Politique. Mais où va le parti de notre ami du roi ?

Sans El Himma, mais avec Bakkoury à sa tête, le PAM fait sa mue. Objectif : préparer les communales et, surtout, mettre de l’ordre dans ses rangs. Bon courage…

Le PAM renaît de ses cendres. Du moins il essaie. Deux jours avant la date anniversaire du Mouvement du 20 février, qui demandait à son fondateur, Fouad Ali El Himma, de “dégager”, le parti tenait son 2ème congrès national. Et portait à sa tête Mustapha Bakkoury, faute d’un (vrai) candidat. Il remplace ainsi le Sahraoui Mohamed Cheikh Biadillah et bénéficie déjà de tous les égards du Palais. Félicité par Mohammed VI, le nouveau patron du PAM est royalement reçu aussitôt intronisé, le 6 mars. “A sa demande”, précise le Palais, comme pour écarter toute éventuelle interprétation d’un parti favorisé.

Cela dit, les choses sérieuses commencent pour Mustapha Bakkoury, ce gestionnaire à qui le PAM avait coûté sa place à la CDG (Caisse de dépôt et de gestion) en juin 2009. A cette époque, Bakkoury avait assisté au lancement de la campagne du parti pour les communales. Après les protestations de plusieurs partis politiques, l’homme a été “démissionné” de la CDG avant d’être réhabilité pour prendre la tête, en décembre de la même année, de l’Agence nationale de l’énergie solaire (MASEN).

Que propose, aujourd’hui, le nouveau numéro 1 du PAM ? Pour commencer, il a fait élire, tout récemment, dix femmes au bureau politique, ainsi que des jeunes militants dynamiques sur le terrain (lire encadré). Un geste anecdotique ou une mesure qui présage d’un réel changement d’orientation de la politique chez la famille du tracteur ?

Ni gauche, ni droite, juste PAM !   

L’une des premières déclarations de Bakkoury a consisté à dire que le PAM n’est ni de droite, ni de gauche. Etonnant. Un membre de la direction sortante explique le “non-positionnement” de Bakkoury par son souci de rassurer les notables du parti. “Initialement, c’est Hakim Benchemmach qui devait être S.G et Salah El Ouadie président du conseil national, mais ce scénario a été abandonné pour le bien du parti”, affirme notre interlocuteur. En plus simple, l’arrivée des anciens gauchistes à la direction aurait poussé les notables à aller chercher ailleurs, alors que le PAM a besoin d’eux pour les échéances électorales de cette année. Donc, dans les grandes lignes, le parti fondé par El Himma continuera d’être cet amalgame surprenant entre notables et anciens gauchistes et militants des droits de l’homme. Sa vocation devrait subir une légère modification : avant, il se voulait un rempart contre les islamistes du PJD. Aujourd’hui que ces derniers sont aux affaires, le PAM aura pour principale mission de les contredire, en rejoignant l’opposition.

En atterrissant à la tête du PAM, Mustapha Bakkoury n’est pas seul sur le chantier. L’état des lieux sur le fonctionnement du parti n’a pas été difficile à établir. Car, plusieurs mois avant le deuxième congrès, et sous la houlette d’Ilyass El Omari, la direction du PAM a fait son autocritique. “De manière courageuse et sans concession”, insiste Samir Aboulkacem, membre du bureau national sortant. En gros, le PAM a pointé les grandes défaillances qui ont jalonné son parcours depuis sa création. “Nos structures n’ont pas pu s’adapter aux objectifs du parti, surtout au niveau régional où les rivalités entre personnes nous ont carrément paralysés”, ajoute un autre membre dirigeant. Mais d’autres considérations ont relégué ces problèmes organisationnels au second plan. Car, sitôt passé le cap du premier congrès en février 2009, le PAM s’est engagé dans la préparation des élections de juin de la même année, puis une série d’autres échéances. “C’était la bataille pour l’existence et nous avons pu nous affirmer par les urnes, c’est déjà cela”, explique une source au PAM.  Les dirigeants ont aussi fait leur autocritique, via un document interne dans lequel ils pointent la manière dont le parti a géré les alliances. D’abord en recrutant à gauche et à droite, puis en snobant les autres partis, pour finalement se retrouver “isolé” face au PJD. Au moment de mettre en place le G8, ce groupement de huit partis qui ne ressemble plus à rien, il était trop tard. “C’est une alliance qui ne nous a été d’aucune utilité parce qu’elle ne se basait sur aucun fondement ou réelle plateforme commune”, affirme un responsable au PAM. Même pour ses choix à l’opposition, le parti compte revoir sa stratégie. “Nous nous sommes trouvés dans une situation absurde où nous nous opposions à la fois au gouvernement et à l’opposition”. Le diagnostic établi, Mustapha Bakkoury n’aura qu’à rectifier le tir en compagnie de sa nouvelle équipe de direction, fraîchement élue. Sans parler de son groupe parlementaire, rajeuni à près de 80%.

La bataille des urnes aura lieu

Les élections communales n’auront finalement lieu qu’à la rentrée prochaine, en automne. Ce qui laissera assez de temps au PAM pour revoir son organisation et sa stratégie. Parce que, ne l’oublions pas, le souci électoral reste l’une de ses principales préoccupations.

Quand le parti a raflé la première place aux communales de 2009, les formations rivales ont crié au loup et mis cette écrasante victoire sur le compte de l’intervention des hommes restés fidèles, au sein de l’administration, à Fouad Ali El Himma. Lors des législatives de novembre 2011, le parti s’est contenté de la quatrième place, malgré ou à cause du retrait d’El Himma, appelé à servir comme conseiller au cabinet royal. “Notre principal objectif est de conforter notre position et, pourquoi pas, gagner les communales, mais nous visons aussi la majorité à la deuxième chambre du parlement”, affirme un dirigeant du parti. Cela ne devrait pas aller de soi. “Pour dire la vérité, nous n’avons pas été à la hauteur. Nous n’avons pas écouté la voix de la rue, ou alors pas assez. Aucun débat n’a été initié avec les diplômés chômeurs, les syndicats ou encore les agriculteurs victimes des inondations”, poursuit notre interlocuteur.

Et El Himma dans tout cela : continue-t-il d’entretenir des liens avec les dirigeants, nouveaux ou anciens, du PAM ? “Avec certaines personnes, oui, c’est évident, mais pas avec le parti !” tonne notre source, sûre d’elle-même. A voir… 

 

Conseil. Du sang neuf… vraiment ?

Si le conseil national du PAM compte désormais 400 membres, la direction est composée de 29 personnes, dont 20 viennent de se faire élire au suffrage direct. Sans grande surprise, l’aile gauche a fait main basse sur le bureau national. Cependant, la grande nouveauté est l’arrivée à la direction, et en force, des femmes : 10 au total dont Khadija Rouissi, Fatiha Layadi et Fatima Zohra Mansouri, la mairesse de Marrakech, sans oublier la célèbre Kawtar Benhamou, présidente d’une commune rurale près de Bouknadel. Chez les hommes, on retrouve Fouad El Omary, maire de Tanger et frère d’Ilyass, l’homme qui a été l’architecte du dernier congrès du PAM. Et si trois membres seulement ont été reconduits à la direction du parti, Mustapha Bakkoury a le droit de nommer six personnes. Une manière d’équilibrer le choix des urnes, en cooptant certains des fondateurs de la formation politique.

 

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