Corée du Nord. Kim est mort vive Kim !

Kim Jong-Il est décédé. Son fils, Kim Jong-Un, prend la tête de la Corée du Nord, le pays le plus secret du monde, qui dispose de l’arme nucléaire et du soutien de la Chine.

Dans Pyongyang enneigée, les magasins étaient fermés et l’affliction populaire apparemment sincère. Pendant les jours qui ont suivi la mort de Kim Jong-Il, le 17 décembre, c’est toute la Corée du Nord qui était en deuil : les médias officiels multipliaient les images de foules pleurant leur “grand leader”. Des scènes d’hystérie collective qui n’étonnent guère dans ce pays où propagande et culte de la personnalité ont toujours été magistralement orchestrés. C’est en 1994 que Kim Jong-Il a succédé à son père, Kim Il-Sung, le fondateur du pays, au pouvoir dès 1948. Pendant son règne, le pays s’est doté de l’arme nucléaire, mais il a surtout été ravagé, dans les années 90, par des famines qui ont fait des centaines de milliers de morts. “Kim Jong-Il a laissé s’embourber dans la pauvreté et le manque de nourriture des millions de Nord-Coréens”, commente Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Le dictateur défunt a également “envoyé croupir dans des camps pénitentiaires des centaines de milliers de personnes”, selon le responsable de l’organisation de défense des droits de l’homme. Un bilan qui a incité les Etats-Unis, le Japon et les pays européens à boycotter la minute de silence organisée à l’ONU en hommage à l’ancien chef d’Etat. Kim Jong-Il “est sans doute responsable de la mort de dizaines de milliers de personnes”, a justifié, sous couvert d’anonymat, un diplomate européen. Une position qui contraste avec celle de la Chine, le plus important des rares soutiens de la Corée du Nord, dont le président est allé en personne présenter ses condoléances à l’ambassade nord-coréenne.

Dictature héréditaire
Sans surprise, le 29 décembre, c’est le fils cadet de Kim Jong-Il, Kim Jong-Un, qui a été proclamé “leader suprême du parti, de l’armée et du peuple”. Agé de moins de 30 ans, formé en Suisse, le nouvel homme fort de la Corée du Nord est un personnage énigmatique, qui accède au pouvoir sans avoir rien laissé transparaître de sa personnalité, ni de ses intentions. Mais, selon les analystes, il ne faut pas s’attendre à de profondes réformes politiques et économiques. D’autant que le 3ème dictateur de la dynastie Kim devrait, les premières années, être chaperonné par la vieille garde qui entourait déjà son père. “Nous déclarons solennellement et fièrement aux responsables politiques stupides dans le monde, y compris les fantoches de Corée du Sud, qu’ils ne doivent pas s’attendre au moindre changement de notre part”, a confirmé la commission de défense nationale, considérée comme la structure la plus puissante du pays. Elle a également écarté toute possibilité de discussion avec la Corée du Sud, avec qui les tensions sont restées vives depuis la guerre qui a opposé les deux pays, de 1950 à 1953. “Nous nous refuserons toujours à nouer des liens avec le traître Lee Myung-bak [président sud-coréen] et son groupe”, a ainsi ajouté la commission de défense nationale.

Menaces diplomatiques
Allant plus loin, la Corée du Nord a aussi promis à sa voisine du sud qu’elle lui ferait payer pour les “péchés” commis lors de la mort de Kim Jong-Il. Elle lui reproche d’avoir interdit les visites de condoléances à Pyongyang, ainsi que le lancement de tracts par des activistes appelant à l’insurrection contre la dynastie Kim, le jour des obsèques. Le 1er janvier, un éditorial publié dans la presse officielle (la seule autorisée) a brossé la ligne politique de l’année 2012 : “Le parti tout entier, l’armée tout entière et le peuple tout entier doivent avoir la ferme conviction qu’ils vont devenir des remparts et des boucliers humains pour défendre Kim Jong-Un jusqu’à la mort”. L’article appelle les Etats-Unis – vieux ennemis du régime – à retirer leurs 28 500 soldats de Corée du Sud, dont ils sont l’allié. Il promet ensuite de “renforcer” l’armée, qui comptent déjà 1,2 million de soldats sur une population totale de 24 millions d’habitants. En Corée du Nord, les militaires sont favorisés pour l’approvisionnement en nourriture, énergie et matériel. Le peuple, lui, reste confronté à d’importantes pénuries. A Pyongyang, le chef a changé, mais le changement attendra.

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer