de la communauté internationale, davantage préoccupée par la situation en Syrie ou en Egypte. Résultat, le dossier du Sahara est totalement bloqué, même si dans les couloirs de l’ONU, à New York, des noms commencent à circuler. Christopher Ross pourrait ainsi être remplacé par Colin Powell, ancien secrétaire d’Etat américain sous George Bush. De son côté, Rabat pousserait, selon différentes sources diplomatiques, vers la nomination d’un émissaire européen. Le dernier à avoir occupé ce poste est le Hollandais Peter Van Walsum. En 2008, il avait été à l’origine d’une vive polémique en affirmant que “l’indépendance du Sahara occidental n’est pas un objectif réaliste et que le Front Polisario devrait y renoncer”.
Quel avenir pour le plan d’autonomie ?
Le Maroc n’a jamais vraiment caché ses appréhensions vis-à-vis de l’émissaire onusien Christopher Ross. “Le pays a accepté sa nomination à ce poste pour ne pas être accusé de mauvaise foi et pour ne pas bloquer le processus de négociations”, affirme notre diplomate. Mais tout au long des rounds de négociations menés par l’envoyé spécial de Ban Ki Moon pour le Sahara, le royaume est resté sur ses gardes. “Dès le départ, nous avons constaté que Ross orientait le débat vers deux points essentiels : le respect des droits de l’homme au Sahara et le droit des populations locales à disposer des richesses naturelles du territoire”, explique cette source, proche de l’équipe de négociateurs marocains. A partir de la septième rencontre informelle, les Marocains sentent le danger approcher. “Nous avons eu la conviction que l’objectif de Ross est de faire oublier le plan d’autonomie marocain et de revenir petit à petit vers le plan Baker recommandant l’installation d’une autonomie provisoire avant l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Cela est inacceptable, d’autant que les plus grandes puissances mondiales ont favorablement accueilli le plan marocain et que l’ONU elle-même l’a retenu comme une solution réaliste et constructive”, confie ce cadre aux Affaires étrangères. Aujourd’hui, le Maroc a donc choisi de marquer une pause. Le pays ira-t-il jusqu’à appliquer le plan d’autonomie d’une manière unilatérale au Sahara ? “Cela n’a pas de sens. L’objectif de ce plan est de résoudre définitivement ce conflit. Maintenant, déclare ce haut diplomate, le projet de régionalisation dotera les régions de larges prérogatives et le Sahara ne fera pas exception”, conclut-il.
Que deviendra la Minurso ?
Selon Chritopher Ross, la mission des Nations Unies pour le Sahara occidental n’a plus les moyens de s’acquitter honorablement de sa mission. La Minurso —installée en 1991 pour l’observation du cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario— aurait ainsi mal vieilli. Elle manquerait de moyens, de personnel et nécessiterait une réorganisation complète ainsi qu’une redéfinition de ses missions et de ses prérogatives. Au fond, les observations de Ross ne sont pas totalement fausses. Il y a quelques années, le représentant américain au Conseil de sécurité avait également parlé (en substance) “d’une mission trop chère et pas vraiment efficace”. C’est que l’enlisement du conflit a forcément impacté la mission des Casques bleus onusiens. Car si ces derniers ont réussi à maintenir le cessez-le-feu, ils ont totalement échoué dans l’organisation du référendum d’autodétermination. Aujourd’hui, plusieurs voix indépendantistes poussent vers l’élargissement des prérogatives de la mission, notamment en vue d’une plus grande observation et protection des droits de l’homme au Sahara. Une revendication que le Maroc considère comme une atteinte à sa souveraineté et qu’il rejette catégoriquement. “Le royaume dispose aujourd’hui d’un organe indépendant et crédible, le CNDH, qui a deux bureaux au Sahara. En plus, commente ce diplomate, personne ne parle de la situation des droits de l’homme à Tindouf, où l’ONU est incapable de mener un simple recensement de la population”, conclut-il. “Le Maroc a raison d’évoquer la situation à Tindouf, estime un militant sahraoui des droits de l’homme, mais le pays doit sérieusement se pencher sur la problématique des droits de l’homme au Sahara et installer un véritable Etat de droit. C’est sur ce registre que risquent de s’exercer les pressions de la communauté internationale durant les prochaines années”.
Faut-il craindre un retour au conflit militaire ?
Théoriquement, cela n’est pas possible pour deux raisons. La première est que l’armée du Front Polisario est presque totalement décomposée. La deuxième est que la communauté internationale est trop préoccupée par la sécurité dans la région du Sahel pour qu’elle tolère l’éclatement d’un conflit armé sur place. C’est d’ailleurs une carte que le Maroc joue fréquemment dans les réunions internationales. La semaine dernière, le ministre marocain des Affaires étrangères l’a, une nouvelle fois, martelé lors d’une réunion des pays du Sahel à Rabat. “Les initiatives entreprises par certains pays dans la région pour lutter contre le phénomène du terrorisme et le crime organisé demeurent insuffisantes, vu l’extension accrue du foyer du terrorisme vers le sud, l’est et l’ouest”, a notamment affirmé Saâd-Eddine El Othmani.
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