TRIP'TIC

Diplomatie parallèle

Saad-Eddine El Othmani est notre ministre des Affaires étrangères. Mais ce n’est pas pour autant qu’il est le chef de la diplomatie. Si, jusque-là, il pouvait encore avoir des doutes sur son statut, Hillary Clinton est venue le remettre à sa place. Ils sont comme ça les Yankees : quand ils débarquent avec leurs gros sabots, ils vont droit au but. Pour eux, le protocole c’est mignon, mais ça passe au second plan. C’est ainsi que la Secrétaire d’Etat US a ignoré le ministre marocain, venu l’accueillir sur le tarmac, pour aller d’abord à la rencontre de Taïeb Fassi Fihri. C’est avec le conseiller royal qu’on discute de choses sérieuses. Après, si on a le temps, on sacrifie à l’audience avec le ministre politique qui ne sert à rien si ce n’est à perturber l’agenda (déjà trop chargé pour une visite de moins de 24h) avec sa conférence de presse interminable. El Othmani a dû se sentir mal ce jour-là, même s’il affichait son plus beau sourire (nerveux) devant les photographes. Il a dû enfin se rendre à l’évidence : il n’est qu’une doublure dans la diplomatie chérifienne.

Politique-fiction
Vendredi au théâtre du Châtelet à Paris, on célébrait la 37ème nuit des Césars. Dimanche, au Highland Center sur Hollywood Boulevard, se déroulait la 84ème cérémonie des Oscars. Entre-temps, au palais du Méchouar à Rabat, on récompensait nos meilleurs acteurs politiques qui ont fait leur cinéma tout au long de l’année. En exclusivité mondiale, voici le palmarès 2012 :
Meilleur montage : Abdelilah Benkirane pour Le gouvernement de Sa Majesté. Rythmé, séquencé, plein de rebondissements, on n’a pas le temps de s’ennuyer durant les 35 jours que dure le film. On retient aussi la distribution exceptionnelle de cette production : islamistes, gauchistes, nationalistes, technocrates…
Meilleurs effets visuels : Abdeslam Yassine dans Le cheikh invisible. Il réalise l’exploit d’être beaucoup vu sans que personne ne puisse l’approcher. Et c’est sa deuxième consécration après 2006 où il traversait les murs dans son navet Al Qawma.
Meilleur court-métrage : G8, l’alliance foireuse de Salaheddine Mezouar. Il a crevé l’écran à la veille des élections avant de s’éclipser dès le lendemain du scrutin.
Meilleure actrice de second rôle : Nabila Mounib pour PS : U left me alone. Un film très touchant qui nous rappelle la comédie dramatique française L’homme est une femme comme les autres.
Meilleur acteur : Fouad Ali El Himma pour Je suis au cabinet, le remake extrêmement réussi d’un classique cultissime des années 1960. Rappelez-vous Guédira, le conseiller venu du FDIC…
Meilleur film : Le référendum, une superproduction signée Makhzen 21st Century. Plébiscité par la critique, il a récolté 98,5% des voix. Même The Artist n’a pu faire mieux.

My Trésor is rich
La Loi de Finances arrive enfin en Conseil de gouvernement. Il était vraiment temps car on n’en pouvait plus des jérémiades de ces businessmen en affaires avec le secteur public. “Pas un sou ne sort des caisses de l’Etat”, “On est en train de bouffer notre trésorerie”, se plaignent-ils. Pourtant, ça nous réussit plutôt bien de fonctionner sans budget, de naviguer sans visibilité, un peu comme un bateau ivre sans capitaine. Les chiffres des finances publiques sont là pour en témoigner. Le Trésor, qui gère l’argent du contribuable, a soldé le mois de janvier avec 3 milliards de dirhams d’excédent dans ses coffres. Il vient même d’en prêter une bonne partie aux établissements financiers, ceux-là mêmes qu’il sollicite systématiquement toutes les semaines pour trouver de quoi joindre les deux bouts. Ce genre de situation se produisait exceptionnellement quand le Maroc encaissait de gros chèques suite à des privatisations. Et là, on s’y retrouve exceptionnellement (encore une fois) parce que l’Etat a arrêté les frais : les dépenses d’investissements ont été suspendues et celles de fonctionnement réduites au minimum. Plus un caissier public ne remue le petit doigt tant que cette fameuse Loi de Finances n’est pas adoptée. Alors si seulement ça pouvait continuer, car ce projet de budget n’aura, lui, rien d’exceptionnel. Il ne fera que nous rappeler que Maroc SA dépense plus que ce qu’elle rapporte. Que c’est une affaire qui coule et que l’on n’est pas trop loin de toucher le fond.

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