Il avait tout juste 22 ans quand il a lancé Data Plus. 11 ans plus tard, son entreprise monte ses propres machines et se lance bientôt dans la fabrication de smartphones 100% marocains. Histoire d’une petite start-up devenue grande.
Début 1999. Fraîchement diplômé de l’Ecole d’ingénieurs de Lille, Chakib Riffi, 22 ans, ne veut pas intégrer le rang des salariés anonymes. Son ambition : créer son propre business. Avec l’aide de son père qui lui prête 100 000 DH, il lance Data Plus, une entreprise de service informatique et télécoms, devenue aujourd’hui le premier fabricant d’ordinateurs et bientôt le premier fabricant de smartphones made in Morocco. En attendant, le petit intégrateur de solutions télécoms du début des années 2000 vaut déjà de l’or. Pour entrer dans le tour de table de la firme, Investima, société d’investissement affiliée à la Société générale, a dû allonger pas moins de 12 millions de dirhams pour seulement 24% du capital. Petit calcul : la start-up qui a démarré dans un petit local de 75 m2 au Boulevard Abdelmoumen de Casablanca vaut aujourd’hui près de 50 MDH. “Et ce n’est encore qu’un début. Mon ambition est de faire de Data Plus une grande entreprise, un Dell Marocain”, explique le jeune patron de la firme. Alchimiste ou doux rêveur ? Tout juste bosseur. “On n’a pas besoin d’être forcément américain pour exceller”, dit-il. Pur produit de l’école publique, Chakib Riffi et son entreprise sont la preuve que le moroccan dream n’est pas un leurre.
La vague numérique
Quand il démarre son activité en septembre 1999, le Maroc connaît alors le début d’une révolution technologique. L’Etat avait, quelques jours auparavant, accordé une licence GSM à Méditel alors que Maroc Telecom préparait à son passage au privé. Les offres Jawal sont lancées, le portable n’est plus ce gadget qui fait peur et les cybercafés poussent comme des champignons. Le train numérique est en marche. Pour les businessmen des NTI, c’est l’eldorado. Chakib Riffi surfe sur cette vague et, à peine entré dans l’arène, il décroche un premier contrat pour le moins juteux : la mise en place d’un centre d’appel pour Poste Maroc. Montant facturé : 190 000 DH. Mais ce n’est rien comparé aux marchés publics. Sous-équipés, les administrations, ministères et établissements publics consacrent des dizaines de millions de dirhams tous les ans pour rattraper le retard. Une véritable manne dont Riffi se verra privé. Motif : le manque de références. “J’ai fait un jour un scandale en pleine commission à la faculté des sciences de l’Université Hassan II pour dire que je ne pouvais pas avoir des références si je n’ai pas l’occasion d’en avoir. On a fini par me confier la livraison de 3 imprimantes pour 2000 DH chacune. C’était juste pour me faire taire, mais c’était quand même mon premier marché public et un sésame pour tous les autres marchés de l’éducation nationale”. L’homme focalisera tous ses efforts sur l’équipement des établissements publics, mais n’oubliera pas le privé. Distributeur de plusieurs marques, il se voit ouvrir en 2004 les portes des chaînes de grande distribution Metro et Marjane. Joli coup, mais rien de bien spécial. L’entreprise ne décolle pas. Son chiffre d’affaires ne dépasse pas, bon an mal an, les 5 millions de dirhams.
Le virage italien
Octobre 2005. Chakib Riffi est en voyage d’affaires à Dubaï pour rencontrer ses fournisseurs. Parmi eux, le patron de la marque italienne Olivetti, qui lui annonce qu’il sera désormais livré à partir de l’Egypte, pays que les Italiens ont choisi pour y installer leur plateforme régionale. Chakib Riffi tique. Pour lui, il n’y a pas meilleure destination d’investissement dans la région que le Maroc. Il sort tout un argumentaire pour convaincre le boss d’Olivetti de changer de destination et poser ses valises au Maroc. Rien n’y fait. Les négociations avec le gouvernement égyptien étaient quasiment bouclées, mais le destin en a décidé autrement. Cinq mois plus tard, le jeune patron de Data Plus reçoit un coup de fil du manager de la marque italienne : “Nous avons laissé tomber l’Egypte. Ils voulaient prendre des parts dans le projet sans mettre le moindre sou. Fais un business plan et ramène-toi en Italie”. Pour Chakib Riffi, c’est l’opportunité rêvée : fabriquer ses propres machines au lieu de distribuer celles des autres.
Pour concrétiser le deal, l’homme devait réunir quelque 8 MDH pour construire l’unité de production. Il puise 2 millions dans les réserves de la start-up. Son banquier lui ouvre une ligne de crédit de 3 MDH. Et pour boucler la boucle, il retourne voir son père, qui vend carrément sa maison pour 3 MDH pour l’aider dans son projet. Installé à Bouskoura, l’usine produit ses premières machines et reverse ses premières royalties à la maison italienne. Le chiffre d’affaires explose : passé à 60 MDH en 2006, il flirte aujourd’hui avec les 80 MDH, réalisé entièrement sur la gamme Olivetti. Une gamme imbattable dans les marchés publics, grâce à ses prix, sa qualité et la flexibilité de son fabricant (voir encadré). “Nous équipons aujourd’hui plus de 20 000 écoles. Et nous sommes le premier fournisseur de l’Etat en matériel informatique et accessoires”, confie Riffi. Et ce n’est pas tout. Data Plus casse les frontières et s’attaque à la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Si vous tombez sur des machines Olivetti au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Arabie Saoudite, en Algérie ou en Tunisie… sachez qu’elles ont été fabriquées chez nous !
Smartphone low-cost
Autre voyage, autre rencontre, autre virage. En 2010, Maroc Export organise les premières caravanes de l’export en Afrique. Le patron de Data Plus ne rate pas l’occasion et monte dans l’avion de Saâd Benabdellah, le patron de Maroc Export. La caravane sillonne quatre pays africains et s’arrête au Bénin. Là-bas, il tombe sur une usine de fabrication de smartphones low-cost qui le laisse pantois. “J’ai été surpris. L’usine était ultra-moderne, super-high-tech. Je me croyais en Grande-Bretagne, pas au Bénin…”. Les équipes béninoises travaillaient ce jour-là sur une commande de 10 millions de dollars pour le compte d’un client au Nigéria. “Je me suis dit, pourquoi pas nous ?”. Et c’est parti pour un nouveau tour.
De retour au Maroc, Riffi lance une étude de marché pour sonder le terrain. Les résultats sont réjouissants : les Marocains, qui utilisent au total quelque 30 millions de téléphones, changent leur portable une fois tous les deux ans. Tous les ingrédients sont là pour se lancer dans l’aventure. Aujourd’hui, les études sont prêtes et les premiers travaux de la future usine devront être lancés début 2012. “Le premier téléphone made in Morocco sortira de notre usine fin 2012”, promet le patron de Data Plus. “Monté à partir de composants importés de Hong-Kong, il sera vendu entre 160 et 240 DH, avec tous les équipements qu’il faut : écran couleur, caméra, Bluetooth, connexion Internet…”, se félicite le Steve Jobs de Bouskoura. Et les tablettes, c’est pour quand ?
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