Hôtellerie. Avis de tempête !

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Les destinations phares du royaume sont en manque de touristes. Après une année 2011 bouclée avec difficulté, les professionnels s’attendent à une saison encore plus difficile. Zoom.

Les professionnels du tourisme sont dans de sales draps. Depuis quelques semaines, les nouvelles ne sont pas bonnes : les taux de remplissage sont en chute libre. Certains établissements de Marrakech, destination phare du royaume et véritable baromètre de l’activité touristique, affirment tourner avec 10% de leur capacité. Une catastrophe. “Nous avons bouclé un exercice 2011 très difficile et l’année en cours ne s’annonce pas sous de bons auspices. En janvier, l’activité est déjà en baisse de 15% par rapport à l’année dernière”, indique cet hôtelier marrakchi. L’heure est donc grave. La semaine dernière, plusieurs opérateurs sont montés au créneau pour attirer l’attention des pouvoirs publics. Une vingtaine d’hôteliers, représentant plus de 40 établissements, ont ainsi adressé une pétition au gouverneur de la ville ocre. Requête : sauver “ces unités, toutes menacées de fermeture, de dépôt de bilan ou de mise sous protection de la loi sur les faillites”. Carrément ! Selon des sources locales, la ville a terminé l’année sur une baisse des nuitées de 8 %, alors que les arrivées ont régressé de 7%. “A un tel niveau, on ne couvre pas nos charges”, se plaint notre interlocuteur.

A Kech, touristes makaynch !

“Il est vrai que le mois de janvier a été particulièrement difficile pour les hôteliers. Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. La situation est plus délicate pour ceux qui n’ont pas encore amorti leur investissement”, explique Hamid Bentahar, président du Centre régional de tourisme (CRT) de Marrakech. Et d’ajouter : “Nous avons bouclé l’année dernière avec un taux de remplissage moyen qui avoisine les 45%, ce qui n’est pas catastrophique. Cependant, ce taux diffère d’un établissement à l’autre. Certains hôtels peuvent être à 70% et d’autres à 10%”. Comprenez que les groupes adossés à des chaînes internationales tirent bien leur épingle du jeu, contrairement à ceux qui comptent sur leurs propres moyens.

Il y a aussi un autre élément qu’il faut prendre en compte. “Ces dernières années, la capacité d’accueil a pratiquement doublé à Marrakech. Du coup, les hôtels se partagent en quelque sorte le gâteau et chaque établissement déploie les grands moyens pour attirer plus de visiteurs”, explique Younès Benslimane, cadre au CRT de Marrakech. Il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire alors ? “En vérité, la réaction des hôteliers a été un peu exagérée. Certes, la récession mondiale et européenne s’est traduite par une chute de la fréquentation. Mais de là à menacer de mettre la clé sous la porte, c’est un peu pousser le bouchon très loin. En plus, le plus dur est à venir”, indique une source à l’Association de l’industrie hôtelière (AIH).

Horizon incertain

Les plus expérimentés s’attendent en effet à des années de vaches maigres. “Il est clair que cette année ne sera pas meilleure que la précédente. Nous allons juste essayer de limiter la casse et espérer que 2013 sera l’année de la reprise”, estime cet hôtelier de Marrakech, un brin pessimiste. Il faut dire que les indicateurs n’augurent rien de bon. Les principaux clients du royaume, la France et l’Espagne, sont en crise. “D’habitude, les vacances dans l’Hexagone, qui s’étalent cette année entre le 11 février et le 12 mars, sont une période qui relance l’activité après un mois de janvier généralement morose. Mais, jusque-là, les réservations sont rares”, déplore ce professionnel.

Autre élément qui dérange les hôteliers : la suppression des liaisons aériennes avec plusieurs destinations. Après avoir été le fer de lance de la vision 2010, la Royal Air Maroc a jeté l’éponge. Soumise à un plan de restructuration et obligée de réduire ses dépenses, la compagnie nationale a mis à l’arrêt une dizaine d’appareils et annulé plusieurs vols moyen courrier (on parle d’une trentaine) à partir de villes européennes proches. Résultat : plusieurs milliers de passagers se sont évaporés. “Les difficultés de la RAM impactent négativement l’activité. Nous avons besoin d’une compagnie forte pour accompagner le secteur”, indique le président du CRT de Marrakech. Pire encore, la crise mondiale de l’aérien a poussé plusieurs compagnies à se retirer de Marrakech, notamment British Airways et Air France.

Sauve qui peut !

Il y a donc feu en la demeure. Et le SOS lancé par les hôteliers de Marrakech ne tardera pas à être suivi par les professionnels d’autres villes, notamment d’Agadir. En baisse de régime également, la capitale du Souss a terminé l’année dernière sur une chute des nuitées de 7%. “Il ne faut pas oublier qu’avec chaque touriste qui arrive dans le royaume, il y a un emploi direct et 5 emplois indirects qui sont créés, sans oublier les retombées en termes de devises et de croissance”, rappelle Hamid Bentahar.

L’enjeu est donc de taille. “Nous avons pris connaissance des doléances des professionnels et nous sommes en train de les étudier. La conjoncture est difficile pour tout le monde et le Maroc affiche jusque-là des signes de résilience satisfaisants”, indique-t-on auprès du ministère de tutelle. Seulement, les professionnels réclament des mesures immédiates. “Il faut agir d’urgence sur deux niveaux : promouvoir la destination Maroc, qui reste peu marketée à l’international, et mettre fin à l’informel qui commence à nous ruiner”, estime cet hôtelier. Un plan d’attaque est en préparation au niveau du ministère pour dynamiser l’activité. On verra bien ce que nous réservera l’équipe de Lahcen Haddad…

 

Chiffres. La vérité si je mens !  

Au Maroc, les chiffres du tourisme sont paradoxaux: les arrivées sont en hausse alors que les nuitées dégringolent. Selon l’Observatoire du tourisme, le Maroc a accueilli près de 8 millions de visiteurs à fin octobre (derniers chiffres disponibles), en hausse de 2%. Les nuitées, elles, ont régressé de 6%. Sous-déclaration des hôteliers ? « La majorité des établissements classés répondent aux standards internationaux et travaillent dans des conditions transparentes. Cela dit, il n’est pas exclu qu’il y ait des brebis galeuses », indique Hamid Bentahar. « Il est normal qu’il y ait un décalage. Les arrivées, qui sont comptabilisés à partir de l’aéroport, ne passent pas forcément par les établissements classés. Plusieurs d’entre eux vont finir dans des appartements privés qui commencent à concurrencer sérieusement les hôtels », explique Younès Benslimane du CRT de Marrakech. En vérité, ce chiffre de 8 millions de touristes doit être relativisé. Car dans le détail, l’Observatoire comptabilise les MRE et les Français résidents au Maroc qui multiplient les allers-retours tout au long de l’année. 

 

Tourisme en chiffres (2011)

6 milliards de dollars en devises

– 470 000 emplois

– 60 milliards de dirhams de contribution au PIB  (8 à 9%) 

 

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