Trip'Tic

Profession : fusible

Une action politique, une polémique et une tête qui tombe… Difficile de ne pas lier le remplacement d’Ahmed Ghazali, à la présidence de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), au tohu-bohu déclenché par la révision des cahiers de charges des chaînes du pôle public. Il fallait bien que quelqu’un paie pour la crise politique née de cette affaire. Mais qui fallait-il alors virer ? Le ministre de la Communication qui a élaboré ces cahiers de charges et qui a été désavoué avec la création d’une commission parallèle ? Cela aurait donné lieu à une crise encore plus grave à gérer : le PJD n’aurait pas apprécié voir l’un des siens faire les frais d’une action gouvernementale. Les différents dirigeants de la télé qui ont dénoncé la rigidité de leur ministre de tutelle ? Cela aurait donné beaucoup de crédit à la démarche du PJD. Et de toute façon, ce sont des seconds rôles qui sauteront comme des fusibles en temps voulu. Il ne restait alors qu’un seul gros gibier à chasser : le patron de l’autorité de régulation, la HACA. C’est lui qui est censé servir de rempart pour prévenir ce genre de crise. Il devait bloquer ces textes, faire traîner leur examen, trouver le prétexte d’envoyer balader le ministre, demander l’arbitrage officieux du Palais… Ça se passe comme ça et pas autrement. Ghazali, en agissant comme un simple technicien, en se formalisant uniquement à ses attributions légales, a scié les pieds de son confortable fauteuil à 140 000 dirhams le mois. Il devenait le bouc émissaire idéal et il a été sacrifié sur l’autel du renouveau audiovisuel. Et en tant que fidèle serviteur du Makhzen, le malheureux va accepter son sort sans moufter, sans essayer de s’expliquer ou de se dédouaner. Ainsi veulent les mœurs makhzéniennes. Ainsi, un respectable haut commis de l’Etat se doit de réagir, pour entretenir l’espoir de revenir dans les bonnes grâces du pouvoir. Un jour, inchallah…

La liste Benkirane

Fidèle à lui-même, le Chef du gouvernement n’a pas pu s’empêcher -pendant son premier grand oral devant les élus- de raconter un nouvel épisode de ses entretiens téléphoniques avec le roi. “J’ai appelé Sa Majesté pour lui faire part de mes réserves au sujet d’un wali qui traîne une mauvaise réputation et qui était dans la liste proposée par le ministre de l’Intérieur…”, confiait-il au sujet de la dernière vague de nominations de walis. Ce récit mérite d’être décortiqué. Benkirane dit en substance que son ministre de l’Intérieur lui a soumis une liste de gouverneurs et walis. Mais pour zapper un candidat, il a fallu obtenir l’aval du roi. Pourtant, selon la Constitution, les choses devaient se passer autrement. Cette liste de walis ne devrait arriver au cabinet royal qu’après avoir été validée par Benkirane. C’est donc à son niveau que le nom du candidat indésirable aurait dû sauter. Il aurait pu traiter cela directement avec son ministre, sans déranger le roi. Cette confession de Benkirane est donc un aveu que les nominations qui passent par un Conseil des ministres sont généralement soufflées par le Palais. Cela, on le devinait déjà, mais nous manquait cette confirmation du principal concerné. La bonne nouvelle néanmoins, c’est que Mohammed VI a tenu compte de la remarque de Abdelilah Benkirane. On peut donc au moins reconnaître à ce dernier le courage et l’audace de donner un avis sur ce qui a été décidé en haut lieu. Et peut-être qu’il ne faudrait pas attendre de lui plus que cela.

Budget 2013

Enfin la Loi de Finances. Après son adoption en deuxième lecture par la Chambre des représentants, elle boucle la boucle du circuit législatif. Elle ne devrait donc plus tarder à être publiée au Bulletin Officiel pour entrer en vigueur. Elle aura alors une durée de vie de six mois. C’est trop court, mais peu importe. 2012 ne risque pas d’être la plus belle année du royaume : la campagne agricole est pourrie, les investissements publics tournent au ralenti, les retombées du Printemps arabe et de la crise mondiale se font sentir… Bref, c’est une année à oublier. Il faut déjà se projeter en 2013. Et tenter d’élaborer un budget dans les temps impartis (c’est-à-dire avant la fin de l’année) et qui tienne compte des engagements du gouvernement. Sur ce registre, au moins deux chantiers colossaux doivent être lancés rapidement. Primo, la révision de la loi organique des Finances de manière à ce qu’elle tienne compte d’un découpage régional, mais surtout d’une véritable évaluation des retombées des investissements publics. Secundo, la réforme de la Caisse de compensation, poste budgétivore, qui n’a plus lieu d’être. Pour obtenir un consensus autour de ces deux points, il faut des semaines et des semaines de négociation… Alors autant démarrer immédiatement. 

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