Soutien royal, salaire mirobolant, déclarations incendiaires, fuite de relevés bancaires… depuis son retour, la queue entre les jambes de sa campagne d’Afrique, le sélectionneur de l’équipe nationale est au cœur d’un scandale politico-footballistique qui déchaîne les passions. Retour sur l’Eric gate…
Le 25 février, au Centre international de conférence de Skhirat, Eric Gerets rentre crispé pour sa rencontre avec la presse nationale. A raison. Près de 3 semaines après l’élimination du Maroc de la CAN, un gros match l’attend. Le sélectionneur des Lions de l’Atlas a 90 minutes, temps de son exposé et des questions des journalistes, pour défendre son bilan après 15 mois d’activité. L’ordre du jour est copieux sur le plan sportif : on accuse Gerets d’être parti en campagne africaine mal armé, avec des combattants en mauvaises conditions physiques, et sans connaître le terrain des opérations. En plus de cette polémique propre au monde du foot, où chacun a un avis avisé, Eric Gerets doit aussi se défendre sur son salaire, sujet qui alimente les conversations de café. Là où tous les Marocains ont aussi leurs avis avisés. Et ils sont à peu de choses près unanimes. Les 2,7 millions de dirhams de Gerets, somme à laquelle on estime son salaire mensuel, c’est presque deux fois le traitement de Laurent Blanc à la tête de la France, et une place dans le top 5 des sélectionneurs les mieux payés au monde.
Trop dans l’absolu. Et difficile à justifier après la déroute africaine. Autant dire que le coach belge la joue défensive. D’entrée, il verrouille le débat. “Je suis engagé pour un long et moyen termes”, assène-t-il vite. Histoire de rappeler qu’il a toujours le soutien du boss du football, le vrai, Mohammed VI. Le roi lui a demandé de rester. Ali Fassi Fihri, le président de la Fédération royale marocaine de football, a été d’ailleurs dépêché pour l’annoncer devant le parlement. Dans la foulée, Gerets a été maintenu à l’unanimité par le bureau fédéral, tous les membres de l’instance oubliant les offs assassins dans le dos de leurs collègues et à destination des journalistes. Eric Gerets était au moins sûr de l’essentiel. Mohammed VI avait mis tout le monde d’accord et lui faisait toujours confiance.
Quand la sélection va, tout va
Le coach belge était arrivé à la tête de la sélection nationale parce que Mohammed VI avait tapé du poing sur la table, via une lettre incendiaire aux dirigeants du sport marocain, football en tête. Les Lions de l’Atlas étaient sortis déconfits des dernières CAN et des éliminatoires de la Coupe du Monde. Ils n’étaient plus qu’un tournevis édenté dans les outils de gouvernance de Mohammed VI, qui avait décidé de faire sienne, en la modernisant, une vieille sentence de son père : “Je vous concède ce que vous voulez, mais l’équipe nationale relève de mes prérogatives. C’est mon jardin secret”. C’était l’époque bénie pour Eric Gerets. Surtout après le 4-0 contre l’Algérie. Le technicien vengeait ainsi le 5-1 infligé au Maroc par les Fennecs, petits renards du désert, venus bouffer du lion sur son territoire, en 1979, à l’époque des relations glaciales entre les voisins ennemis pour cause de conflit saharien.
Gerets fait de la victoire du Maroc contre l’Algérie, au stade de Marrakech, une ligne comptable essentielle dans son bilan en cours. Le sélectionneur des Lions de l’Atlas commence ce jour-là, même s’il s’en défend aujourd’hui, à croire à une possible victoire du Maroc à la CAN : “J’étais l’homme le plus heureux du monde de voir tout un peuple en liesse”, déclare-t-il au lendemain de la branlée prise par l’Algérie. Mais le saupoudrage patriotique a aveuglé tout le monde sur le vrai niveau des deux équipes. Le Maroc n’est pas un ogre et l’Algérie tout au plus un agneau. Eric Gerets le sait au fond, mais il y trouve son compte. Il tient enfin son match de référence, il devient un messie pour les Marocains tandis que le Pouvoir peut jouer sa carte du Maroc uni via le foot autour d’Allah, Al Watan, Al Malik. Eric Gerets est alors le roi du pétrole, ayant la garantie de la collaboration de tous, et en premier lieu de son ministre de tutelle, Moncef Belkhayat. A l’époque, le ministre des Sports pouvait se permettre de répondre au parlement à un député PJD que le salaire du sélectionneur relevait de la clause confidentielle.
