France. La tentation de l’extrême

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À moins de deux mois du premier tour de l’élection présidentielle, la droite française surfe sur les thèmes du Front national. Cette campagne fera-t-elle de l’immigré son bouc émissaire ? Réponses.

“Je veux parler au Français qui a le sentiment qu’il n’a pas le droit de garder son identité, que l’on veut lui imposer un mode de vie qui n’est pas le sien sans lui demander son avis”. Au parc des expositions de Villepinte, le président-candidat, Nicolas Sarkozy, a fait un discours décisif pour sa campagne. Dimanche 13 mars, c’est devant un public conquis de plus de 40 000 personnes, qu’il a défendu le bilan de son mandat… et parlé de l’étranger. Par des phrases subreptices, le président de la république a perpétué la stigmatisation de celui qui est né ailleurs, ont estimé ses opposants. En exposant sa volonté d’ajouter des conditions de revenu, de logement et d’imposer un examen préalable prouvant la maîtrise du français, au regroupement familial, Nicolas Sarkozy fait une tribune “raciste”, estime l’auteure Dominique Dupart, sur son blog Mediapart. La tribune du président “est aussi sale qu’elle paraît propre, aussi raciste qu’elle paraît humaniste et généreuse […] La grande cible du racisme de tribune inventé par le président-candidat possède trois visages: le fraudeur, le jeune et –osons le dire, parce que nous condamnons– l’Arabe”, estime-t-elle. Si le jugement est dur, c’est qu’il fait écho au débat où l’étranger et le Français d’origine immigrée (maghrébine surtout), ont été montrés du doigt par la droite. A moins de deux mois de l’élection présidentielle, le thème fort de la campagne 2012 serait-il l’immigration ?

La pêche à l’électorat d’extrême droite

“Le thème de l’immigration revient à chaque campagne depuis 2002 mais il est rarement au cœur des présidentielles”, nous répond Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Paris). “Aujourd’hui, il n’y a pas encore un thème fort de campagne qui se dégage”, estime-t-il. Marine Le Pen a tenté il y a peu de remettre l’immigration musulmane au cœur du débat politique, en affirmant que “la viande qui est distribuée en Ile-de-France, à l’insu du consommateur, est exclusivement de la viande halal”. Un succès.

Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy propose l’étiquetage des viandes en fonction de leur méthode d’abattage et affirme que le halal est le premier sujet de préoccupation des Français, puis le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, établit un parallèle douteux entre le vote des étrangers et l’imposition de la viande halal dans les cantines scolaires. Enfin, le Premier ministre, François Fillon, déclare que “les religions devraient réfléchir au maintien de traditions qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’état actuel de la science, de la technologie”. Les représentants des communautés juives et musulmanes sonnent alors le tocsin. “Nicolas Sarkozy se heurte à l’électorat de Marine Le Pen, dont il souhaite prendre une partie des voix, analyse Pascal Perrineau. Ce n’est qu’une phase de la campagne, ça ne va pas durer”.

Un problème d’identité

D’après un sondage CSA réalisé en novembre dernier, l’immigration n’arrive qu’en onzième position dans la liste des thèmes qui préoccupent dans l’Hexagone. Nicolas Sarkozy semble l’avoir bien compris. Lors de son meeting à Villepinte, les intervenants qui l’ont précédé ont tenu à souligner la prise de distance avec l’extrême droite. “Nicolas Sarkozy ne chasse pas sur les terres du Front national. Il chasse le Front national de ses terres”, a déclaré l’ancien ministre Jean-Marie Bockel.

Les médias seraient-ils responsables de l’importance donnée aux questions liées à l’immigration ? “Les médias sont plus prudents qu’en 2002, où il y avait une frénésie autour des questions de la sécurité”, nous répond Raphaëlle Bacqué, grand reporter au quotidien Le Monde. Et de poursuivre : “Il ne faut pas cacher la réalité : l’immigration est un thème qui passionne les Français”. Cet intérêt s’explique, selon la journaliste, non pas par des raisons xénophobes mais parce que “la population s’est transformée pendant ces 30 dernières années, sans que cette transformation ait été explicitée. Les politiques n’ont, à ce jour, pas abordé de manière apaisée et juste les transformations de notre société et de l’identité”.

 

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