Bourse. Les milliards des dividendes

Près des deux-tiers des 30 milliards dégagés par les sociétés cotées serviront à la rémunération des actionnaires. Tops et flops des stars de la cote qui distribuent ou encaissent ce pactole.

Les boursicoteurs se frottent les mains. Après l’annonce des résultats 2011, l’heure est à la répartition des bénéfices. De mai à septembre, les sociétés cotées à la Bourse de Casablanca verseront près de 19 milliards de dirhams de dividendes. Aussi stratosphérique qu’elle puisse paraître, cette cagnotte est inférieure à son niveau de l’année dernière, où elle culminait à 21 milliards. Ainsi, les entreprises du Masi se montrent moins généreuses, surtout que cette baisse des dividendes (-6%) est nettement plus accentuée que celle des bénéfices (-0,1%). “Les résultats de ces dernières années intégraient souvent des évènements exceptionnels comme le produit des cessions, les reprises de provisions, etc. Aujourd’hui, sous l’effet du ralentissement de la croissance, les sociétés ont tendance à réviser leur politique de distribution des dividendes”, constate Widad Ouardi, responsable du département Analyse chez Intégra Bourse. Même si le niveau du rendement (dividende rapporté au cours) semble avoir augmenté dans certains cas, ce n’est qu’une résultante mécanique de la baisse des cours sur le marché boursier.

Les grands encaissent gros

A quelques exceptions près, les filiales de grands groupes et de multinationales tiennent à respecter un niveau de rémunération assez alléchant. Les deux ex-holding SNI et ONA, fusionnés depuis 2010 sous le nom de SNI, n’hésitaient pas à remonter quasiment la totalité des bénéfices de leurs participations en vue de les réinvestir dans de nouveaux secteurs dits de croissance (Wana, Nareva). Pièce maîtresse du holding royal, Lafarge Maroc a pris l’habitude d’offrir à ses actionnaires un dividende exceptionnel. Pour l’exercice 2011, elle leur propose un dividende de 66 dirhams contre seulement 16 en 2010. Plus intéressant encore, celui de Cosumar passe de 86 à 100 dirhams, le plus attrayant du secteur agroalimentaire avec un rendement de 6%. Sa consœur du même groupe, Centrale Laitière, garde tout son attrait malgré un léger repli de sa rémunération. Son titre affiche un rendement de 3,9%. Lesieur fait néanmoins l’exception : elle n’a pas l’intention de distribuer son maigre résultat 2011 de 39 millions de dirhams, qui s’est effondré de 80% entre 2010 et 2011.

L’effet d’appartenance à un groupe est encore plus éloquent dans le cas de Maroc Telecom. Ses deux actionnaires de référence, Vivendi et l’Etat marocain, profitent à plein des bénéfices pharaoniques de l’opérateur historique, un peu plus de 8 milliards de dirhams en 2011. Le dividende étant fixé à 9,3 dirhams par action, le taux de distribution dépasse, comme d’habitude, les 100% des résultats. Vivendi aura ainsi droit à 4,3 milliards de dirhams (montant à convertir en euro), 2,4 milliards pour l’Etat, le reste étant destiné aux petits porteurs. In fine, pas un centime n’est laissé dans le coffre-fort de Maroc Telecom, qui envisage pourtant de recourir au marché pour financer ses futurs projets de développement.

La finance, ça paie moyen

Chez les banques, la tendance est à la stagnation. “Cela s’explique, en partie, par le durcissement des règles prudentielles. Les banques cherchent continuellement à renforcer leurs fonds propres. Certaines d’entre elles optent parfois pour le dividende payable en actions”, note Widad Ouardi. Deux acteurs du secteurs, en l’occurrence BMCE et BMCI, ont décidé de maintenir le même niveau de distribution observé l’année dernière, vu que leurs résultats ont peu évolué entre 2010 et 2011, soit respectivement 3 et 25 dirhams de dividende. Attijariwafa bank ne fait pas mieux en rajoutant 50 centimes aux 8 dirhams offerts en 2011. Son rendement reste parfaitement aligné sur la moyenne du secteur (2,4%). Le plus haut niveau de générosité “bancaire” se trouve chez la filiale du Crédit Agricole (France), le Crédit du Maroc, qui affiche un rendement de 4,4%, et ce en dépit du recul de ses bénéfices de l’ordre de 14%. Le CIH, lui, a relevé son dividende de 6 à 11 dirhams suite à l’amélioration sensible de son résultat net consolidé qui a bondi de 58%.