Vie privée, argent public
Sauf que ce catenaccio ne tient plus. Le 20 février a bousculé la donne, le PJD est arrivé au pouvoir, on débat de plus en plus de l’utilisation des deniers publics et Gerets n’a pas réussi à franchir le premier tour de la CAN. ça chauffe désormais pour les fesses du sélectionneur. “Le contrat de Gerets n’est pas un secret d’Etat. Il va même à l’encontre de la nouvelle Constitution”, a moralisé Mohamed Ouzzine, le nouveau ministre haraki des Sports. Plus personne pour garantir l’omerta à Gerets, pas depuis que son salaire est devenu une affaire nationale, l’équivalent XXL du cachet de Shakira pour le M20. D’autant que c’est la foire d’empoigne au parlement pour en connaître le montant.
“Nous voulons savoir combien touche cet entraîneur puisque, depuis son recrutement, la Fédération et le ministère de tutelle refusent de dévoiler son salaire”, a réclamé devant les élus de la nation Ahmed Zaïdi, chef du groupe parlementaire de l’USFP. Et face à cette nouvelle configuration de jeu, Eric Gerets maintient sa ligne de défense : pas touche à une chose qui relève de sa vie privée. “Mon salaire ne regarde personne (…) Je crois que mon salaire est une affaire privée”, avait-il déjà dé-claré. Entre-temps, il a été la cible de hackers marocains qui ont piraté son compte bancaire, avant de diffuser sur le Net un de ses relevés, révélant qu’il toucherait plus de 2,7 millions de DH de salaire mensuel. Eric Gerets n’a ni confirmé, ni infirmé. Il a par contre annoncé qu’il porterait plainte contre X suite à la divulgation de son relevé bancaire. Toujours droit dans ses bottes et se drapant, plus que jamais, dans la clause de confidentialité contenue dans son contrat avec la Fédération de football…
Médias. Le lion miaule Eric Gerets ne grognera plus contre les journalistes, mais il leur parlera gentiment sans être avare d’explications. Il l’a promis juré : “Les journalistes doivent disposer de plus d’informations. Cela contribuera également à la création d’une relation entraîneur/presse basée sur le respect mutuel et des rapports neutres et objectifs”, s’est-il voulu rassurant. Le nouveau ton diplomatique de Gerets est en fait une concession faite à la Fédération de football qui lui a demandé d’être plus conciliant avec la presse nationale. Le sélectionneur avait jusque-là cumulé les accrochages avec les journalistes sportifs de la place, multipliant les répliques cinglantes quand la question l’agaçait ou lui semblait sans intérêt. Gerets, pour l’heure, s’est exécuté en expliquant qu’on avait mal interprété ses dernières déclarations sur les entraîneurs marocains qui ont critiqué ses choix tactiques. “Je dirais que ce sont des entraîneurs qui ont raté leurs carrières et qui veulent peut-être se racheter. J’aimerais bien rencontrer l’un d’entre eux “face-to-face” pour qu’il me dise quelles sont les erreurs tactiques que j’ai commises”, s’était-il épanché dans les colonnes d’Aujourd’hui le Maroc. Le tacle était surtout destiné à l’ancien sélectionneur Baddou Zaki, qui avait taillé des croupières à Gerets sur Al Jazeera. Désormais, le sélectionneur devra être moins rugueux et arrondir les angles. |
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