Trip'Tic

“Aseksi i l’barlmane”

Littéralement, cela signifie question au parlement. Si on vous fait la traduction instantanée, c’est pour ne pas vous larguer dès la première phrase comme l’ont été nos députés durant la dernière séance parlementaire. Il fallait voir leurs têtes quand l’élue Fatima Tabaâmrant a posé une question orale en tachelhit. Le débat a d’ailleurs vite viré aux mesures à prendre pour assurer un mécanisme de traduction au parlement, en attendant la loi organique qui consacrera, effectivement, l’amazigh comme langue officielle. Elaborer un tel texte ne sera pas du gâteau : le Maroc est peut-être le seul pays au monde à avoir deux langues officielles (fos7a et amazigh) alors que la majorité de ses habitants parlent une troisième, la darija en l’occurrence. Mais bon, on ne va pas pinailler au sujet d’une constitution votée à 98,45%. Essayons juste de sauver la face. De faire en sorte que nos parlementaires ne se retrouvent plus dans une situation aussi embarrassante. Voici donc les mesures à prendre -comme d’hab- d’extrême urgence :

• Editer et distribuer une collection de trois dictionnaires : tachelhit-arabe, tamazight-arabe, tarifit-arabe. Aux élus de se débrouiller pour dégainer le bon dico au bon moment quand ça parlera chleuh

• Equiper tous les bureaux des groupes parlementaires d’ordinateurs déchiffrant cette langue, avec bien évidemment le clavier qui va avec en tifinagh. Ça ne sera ni un azerty, ni un qwerty, mais plutôt un ifoulky…

• Permettre aux plus studieux de nos députés de suivre, à la charge du parlement, des cours particuliers en amazigh. L’hémicycle pourrait faire des économies d’ikariden si on arrive à convaincre la Raïssa Tabaâmrant de faire gratos la prof pour ses collègues. Qui mieux que la diva du Souss pourrait nous apprendre l’amazigh en chantant ?

Les Guignols de Sa Majesté

Voilà un concept d’émission que les producteurs devraient proposer lors du futur appel d’offres pour l’acquisition des programmes des télévisions publiques, comme prévu par les nouveaux cahiers des charges. L’idée est de marocaniser les Guignols de l’info, le programme phare de Canal +. On aura la marionnette de Mustapha Alaoui dans le rôle de PPDA. Chaque soir, il s’invitera chez nous pour tourner en dérision tous ces puissants qui font marcher le pays. On se foutra bien du sebbat d’un tel, de la nouvelle gouidima de l’autre… On s’inspirerait de l’actualité ou des frasques des personnages publics pour réaliser des sketchs, des parodies de pubs ou de fausses interviews. Le tout en darija, notre langue, qui se prête à merveille au foutage de gueule, ce cheddane de chez nous, si cruel mais si drôle… Une telle émission ferait du bien à tout le monde : la politique marocaine deviendrait sans doute moins ennuyeuse et susciterait peut-être même un nouvel intérêt, nos dirigeants se prendraient moins au sérieux. A la longue, ils finiront par jouer le jeu et accepter que le fait d’être aux affaires implique d’en prendre pour son grade. Car la ligne éditoriale de l’émission sera objectivement satirique, le summum de la mauvaise foi. Et on ne ménagera personne. Ou si, une seule : Mohammed VI, puisque cela pourrait donner lieu à un procès pour lèse-majesté. Mais alors, est-ce qu’on peut au moins montrer une main qui sort de la porte du palais pour distribuer les bons points ou les bonnes claques ? C’est jouable, car même de l’autre côté des murailles du méchouar, on doit avoir un minimum de sens de l’humour. Peut-être même plus que l’on ne pourrait l’imaginer.

Show syndical

Il faut de la patience, beaucoup de patience pour supporter un défilé du 1er mai. Celui de l’Union marocaine du travail (UMT) était interminable. On en a vu de toutes les couleurs : des hommes bleus comme des avatars de fonctionnaires, des hommes verts comme des martiens de la zone industrielle, des hommes blancs comme des anges de la mort qui traînent dans nos hôpitaux. On a eu aussi droit à toutes les ambiances : en tête de cortège, une fanfare jouait sawt al hassan ynadi (tube indémodable devant l’éternel) pour donner la cadence à cette jeunesse UMT qui, habillée en jogging, se croyait dans un défilé militaire. Suivait de près l’incontournable Honda chargée d’une sono grinçante lâchant des slogans démodés. Et à la traîne, loin derrière, éloignés des photographes et des caméras, les travailleurs les plus vindicatifs qui se défoulaient sur leurs patrons en vociférant des chi3arate qu’ils étaient seuls à comprendre. Ils étaient visiblement les plus en colère. Mais pas plus que les automobilistes coincés dans la circulation en attendant la fin de ce show syndical. 

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