Turquie. Sur la kurde raide

Attentats, enlèvements, arrestations… la Turquie vit des heures sombres depuis la recrudescence des actes terroristes perpétrés par le PKK.

Pas une semaine ne passe sans qu’on entende parler de faits reliés à la question kurde. Dans la nuit du samedi 11 février, des avions militaires turcs ont bombardé des positions de séparatistes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans les régions de Zap et Hakurk, a annoncé l’armée turque dans un communiqué. Ce raid aérien, le deuxième en 8 jours dans le nord de l’Irak – une région utilisée par le PKK comme base arrière pour ses opérations -, fait suite aux récentes attaques meurtrières menées par les rebelles dans le sud-est de la Turquie, peuplé en majorité de Kurdes. Après la mort de 24 militaires dans une embuscade, en octobre dernier, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan a décidé de riposter par une campagne massive d’arrestations. Même si on est loin d’un retour à la période sanglante des années 90, pas moins de 200 personnes ont été tuées depuis juin dernier et la police a arrêté une centaine de personnes dans les milieux soupçonnés de collusion avec les terroristes kurdes. Des équipes de la police ont également investi les bureaux de certains syndicats et les domiciles de leurs dirigeants à Istanbul, Ankara, Diyarbakir (principale ville du sud-est anatolien à majorité kurde) et dans au moins six autres villes de Turquie, d’après l’AFP.

Dans l’ombre du PKK

L’opération policière s’inscrit dans le cadre d’une offensive judiciaire visant à sévir contre le KCK (Union des communautés kurdes). Cette organisation clandestine est soupçonnée d’être la branche politique du mouvement armé PKK, en lutte depuis 1984 contre le pouvoir central. Les autorités accusent le KCK de vouloir remplacer les institutions officielles dans l’est et le sud-est anatoliens et de favoriser une insurrection dans ces régions. Selon les autorités turques, le KCK souhaite se substituer à l’Etat turc dans les collectivités locales des provinces à forte majorité kurde en créant une structure administrative parallèle aux institutions officielles. Depuis 2009, 700 personnes, selon le gouvernement, et 3500 dont des députés, des intellectuels et des maires, selon les milieux kurdes, ont été incarcérées pour collusion avec le KCK.

Vers la guerre civile ?

Même si une victoire militaire n’est pas envisageable pour le PKK, il a tout de même réussi à créer un climat de peur et peut-être même à relancer la guerre. Un objectif qu’il poursuit depuis plusieurs années. Dans quel but ? Probablement pour pousser la population kurde à l’insurrection et ainsi déclencher une guerre civile. Pour quelle raison ? Pour la démocratie ? Pour les droits du peuple kurde ? Il est difficile de le croire. Les raisons de la recrudescence des attaques du PKK sont à chercher dans les promesses d’ouverture faites par Ankara envers la communauté kurde. Au moment où des débats ont lieu autour de la question de l’autonomie et l’enseignement officiel dans la langue maternelle pour les Kurdes, le PKK perd de sa raison d’exister et tente d’éveiller les Kurdes à la perspective d’une guerre civile au prétexte que “le gouvernement AKP n’en a pas fait assez”.

Liberté pour les Kurdes

Si le PKK espère se substituer à Ankara sur une partie du territoire turc, il ne peut y parvenir sans impliquer la population. Tant que les Kurdes ne s’exprimeront pas sur le fait de vivre ou non sur un territoire indépendant géré par le PKK, la situation ne risque pas de s’améliorer, ce qui profite au PKK. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, semble l’avoir compris. En dix ans à la tête du pouvoir, l’AKP, son parti politique, a entrepris plusieurs chantiers : mener le pays vers la démocratie, démilitariser le régime et devenir une puissance dominante au Proche-Orient. Toutefois, le plus dur reste à faire : l’intégration à l’Europe, la réforme constitutionnelle ainsi que la reconnaissance des droits des Kurdes, qui sont aujourd’hui plus liés que jamais.

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