Syrie. La rose fanée de Damas

Elle incarnait la face moderne et glamour du régime syrien. Aujourd’hui, Asma Al Assad soutient son président de mari, à la tête d’une sanglante répression qui n’en finit pas.

Depuis le début de la révolution syrienne, Asma Al Assad était restée discrète. Comment la “rose du désert”, comme la surnommait le magazine américain Vogue, pouvait-elle justifier la barbarie des bombes et des civils tués par milliers ? Elle qui est née, qui a grandi, étudié et travaillé à Londres, capitale de la démocratie libérale britannique ? Durant des mois, des rumeurs l’ont dite réfugiée dans sa ville natale. Il n’en était rien : l’épouse de Bachar Al Assad est en Syrie, et elle soutient son mari.

Début février, alors que l’armée syrienne pilonnait Homs, la ville d’origine de son père, Asma a fini par sortir de son silence, via un email envoyé par son bureau au quotidien britannique The Times. “Le président est le président de la Syrie, non d’une faction de Syriens, et la Première dame l’appuie dans ce rôle”, y déclare-t-elle. Quelques semaines plus tôt, elle était apparue en public, à l’occasion d’une manifestation pro-régime. Puis, lors du référendum constitutionnel du 26 février, qui introduit un régime un poil moins absolutiste, on a pu la voir voter en compagnie de son époux. Celle qui, par son apparence moderne et glamour, par son parcours de femme indépendante et émancipée, a permis à Bachar Al Assad de lisser son image en Occident, a-t-elle vraiment eu le choix ?

Une enfance britannique

Asma Al Assad est née en 1975 à Londres, où vivaient ses parents syriens, un cardiologue et une diplomate. Surnommée “Emma”, Asma poursuit des études d’informatique au King’s College. Elle travaille ensuite pour la Deutsche Bank, avant d’intégrer le département fusions et acquisitions de la banque d’affaires JP Morgan. C’est dans la capitale britannique qu’elle aurait commencé à fréquenter Bachar Al Assad qui, au début des années 1990, y commença des études d’ophtalmologie, avant que la mort accidentelle de son frère Bassel, successeur pressenti de Hafez Al Assad, ne l’oblige à rentrer au pays.

Quand la belle Asma épouse Bachar, en décembre 2000, le président n’est en poste que depuis quelques mois. Il a eu du mal à la faire accepter à son clan : elle est sunnite, ils sont alaouites (branche du chiisme). Ensemble, le couple suscite l’espoir d’une Syrie nouvelle, moins fermée, plus démocratique, après les 30 années de plomb imposées par Hafez, le père de Bachar. Asma découvre la Syrie, qu’elle ne visitait jusque-là que pendant ses vacances. Comme toute Première dame qui se respecte, elle se consacre à des activités caritatives, soutenant des ONG de défense des droits de la femme, ou les enfants des camps de réfugiés.

Une icône de magazines

Parallèlement, elle devient la coqueluche de magazines people occidentaux, décidément fascinés par cette classe de femmes de dirigeants arabes au look de mannequin et aux vêtements de marque, comme Rania, la femme du roi Abdallah de Jordanie. En mars 2011, au tout début de l’insurrection contre son mari, Asma Al Assad fait l’objet d’un portrait dans Vogue. Emballé par “la plus fraîche et la plus magnétique des Premières dames”, le magazine américain explique que sa “mission centrale” est de “changer la mentalité des 6 millions de Syriens qui ont moins de 18 ans”, et de les encourager à ce qu’elle appelle une “citoyenneté active”. Le journal rapporte aussi que Bachar avait choisi d’étudier l’ophtalmologie parce que c’est une discipline “très précise” où “il y a très peu de sang”.

Aujourd’hui, ce genre d’articles complaisants a disparu des colonnes occidentales. Ce n’est plus le joli minois d’Asma dont on publie la photo, mais plutôt celles des victimes de son mari. Le décès, dans Homs bombardée, de plusieurs reporters occidentaux, et la blessure d’Edith Bouvier, journaliste indépendante qui, en décembre dernier, publiait dans TelQuel un reportage sur les camps de réfugiés syriens en Turquie, n’ont fait que braquer un peu plus les projecteurs sur la criminelle détermination du régime à se maintenir au pouvoir. En cautionnant cette répression, Asma Al Assad, la “Lady Diana” de la Syrie, est en train de devenir sa Marie-Antoinette. 

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