Composée d’artistes en devenir, la troupe S’toon-Zoo popularise l’improvisation au Maroc avec des acteurs jouant aux funambules de la comédie. Sans aucun filet de sécurité.
Youssef El Mortaji, coach de la troupe S’toon-Zoo, monte sur la scène du B-Rock, le bar in de Casablanca, et siffle l’ouverture des hostilités. Ce soir, deux équipes de trois joueurs s’affrontent dans un match de catch d’improvisation. Youssef, 28 ans, est titulaire d’un master en médiation culturelle et, pour le coup, vit pleinement son rôle de vecteur entre saltimbanques et spectateurs. Le public met la main à la pâte comme le veut la règle de ce sport artistique créé et importé du Canada : les clients du bar sont autant spectateurs qu’acteurs de la prestation en étant invités à déposer le sujet de leur choix dans un seau à champagne. Younes El Mortaji tire alors au hasard l’un des thèmes et annonce la catégorie.
A chaque fois, c’est le grand saut dans le vide pour les comédiens qui ont à peine 20 secondes pour se concerter, avant d’improviser sur le sujet pioché au hasard. “C’est comme une jam session de la comédie”, compare Abdellah, l’un des musiciens qui accompagne la troupe, guitare à la main, en tentant de coller au plus près au jeu des comédiens et à la situation.
Le public tente de dribbler les acteurs, leur pose des colis piégés, même si l’ambiance reste bienveillante, loin du côté pète-sec du théâtre classique. C’est ainsi que, pendant près de deux heures, les membres de la troupe vont jongler avec tout et n’importe quoi. Au gré du tirage au sort, les acteurs se retrouvent un coup à interpréter la conquête de l’Andalousie, un autre le tberguig à la mode western, puis se lancent dans un happening sur le thème de “Mathilde” à la manière d’une émission culturelle, avant de délirer sur “l3ya9a de Atti9a” et la “mar9a” à la sauce conférence de presse.
Inspiration sur commande
Le spectacle va crescendo, les rires fusent, les comédiens apprécient l’accueil et, l’ambiance étant au rendez-vous, ils se laissent porter et inspirer par le public, allant de plus en plus loin dans le déconcertant. C’est le but du jeu, leur raison d’être sur scène, à en croire Fadwa Taleb. “On sait toujours comment on va entamer le sketch, mais jamais comment il va finir. Le cerveau travaille en permanence”, confie cette ancienne du conservatoire de Casablanca qui, reprenant un slogan du 20 février, définit sa troupe comme un collectif “mamfakinch avec l’impro”. Cette jeune femme de 28 ans —qui tire son plaisir de cette mise en danger permanente plus que des tournages de courts-métrages, trop cadrés à son goût— crée ses personnages en observant minutieusement les gens dans la rue, à l’affût des tics de chacun pour se forger un tapis de sécurité avant de monter sur scène.
4×4 de la comédie
Fadwa Taleb constitue d’ailleurs un des piliers de S’toon-Zoo, se chargeant de compenser les failles des acteurs débutants de la troupe : “Ket calé les autres”, explique-t-elle. Au même titre que Othman Moustansir. Son diplôme de tourisme en poche, formalité remplie pour faire plaisir aux parents, Othman a rejoint la première troupe d’improvisation théâtrale marocaine, créée en 2002. Il intègre ensuite la troupe 9ra9b, matrice de S’toon-Zoo, fondée en 2005. “Je comparerais l’improvisation à une formation tout-terrain”, affirme-t-il. Sous-entendu, après être passé par là, on devient un 4×4 de la comédie. C’est ainsi qu’il a pu tourner dans un court-métrage du réalisateur Yassine Fennane, qui l’a repéré lors d’un spectacle de la troupe au B-Rock. Comme quoi, l’impro est la meilleure école d’acting du monde.
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