Cinéma. Mégarama, méga… succès

Alors que beaucoup de salles obscures baissent le rideau sous l’effet de la chute de la fréquentation, la chaîne de multiplexes, qui souffle sa dixième bougie, tire son épingle du jeu et s’érige comme un modèle à suivre. Success story.

C’était il y a 10 ans. Le 17 mai 2002, les Casablancais découvrent le multiplexe. Un vrai complexe cinématographique aux dimensions titanesques vient d’ouvrir sur la corniche : 14 salles, 3600 places, le tout bâti sur un terrain de 18 000 m² pour un investissement de 150 millions de dirhams. De la science-fiction… Surtout qu’à l’époque déjà, la fréquentation des salles obscures au Maroc avait bien commencé sa descente aux enfers. D’ailleurs, le Dawliz Corniche (4 salles, 850 places), haut lieu de sorties ciné des habitants de la mégapole dans les années 1980-90, était déjà en crise faute de public. Sa fermeture —ou plutôt sa transformation en hôtel en 2006— semblait inévitable. Dans ces conditions de marché, l’ouverture du Mégarama, enseigne implantée en France, paraissait comme une aventure insensée. “On ne donnait pas cher de notre peau au démarrage. Nombreux sont ceux qui pensaient qu’une fois passé l’effet découverte, les spectateurs déchanteraient et ne viendraient plus, nous confie David Frauciel, directeur du Mégarama. Mais bien sûr, nous avions confiance dans notre modèle. Et l’avenir nous a donné raison : en 10 ans, la fréquentation n’a cessé de progresser”. Eh oui, dans un secteur d’exploitation en faillite, l’enseigne française a su trouver la bonne formule pour continuer à faire recette.

La recette de la gloire

Dès les premiers mois d’activité, les gestionnaires du Mégarama ont compris qu’il fallait s’adapter aux réalités du marché marocain. A l’époque, les blockbusters américains ou les grands succès français arrivaient dans les salles du royaume deux à trois mois (au mieux) après leur sortie mondiale. “C’était trop décalé. ça laissait largement le temps à la copie piratée d’inonder le marché”, nous explique Frauciel. Au lieu de se lamenter sur leur sort et de tout mettre sur le dos du piratage, les managers de l’enseigne choisissent de passer à l’action en prenant une longueur d’avance sur le circuit informel. “Il fallait pouvoir effectuer au Maroc des sorties mondiales, souligne le patron du Mégarama. Sauf que les distributeurs locaux n’avaient pas les capacités pour suivre”. L’enseigne décide alors de se lancer dans un business qui n’est pas son corps de métier : alors qu’elle est uniquement exploitant de salles en France, au royaume elle se paie le luxe de devenir distributeur de films, afin de faire venir les dernières nouveautés du 7ème art.

Après dix ans d’activité, les sorties mondiales sont devenues monnaie courante chez nous et Mégarama est considérée comme le plus gros distributeur de la place. “Désormais, on a une cinquantaine de sorties mondiales par an et nous sommes distributeurs de 90% des films qui passent sur nos écrans”, nous assure le directeur de la chaîne au Maroc. Le complexe ne rate pratiquement aucune nouveauté, ce qui permet de ressusciter l’envie de se faire une toile chez le public. “Il y a la clientèle qui vient voir un film bien défini. Mais il y a aussi les autres, ceux qui viennent en famille ou en couple et décident sur place du film qu’ils vont voir”, explique notre source.

Le multiplexe a également suivi tout au long de cette décennie les nouveautés technologiques. En 2009, pour la sortie d’Avatar et l’arrivée de la 3D sur grand écran, le Mégarama était prêt pour offrir cette technologie à son public. “Il ne fallait pas rater ce virage technologique, quitte à différer la rentabilité du projet”, souligne Frauciel. A en croire ses dirigeants, un multiplexe de cette envergure devient rentable au bout de 7 à 8 ans d’activité. Alors tant pis pour les dividendes, l’enseigne mise gros sur la numérisation de ses salles. “Il faut compter un million de dirhams par écran. Mais cette modernisation a aussi ses avantages à terme. Par exemple, le temps des bobines à 25 000 dirhams la copie est révolu”, explique le patron de la chaîne.

Machine à fric

Le Mégarama sera ainsi encore plus rentable à terme. Surtout que la chaîne brasse pas mal d’argent. En 2011, entre les 14 écrans de Casablanca et les 9 salles du complexe de Marrakech (ouvert en 2006), le groupe a réalisé 38 millions de dirhams de recettes guichet. C’est plus que les deux tiers du chiffre d’affaires de toutes les salles du pays. A ce montant astronomique, il faut ajouter toutes les dépenses annexes qu’effectue le public au cours de leurs sorties cinéma. Sur ce registre, le management minimise le panier moyen. “Disons que chaque visiteur dépense en moyenne 10 dirhams”, indique notre source. Cela fait donc au bas mot 9,5 millions de dirhams supplémentaires. Et au Mégarama, tout est sujet à profit. Même le gigantesque parking est loué à l’année à un concessionnaire automobile qui en fait son centre de stockage. Il y a aussi la location de salles pour spectacles et autres événements culturels : au fil des années, le Mégarama est même devenu une sorte d’Olympia casablancais. Concerts, one man show, comédies musicales, pièces de théâtre… les plus prestigieux spectacles d’ici ou d’ailleurs se jouent –souvent à guichets fermés— dans la célèbre salle 8 du multiplexe.

Forte de son succès, Mégarama ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. En octobre dernier, la commission d’investissement d’Agadir a donné son feu vert pour la construction d’un complexe cinématographique proposé par l’enseigne. Un projet de 150 millions de dirhams pour 12 salles de cinéma (3700 places) en plus d’une piste de bowling. “Nous sommes également sur un projet à Rabat et un autre à Tanger que nous espérons ouvrir dès 2013”, nous explique Frauciel. A Fès, l’enseigne s’est offert une salle du centre-ville, qu’elle compte transformer en multiplexe de 3 ou 4 écrans. Ainsi, d’ici quelques années, la chaîne Mégarama sera présente dans quasiment toutes les grandes villes du royaume. Comme quoi, c’est possible… 

 

Multiplexe. Le modèle gagnant

“Pourquoi chercher à réinventer la roue ? Partout en Europe, l’ère des grandes salles à 1000 places est révolue. Elles ont toutes été transformées en multiplexes de 4 à 5 écrans”. Dixit Noureddine Saïl, le directeur du Centre cinématographique marocain (CCM), qui ne se lasse de répéter ce discours. Pour lui, le salut du secteur de l’exploitation passe par la création de multiplexes. Maintenant que la production nationale est sur les rails —avec 20 films prêts à sortir en 2012 et dont certains sont même au top du box-office—, la réconciliation du public avec les salles obscures est le dossier du moment. “Nous sommes actuellement en discussion avec le ministère de tutelle pour une batterie de mesures incitatives à la transformation d’anciennes salles en multiplexes ou encore à la création de nouveaux complexes cinématographiques nouveaux”, nous confie le patron du CCM. L’objectif est de pouvoir garantir la création de 30 à 40 écrans par an sur une période de 6 ans.

 

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