Passé la tempête électorale, les partis de gauche peinent à trouver leur place sur l’échiquier politique : l’USFP résiste, le PPS collabore et le PSU investit la rue. Mais où va la gauche ?
Les temps sont durs pour les partis de gauche. Les élections législatives anticipées du 25 novembre ont davantage brouillé les pistes pour l’émergence d’un pôle de gauche, un rêve que poursuivent, depuis quelques années, les militants de plusieurs formations politiques. Et dont la seule, et insignifiante, consécration aura été la fusion-absorption qui a permis à l’USFP d’“avaler” le PSD (Parti socialiste démocratique) des camarades de Aïssa Ouardighi fin 2005. Aujourd’hui, le fossé est abyssal entre les partis de gauche et notamment ceux qu’on peut qualifier de “locomotives” : l’USFP, le PPS et le PSU. Leur position à l’égard du Mouvement du 20 février a ouvert une brèche. Puis la campagne référendaire autour de la Constitution du 1er juillet 2011 l’a creusée. Et les élections législatives – boycottées par le PSU – ont fini le travail. Aujourd’hui, l’USFP, laminé, décide de se cantonner dans l’opposition, le PPS rejoint une coalition dirigée par les islamistes du PJD, et le PSU occupe désormais la rue avec le reste des petits partis en voie de disparition. Quel avenir pour cette gauche aujourd’hui dispersée ?
Le peuple de gauche
Le tableau n’est pas aussi sombre qu’il n’y paraît. Nabila Mounib, qui vient de prendre la direction du PSU, considère que le retour de l’USFP à l’opposition pourra raviver le vieux rêve d’une gauche unie. Mais cet avis ne fait pas l’unanimité au sein de sa propre formation. “Nous ne pourrons collaborer avec des appareils sclérosés qui reproduisent les mêmes pratiques depuis au moins 1996”, explique Mustapha Miftah, l’un des dirigeants sortants du PSU, en référence aux directions de l’USFP et du PPS. Une alternative ? “Nous recherchons un idéal citoyen et nous travaillerons de concert avec les militants de la base, dans la rue et sur les grandes questions qui interpellent notre société”, répond Miftah, qui parle de “peuple de gauche”.
Pour le moment, le PSU a le regard tourné vers ses deux autres alliés : le PADS (Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste) et le CNI (Congrès national ittihadi). “Nous allons essayer de donner un nouveau souffle à cette alliance qui a déjà eu des résultats satisfaisants lors des législatives de 2007”, explique un dirigeant du PSU, qui fait allusion aux candidatures communes décidées par les trois formations lors de ce scrutin. Le peuple de gauche ? Le terme revient aussi dans la bouche de Abdelhamid Jmahri. “L’USFP à l’opposition, c’est un facteur aidant pour ressouder les rangs de la gauche”, affirme le dirigeant ittihadi. Pour lui, cela devient même une priorité. “En face de la crise identitaire, sociale et économique, le pouvoir de la gauche ne peut s’affirmer sans solidarité”, poursuit Jmahri, qui appelle à une “analyse commune des priorités et des mutations actuelles de notre pays pour déboucher sur une vision unie”.
Faire table rase du passé
Si les rancunes existent toujours entre le PSU d’un côté, l’USFP et le PPS, de l’autre, des militants de part et d’autre appellent à faire table rase du passé et à entamer de nouvelles discussions. “Il nous faut faire preuve de plus de modestie. Nous devons arrêter de nous miner le moral et surtout en finir avec cette distinction absurde entre gauche gouvernementale et gauche morale”, explique Abdelhamid Jmahri. “Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise, et une action unifiée de la gauche s’impose plus que jamais”, affirme Mustapha Addichane, membre du bureau politique du PPS. Et d’ajouter : “En termes d’idées, de positions et de programmes, nous nous rencontrons sur plusieurs points, et le fait que le PPS soit au gouvernement ne peut pas remettre en cause cette réalité”. Du côté du PSU, en revanche, il ne peut y avoir de début de discussion avec les autres partis si ces derniers ne donnent pas de réelles garanties. “Nous jugerons sur pièce dans les semaines et mois à venir. Et nous attendrons pour voir comment vont se comporter l’USFP et le PPS face au gouvernement Benkirane issu d’un processus électoral que nous n’avons pas cautionné”.
Les élections avant tout
Depuis quelques mois, les trois partis de gauche ont cessé tout contact. La fièvre des élections passées, vont-ils reprendre leurs discussions ? “Au PPS, nous sommes prêts à répondre à toute invitation dans ce sens, et c’est ce que nous avons défendu auprès de Nabila Mounib quand nous l’avons appelée pour la féliciter”, affirme un dirigeant du parti de Nabil Benabdellah. “A l’USFP, nous ne voyons aucun inconvénient pour une réunion entre les directions des trois partis, et surtout pour remettre sur selle la commission tripartite qui ne s’est pas réunie depuis longtemps”, enchérit un responsable socialiste. De son côté, le PSU est plus mesuré. “C’est un peu prématuré. Chaque parti, pour le moment, semble avoir la tête ailleurs”, répond une source de cette formation.
Si le PSU est en train de mettre de l’ordre dans sa cuisine interne pour un nouveau départ, les deux autres composantes semblent avoir d’autres chats à fouetter. A l’USFP, les socialistes sont en train de remettre les habits d’une opposition qu’ils ont abandonnée il y a 14 ans. Le PPS, seule formation de gauche au gouvernement, est plutôt occupé à essayer de s’en tirer avec le moins de dégâts possible. Et, pour tout le monde, c’est un agenda chargé qui les attend en cette année 2012. En effet, USFP et PPS disent vouloir rattraper le coup et s’imposer lors de la série d’échéances électorales programmée tout au long de cette année. Premier objectif : avoir leur mot à dire lors des élections communales qui auront lieu en mars ou avril prochains. Le PSU, lui, va réunir ses instances de décision pour trancher la question d’une participation, ou non, à ce nouveau scrutin. Comment et avec qui ? Nul ne le sait aujourd’hui.
Petits partis. L’effet G8 |
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