Une baisse vertigineuse de l’activité touristique en 2011, des fermetures d’hôtels en série… la Tunisie subit de plein fouet les conséquences de la Révolution du jasmin. La bataille des images est engagée pour promouvoir la Tunisie nouvelle.
Redonner à la Tunisie sa place de premier choix des destinations touristiques mondiales : la tâche est immense. L’activité touristique a chuté de 30 à 40% en 2011. D’autant plus grave que le tourisme représente 15% du PIB et des emplois du pays, et se trouve fortement dépendant de son premier marché émetteur, la France. Doit-on imputer cette chute vertigineuse du tourisme à la crise ? Pas uniquement. Fin janvier, un reportage sur la chaîne française M6 montre des salafistes occupant une université près de Tunis. Une image de plus qui, trois mois après les élections gagnées par le parti islamiste Ennahda, risque de ne pas arranger les affaires touristiques tunisiennes. Et de mettre à mal les efforts de promotion entrepris depuis un an pour relancer l’activité. Une promotion tentant souvent de faire de la révolution un argument de vente.
Quand promotion rime avec révolution
Paris, fin mai 2011. Le parvis de l’hôtel de ville accueille le village du jasmin, opération séduction pour promouvoir l’image de la Tunisie post-Ben Ali. Une expo-photo retraçant la révolution côtoie des stands d’huile d’olive. Les organisateurs arborent des T-shirts portant le slogan “Venez découvrir la Tunisie nouvelle”. Le visiteur repart avec un tract pour un nouveau parti politique et une brochure touristique du grand sud tunisien. Un événement qui fait écho à une campagne de publicité de trois millions d’euros lancée en France au même moment. Des slogans décalés et plein d’humour comme “On raconte que la Tunisie est un champ de ruines”, ou “Il paraît qu’en Tunisie la tension est à son comble”, contrastent avec des photos de sites archéologiques et de touristes se détendant sur une plage. Invitée au G8, la Tunisie lance aussi dans la presse un manifeste au titre peu équivoque : “Invest in democracy”. Mais aujourd’hui, le bilan est amer. Les Investissements directs étrangers ont chuté de 50% par rapport à 2010.
“On gagnerait à mettre en cohérence les actions de promotion, et à investir dans les relations presse”, nous confie Samir Bouzidi, éditeur du magazine 216 des Tunisiens de l’étranger. “Un article de journal ou un reportage télévisé aux heures de grande audience peuvent avoir plus d’impact que des campagnes de communication”, ajoute cet observateur du traitement médiatique de la Tunisie en France. Et ces campagnes de promotion touristique se sont élevées à 20 millions d’euros en 2011, soit quatre fois plus que les années précédentes. Sans faire l’unanimité chez les professionnels du secteur. Pour préparer la saison estivale 2012, une campagne d’affichage a débuté dans le métro parisien. Toujours décalée, mais sans référence à la révolution cette fois…
Une guerre des images
Nul doute que la gestion de l’image de la Tunisie à l’étranger sera un enjeu déterminant pour la crédibilité du gouvernement tunisien. Rassurer le touriste sur sa sécurité. Lui promettre que la population reste accueillante. Rappeler que les salafistes sont une petite minorité en Tunisie. Et qu’une élection gagnée par des islamistes, c’est aussi la démocratie. Les déclarations rassurantes du gouvernement à l’égard du tourisme après la victoire électorale des islamistes ont été un premier pas. Tout comme les propos d’Alain Juppé, ministre français des Affaires Etrangères, lors d’un déplacement à Tunis en janvier. “Les touristes français peuvent reprendre le chemin des médinas, des plages et des palmeraies”, a-t-il déclaré.
Mais lorsque Wajdi Ghanim, prédicateur égyptien invité par des associations islamistes en Tunisie, prône l’excision et la polygamie pourtant interdite par le code du statut personnel tunisien, il ne s’agit pas seulement de politique. L’événement fait le tour du Web mi-février, et l’image de la Tunisie à l’étranger est de nouveau menacée. Il faudra la gagner, cette guerre des images. Avec des pubs, pour commencer. Ce sera difficile. Malgré tous les atouts dont elle dispose, la Tunisie peine à rester l’un des pays les plus prisés du tourisme balnéaire de masse.
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