D’un point de vue sectoriel, ce sont les sociétés de crédit qui offrent le meilleur rendement (une moyenne de 5,9%). Avec toutefois une grande disparité selon qu’elles soient ou non adossées aux grandes banques de la place. C’est le cas de la filiale de la Société générale, Eqdom (6,3%), ou encore celui de Salafin (7,4%) et Maghrebail (6,7%) qui relèvent toutes deux du périmètre de contrôle de BMCE Bank. Par contre, les actionnaires de Sofac et Diac Salaf n’ont qu’à puiser dans leur capital-patience en espérant des lendemains meilleurs. La première vient à peine de renouer avec les bénéfices (quelque 11 millions de dirhams), le résultat net de la deuxième accuse une perte de 16 millions de dirhams. Par conséquent, aucune rémunération des actionnaires n’est prévue pour cette année.

Petites mais pas chiches

Finalement, pour trouver des niveaux de rendement de dividendes plus alléchants, il faut se tourner vers les petites capitalisations de la place. Microdata, S2M, Disway, Ennakl, Cartier Saada… font partie des entreprises les plus généreuses de la place. En effet, elles affichent toutes un niveau de rendement supérieur à la moyenne du marché (3,7%). Les analystes diront que la taille est déterminante dans la fixation du dividende. Le faible niveau de liquidité des small caps pousse les dirigeants à saisir la saison des dividendes pour fidéliser au mieux les actionnaires, quitte à leur offrir plus que ce que l’entreprise aurait gagné. C’est le cas de la nouvelle recrue Afric Industries (sa première cotation remonte au 5 janvier 2012). Le taux de distribution chez cet opérateur BTP atteint 137%, un pactole de 8,4 millions de dirhams, ce qui correspond à un rendement de 10,5%, soit le taux le plus élevé du marché en 2011. “C’était prévu dans notre business plan. Nous voulons fidéliser nos actionnaires, surtout que notre situation financière est confortable et rassurante”, explique Mohamed Koutit, son directeur général. Mais d’où vient le surplus de 30% offert aux actionnaires ? “Bien avant l’introduction en Bourse, nous avions constitué assez de réserves. On distribuait à peine 10 à 20% de nos bénéfices”, nous répond le patron d’Afric Industries. Mais combien de temps encore l’entreprise pourra-t-elle puiser dans ses réserves pour faire preuve de générosité vis-à-vis de ses nouveaux actionnaires ? “Nous avons prévu de maintenir ce niveau de distribution. Mais tout dépendra de la conjoncture, qui influera forcément sur nos résultats futurs”, relativise M. Koutit. Comme quoi, il y a toujours une limite…

 

Marché. Tout est anticipé

Les actionnaires sont-ils sensibles aux dividendes? Pas vraiment, à en croire les analystes de la place. “Généralement, les investisseurs anticipent l’effet des résultats –et par ricochet des dividendes– bien avant leur publication, nous explique un professionnel du marché. C’est très rare que les annonces des sociétés cotées produisent un effet de correction sur les cours”. Rare, mais ça peut arriver malgré tout. Cette année, par exemple, le marché a sévèrement sanctionné le groupe Addoha.  En l’espace de deux semaines de cotation, depuis l’annonce de ses résultats, le cours du groupe immobilier a baissé de quelque 10%. Et pour cause, les boursicoteurs n’auraient pas trop apprécié que la société dont les bénéfices ont augmenté de 8%, décide de baisser le dividende de 50 centimes. Autre effet sur le prix de marché : l’ajustement mécanique qui s’opère une fois le dividende distribué. Dans le jargon des cols blancs, on appelle cela le détachement de coupon.

 

Infographie 1 : Des businessmen et des dividendes

Top 5 des hommes d’affaires qui encaissent le plus de dividendes

1- Anas Sefrioui

265 MDH. Addoha

2- Othman Benjelloun 

253 MDH. À travers, Finance.com et RMA Watanya 

3- Alami Lazrak  

98 MDH. Alliances développement

4- Aziz Akhannouch    

90 mDH. À travers, Akwa Holding

5- Moulay Hafid Elalamy   

62 mDH. À travers, Saham Holding

Source : www.casablanca-bourse.com / calculs : telquel

 

Evolution des dividendes* (en millards de dirhams) 

  • 2008. 19,80
  • 2009. 18,70
  • 2010. 21,07 
  • 2011. 19,04

(*) Chiffres hors ONA-SNI

Source : Intégra Bourse

 

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